Marcel Duchamp peintre au Centre Pompidou
"Le sujet de cette exposition peut paraître surprenant", dit la commissaire de l'exposition, Cécile Debray. Il s'agit de "montrer Marcel Duchamp par un aspect qui est souvent minimisé, celui de la peinture."
L'inventeur du ready-made était un peintre
"Marcel Duchamp est principalement connu comme l'inventeur du ready-made, on connaît très mal sa peinture", remarque-t-elle. Pour ouvrir l'exposition, une photo de sa célèbre "Fontaine" (urinoir en faïence), prise en 1917 par Alfred Stieglitz, objet posé comme une oeuvre d'art, défini par l'artiste comme un rendez-vous entre un objet, une inscription et un moment donné.
"La plupart de ses peintures sont conservées aux Etats-Unis, principalement au Philadelphia Museum of Arts, mais aussi dans d'autres musées et dans des collections particulières. L'idée était de les réunir", explique la commissaire. L'exposition rassemble ainsi une cinquantaine des peintures de Duchamp, soit la presque totalité de sa production picturale.
Réinventer la peinture
Né en Seine-Maritime dans une famille d'artistes, Marcel Duchamp (1887-1968) arrive à 17 ans à Paris où il passe un an seulement à l'académie Julian.
Au départ, il est un peintre, il traverse tous les mouvements d'avant-garde de son époque et s'essaie à tous les genres. L'idée de l'exposition, c'est que, toute sa vie, il a voulu réinventer la peinture. Jusqu'à laisser inachevé son "Grand Verre" ("La Mariée mise à nu par ses célibataires même") qui l'a occupé plus de dix ans (1912-1923).
Par ailleurs, dans les années 1930, il a rassemblé toute son œuvre en reproduction dans des valises ("Boîte-en-valise"), "y compris ses peintures", note Cécile Debray, ce qui montre qu'il semblait alors toujours y attacher de l'importance, même si sa production picturale s'est arrêtée.
Du fauvisme au cubisme en mouvement
Vers 1910-1911, Marcel Duchamp peint des nus et des portraits d'inspiration fauve dans lesquels il se délecte de la couleur. Mais il situe son "point de départ personnel" dans l'œuvre de Redon. Des peintures allégoriques évoquent Matisse. L'artiste, qui a toujours donné beaucoup d'importance au texte, dit que "dorénavant", il va "toujours accorder un rôle importance au titre", qu'il traite "comme une couleur invisible".
Duchamp passe encore par le cubisme, qui "m'attira par sa démarche intellectuelle", dira-t-il. Mais il l'interprète, doublant, triplant les formes, faisant par exemple des portraits dont les profils s'arrondissent, flottent dans la toile ou se démultiplient ("Portrait (Dulcinée)", 1911). En même temps, il affirme qu'il essayait "très énergiquement de (s')éloigner de toute composition traditionnelle ou même cubiste".
Des sources éclectiques
Dans ces toiles d'inspiration cubiste, il va décomposer le mouvement ("Jeune homme triste dans un train", 1911). Son "Nu descendant un escalier" (1912) subit les critiques de ses amis cubistes mais sera applaudi aux Etats-Unis.
Cette mise en mouvement de la peinture témoigne de son intérêt pour le cinéma et les chronophotographies d'Etienne-Jules Marey. "Son évolution l'amène depuis un contexte très pictural, progressivement, vers des sources beaucoup plus éclectiques", la littérature, le cinéma, les sciences, les mathématiques, souligne Cécile Debray. Sa démarche est de "reformuler la peinture en adéquation avec un monde qui se transforme."
Des mariées mystérieuses
En même temps, elle devient plus mystérieuse. En 1912 il va à Munich où il découvre Lucas Cranach l'Ancien, dont il cherche à imiter les glacis. Il peint "Le passage de la vierge à la mariée" et "Mariée", deux de ses toiles les plus maîtrisées, selon la commissaire de l'exposition.
En 1913, Duchamp rompt avec le rôle social de l'artiste et étudie, en bibliothèque, des sujets aussi variés que les mathématiques, Léonard de Vinci ou l'Encyclopédie. Avant de partir en 1915 pour Etats-Unis, il a commencé à travailler aux éléments de son "Grand Verre, La mariée mise à nu par ses célibataires, même".
La peinture au service de l'esprit
L'œuvre, qui est conservée à Philadelphie, ne voyage pas. C'est une copie réalisée par le critique d'art suédois Ulf Linde sous le contrôle de l'artiste qui est exposée à Paris. Elle est constituée de deux panneaux de verre superposés. Sur celui du bas sont peints deux motifs obscurs : une broyeuse de chocolat, et neuf moules de figurines du jeu de massacre des fêtes foraines qui représentent les célibataires. Sur celui du haut, une forme mystérieuse qui est la "mariée".
Duchamp définissait bien son "Grand Verre" comme une peinture, tout en expliquant : "Je voulais m'éloigner de l'acte physique de la peinture(…) Je voulais remettre la peinture au service de l'esprit." Il abandonne inachevée et inexpliquée en 1923 une œuvre qui donnera lieu à de multiples interprétations.
Marcel Duchamp, la peinture, même, Centre Pompidou, Paris 4e
Tous les jours sauf le marid, 11h-21h
Tarifs : 13€ / 11€ / 10€ / 9€
Du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015
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