Madrid : le Greco inspirateur de la peinture moderne, au Prado
Le Greco (1541-1614) a fasciné les artistes les plus novateurs, comme Manet et Cézanne. Pour Picasso, il a été le maître le plus déterminant, et il a joué un grand rôle dans la diffusion du cubisme, veut montrer l'exposition du Prado. Mais son influence ne s'arrête pas là : il a fortement marqué également les expressionnistes allemands, les surréalistes, la peinture américaine…
Le Greco, au style si particulier, peignait dans des teintes saturées des personnages aux formes allongées et torturées. Les artistes qu'il a inspirés sont aussi divers que Jackson Pollock, Chaïm Soutine, Marc Chagall, José Clemente Orozco, Roberto Matta, Amedeo Modigliani, Francis Bacon, Alberto Giacometti, André Derain…
De "La vision de saint Jean" aux "Demoiselles d'Avignon"
"La vision de saint Jean", où les corps nus des âmes martyres se tiennent debout derrière un saint vêtu d'une tunique d'un bleu intense, a inspiré les "Demoiselles d'Avignon" (1907) de Picasso. L'auteur de cette œuvre clé des débuts du cubisme a vu le tableau du Greco dans l'atelier du peintre espagnol Ignacio Zuloaga, raconte le commissaire de l'exposition, Javier Baron, à l'AFP.
La filiation de la "Femme à l'hermine" de Cézanne est claire puisqu'il l'a intitulée "D'après le Greco". Elle est exposée à côté du tableau du même nom du peintre espagnol.
Le Prado expose 26 œuvres du Greco à côté de 57 tableaux et 23 dessins et gravures de grands artistes des 19e et 20e siècles qui leur font écho.
Une œuvre redécouverte au XIXe siècle
Après s'être formé en Italie et avoir été exclu, à Madrid, de la cour de Philippe II d'Espagne, le Greco s'était installé à Tolède, qui vient de fêter le 400e anniversaire de sa mort avec des expositions dans toute la ville.
L'exposition que lui a consacrée le Prado en 1902 aurait favorisé la renaissance de son œuvre. Pendant des siècles, sa peinture trop torturée pour le baroque, puis ignorée par le classicisme du XVIIIe, avait été oubliée avant d'être redécouverte au XIXe et de connaître un grand rayonnement au XXe.
De l'Amérique, avec Jackson Pollock et le Mexicain Diego de Rivera, à l'Allemagne et l'Autriche des expressionistes, le Prado illustre cet engouement récent pour le Greco.
Bacon avait vu le Greco à Madrid
Plus tard encore, Francis Bacon à vu les œuvres du Greco à Madrid. Ainsi, le soldat qui tombe vers nous, de dos, au premier plan, dans "La Résurrection du Christ" (1597-1600) aurait inspiré "La femme allongée" de Bacon (1961), dont la silhouette nue, presque informe, est peinte selon une perspective similaire.
Comptant sur "la collection la plus vaste d'oeuvres du Greco", le Prado "a joué un rôle capital" dans la redécouverte du peintre, affirme Javier Baron. Aujourd'hui, le musée veut "célèbrer cette chose essentielle que possèdent les peintres : leur capacité à influencer et à ouvrir de nouvelles voies pour d'autres artistes."
El Greco y la pintura moderna, Museo Nacional del Prado,
du 24 juin au 5 octobre 2014
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