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Les gravures de Goya : critique et mystère à la Pinacothèque

La Pinacothèque de Paris présente quelques tableaux et une somme de gravures de Goya. Il s’agit de montrer que le peintre espagnol du tournant du XIXe siècle fut un inventeur de la modernité. Il a été choisi par le musée, avec Bruegel et l’artiste contemporain chinois Chu Teh-Chun, pour représenter "les peintres témoins de leur temps" (jusqu’au 16 mars 2014).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Francisco de Goya, Désastre n° 22, "Tant et plus", Les Désastres de la guerre, 1810-1820
 (Collection privée, Madrid)

Avant la photographie, les peintres étaient les seuls capables de "fournir un témoignage visuel d’un événement", souligne Marc Restellini, le directeur de la Pinacothèque. Ainsi, en Espagne, Francisco de Goya (1746-1828), proche des Lumières, a dénoncé dans ses tableaux et surtout dans ses gravures, les excès du pouvoir et de l’église, alors que son pays vit une époque tourmentée par les guerres et les famines.
 
Fils d’un artisan doreur qui travaille pour les ecclésiastiques aragonais, Francisco de Goya étudie le dessin et la peinture chez un religieux. Il y copie les œuvres françaises et italiennes. Rapidement, Goya va travailler pour l’église et pour la cour, qui lui assurent l’essentiel de ses revenus, même si, proche des Lumières françaises, il est parfois menacé par l’Inquisition.

Francisco de Goya, La Prière au Jardin des Oliviers, 1819, Museo Calasancio, Madrid
 (Escuelas Pias, Betania)
 
Des peintures religieuses pleines d’humanité
La Pinacothèque montre quelques-unes de ses peintures religieuses, empreintes d’humanité, comme cette "Mort de Saint François-Xavier", ou un très beau petit tableau représentant la "Prière au jardin des oliviers". Elle montre aussi des portraits. Ceux des grands d’Espagne sont immenses et déploient des couleurs somptueuses. Dans ceux de ses proches (son frère, un ami poète), plus intimes, il cherche davantage la vérité psychologique.
 
Autre série de petits tableaux, également plus personnelle, les "Scènes de jeux d’enfants". Vivants et joyeux mais en même temps misérables, ces enfants qui "s’arrachent des châtaignes", jouent à la guerre, en guenilles, souvent les fesses à l’air, témoignant d’une réalité sociale difficile.
Francisco de Goya, Caprice n°49, "Gnomes", "Les Caprices", 1799
 (Collection privée, Madrid)
 
L’intégrale des "Caprices"
Mais l’essentiel de l’exposition de la Pinacothèque, ce sont ses séries de gravures, présentées in extenso. Il s’agit sans doute des œuvres les plus originales de Goya, celles où il se permet véritablement d’exercer sa critique du pouvoir et de l’Eglise.
 
Les "Caprices", série de 80 estampes, sont dessinées hors de toute commande. Il y fustige la société espagnole de son temps, s’élevant contre les mariages de convenance (une image de fille mariée à un vieux sous le titre "quel sacrifice"), dénonçant les méthodes d’éducation basées sur le châtiment corporel.
 
Les titres sont mystérieux et ambigus, surtout ceux qui visent le clergé et la noblesse. Les gravures alternent réalisme et fantastique ou absurde. Elles sont éditées en 1800 mais, craignant l’Inquisition, Goya les retire rapidement de la vente. Il les offrira trois ans plus tard au roi.
Francisco de Goya, Désastre n°11, "Ni celles-là", Les Désastres de la guerre, 1810-1820
 (Collection privée, Madrid)
 
"Les Désastres de la guerre", et les "Proverbes" : du reportage au grotesque
Traumatisé par la guerre d’Indépendance contre les troupes napoléoniennes qui éclate en 1808, Goya s’en fait le chroniqueur, décrivant froidement les horreurs, corps écartelés, mutilés et accrochés à un arbre. "Les Désastres de la guerre", série de 82 gravures, est une succession des scènes crues, où il montre des exécutions sommaires, dénonce les viols. A côté de descriptions objectives, il évoque l’absurdité de la guerre ("On ne peut pas dire pourquoi"). A l’inverse de ce que faisaient jusque-là les artistes, il ne glorifie pas les faits d'armes mais montre une population en subissant les brutales conséquences.
 
Les dix-huit "Proverbes" ou "Folies" ("Los Disparates", 1815-24), sa dernière série, sont plus sombres et mystérieuses. Les figures aux traits déformés sont grotesques et prennent des postures ridicules.
 
Fallait-il exposer autant de gravures ? Pour les aficionados, certainement. Mais on est partagé entre l’intérêt de voir ces ensembles dans leur intégralité et la difficulté de les interpréter. Résultat, si on n’est pas spécialiste, on finit par être un peu noyés.
Francisco de Goya, "Enfants se battant pour des châtaignes", Série Scènes de jeux d'enfants 5/6, 1782-1785, Fondation de Santamarca y de San Ramon y San Antonio
 (Photo : Fondation de Santamarca y de San Ramon y San Antonio)
 
Les peintres témoins de leur temps, Goya et la modernité, Pinacothèque de Paris, place de la Madeleine, 75008
Tous les jours de 10h30 à 18h30, nocturnes les mercredis et vendredis jusqu’à 21h
De 14h à 18h30 le 25 décembre et le 1er janvier
Billet 3 expos : 18€ / 15€
L’expo Goya seule : 12€ / 10€
Du 11 octobre 2013 au 16 mars 2014 

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