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"L’Œuvre sans auteur" : l’histoire, la romance et l’art du XXe siècle dans un beau film de facture classique

Le réalisateur de "La Vie des autres", Oscar du meilleur film étranger 2007, raconte l’art des années 40 à nos jours avec romanesque et style.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Oliver Masucci dans "L'Oeuvre sans auteur" de Florian Henckel Von Donnersmarck (NULL / Copyright Walt Disney Germany)

L’Œuvre sans auteur de Florian Henckel Von Donnersmarck (La Vie des autres) ratrace une histoire de l'art contemporain via ses fondateurs, en Allemagne, à des périodes troubles : l'Hitlérisme, le communisme de la RDA... Il conte aussi une vraie histoire d'amour. Dans les salles le mercredi 17 juillet.

Le film est projeté en deux parties, séparées à la vente. Une distribution inédite pour un film de 3h10 au total (1h30 + 1h40) : on a vu plus long d’une seule traite… C’est le seul point faible d’une œuvre remarquable.

Pairs fondateurs

Emmené par sa tante à l’exposition d’"Art dégénéré" du IIIe Reich en 1937, Kurt, sept ans, se découvre des talents d’artiste. A l’âge adulte quand les Nazis ont été vaincus, il est parmi les plus grands peintres de Berlin-Est récupérés par les communistes. Sensible aux avant-gardes bannies par le régime, il aime Ellie, modiste, dont le père fut très impliqué dans la médecine nazie. Passés à l’ouest, ils s’épanouissent dans leur art, mais sont rattrapés par leur passé…

Très beau sujet que de s’attaquer aux origines de l’art contemporain. Après The Square qui traitait des galeristes et curateurs d’aujourd’hui avec un cynisme éclairé, Florian Henckel raconte leurs pairs dans un style classique. Avant-garde et classicisme : un paradoxe qui va au bénéfice du film. Le réalisateur y insère la belle romance du couple Kurt-Ellie, mêlée aux fantômes du nazisme. 

L’histoire véritable

Florian Henckel Von Donnersmarck évite le biobic en changeant le nom de ses personnages réels. Son "héros" (Kurt Banert/Tom Schiling) est en fait Gerhard Richter, élève de Joseph Heinrich Beuys (Antonius van Verten dans le film). Leurs créations participent de notre époque, dans l’art, comme dans la philosophie.

L’Œuvre sans auteur identifie l’art au temps, avec comme cheville ouvrière les artistes. Kandinsky, dans Du Spirituel dans l’art (1911), définit l’artiste comme visionnaire, prédicateur d’avenir. Kurt Banert/Richter et Steeban /Beuys en sont les représentants quand ils se révèlent dans les années 1960. Ils condensent l’époque pour la propulser en avant. C‘est leur histoire qui est racontée ici. Mais aussi celle de la mémoire du nazisme dans les années d'après-guerre. Avec le père d'Ellie, qu'interprète de toute sa prestance aristocratique Sebastian Koch, flamboyant en ancien nazi, partisan de l'eugénisme, autre sujet du film.

L'acteur allemand Sebastian Koch dans "L'Oeuvre sans nom" de Florian Henckel Von Donnersmarck. (NULL / Copyright Walt Disney Germany)
Florian Henckel Von Donnersmarck prend son temps tout en relançant constamment son récit. Il rejoint Clint Eastwood dans le classicisme de sa mise en scène, tirant jusqu’au mélo, évoquant les années 20 du réalisateur Franck Borzage. Ce retour au classique va dans le sens de l’avant-garde de ces peintres et théoriciens tournés vers l’avenir. Dans leur respect des sources, ils déduisent le futur. La partie consacrée au travail sur la photographie de Gerhard Richter dans le film est de ce point de vue remarquable. Le reste aussi.
L'affiche du film "L'Oeuvre sans auteur" de Florian Henckel Von Donnersmarck. (Diaphana Distribution)

La fiche

Genre : Drame historique
Réalisateur : Florian Henckel Von Donnersmarck
Acteurs : Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer, Saskia Rosendhal, Oliver Masucci, Ciri Cohrs
Pays : Allemagne
Durée : 3h10 (1h30 + 1h40)
Sortie : 17 juillet 2019
Distributeur : Diaphana
Synopsis :  À Dresde en 1937, le tout jeune Kurt Barnet visite, grâce à sa tante Elisabeth, l’exposition sur "l’art dégénéré" organisée par le régime nazi. Il découvre alors sa vocation de peintre.
Dix ans plus tard en RDA, étudiant aux Beaux-arts, Kurt peine à s'adapter aux diktats du "réalisme socialiste". Tandis qu'il cherche sa voie et tente d’affirmer son style, il tombe amoureux d'Ellie. Mais Kurt ignore que le père de celle-ci, le professeur Seeband, médecin influent, est lié à lui par un terrible passé.
Epris d’amour et de liberté, ils décident de passer à l’Ouest…

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