Paula Modersohn-Becker au Musée d'Art Moderne de Paris, le coup de coeur de Marie Darrieussecq
Bien que méconnue du public français, Paula Modersohn-Becker est aujourd’hui une figure majeure de l’art moderne. La romancière Marie Darrieussecq ("Truismes", "Bref séjour chez les vivants", "Il faut beaucoup aimer les hommes"...) a eu un véritable coup de coeur pour cette artiste libre et singulière qui meurt prématurément à l'âge de 31 ans sans connaître le mouvement des avant-gardistes.
Dessins, peintures et journaux intimes, le musée d'Art moderne de Paris lui rend hommage pour la première fois à travers une rétrospective intitulée "L'intensité d'un regard".
Reportage : M. Berrurier / G. Minangoy / J. Van Hove / C. Beauvalet
Autoportrait d'une femme nue
Paula Modersohn-Becker était allemande, mais elle adorait Paris. À une époque où ça ne se fait pas, elle quitte le domicile conjugal pour aller vivre sa vie d'artiste. Audacieuse et résolument moderne, elle est la première femme à se peindre nue et enceinte.Ses autoportraits ne laissent pas indifférents. "Ce ne sont pas des tableaux beaux, ça met un peu mal à l'aise", affirme une femme lors de la découverte de l'exposition. "Il n'y a pas de beauté. C'est juste une vérité assez crue qu'il faut avaler", dit une autre visiteuse.
Etrange et insondable, l'oeuvre exigeante de Paula Modersohn-Becker est chargée de mélancolie, d'énergie et de poésie.
Je veux apprendre à exprimer la délicate vibration des choses, le frémissement en soi
Extrait du journal intime de Paula Modersohn-BeckerLa peintre et les mots : de Rilke à Darrieussecq
Très inspirée par la poésie de l'auteur Rainer Maria Rilke, Paula Modersohn-Becker entretient avec ce dernier une forte amitié et de longues correspondances. L'exposition dévoile ces extraits de lettres et de journaux intimes qui viennent enrichir le parcours et permettent de comprendre combien son art et sa vie personnelle furent intimement liés.
Cent ans après, l'oeuvre de la peintre entre toujours en résonance avec les mots. Ceux de Marie Darrieussecq. La romancière contemporaine a été happée par ces portraits de femmes et ces visages étonnants.
" Peu à peu il y a eu une identification, même mes amis me disent que je lui ressemble physiquement. Elle se posait des questions que je me pose encore aujourd'hui", révèle l'écrivaine.
La passion de Paris
Paula Modersohn-Becker s'installe à Paris en 1900 et tombe immédiatement amoureuse de la capitale des arts. Dotée d'une énergie créatrice sans limite, la peintre s'enivre de cette vie follement artistique. Elle suit des cours à l'Académie Julian, visite tous les musées et les galeries d'art moderne, rencontre Rodin, Maurice Denis, Edouard Vuillard et le Douanier Rousseau.
Jamais rassasiée, elle peint une oeuvre importante, étrange et décalée sur une très courte période (seulement une dizaine d'années). A 31 ans, la jeune artiste succombe d'une embolie pulmonaire après avoir accouché d'une petite fille. Elle meurt en prononçant un dernier mot : "dommage"…
Une oeuvre méconnue en France
Jusqu'ici la France n'avait jamais exposé ses tableaux. Paula Modersohn-Becker ne figure dans aucune collection française et est à peine mentionnée dans les livres d’histoire de l’art.
"La peinture de l'époque était post-impressionniste et cet art très personnel avec cette recherche de vérité très crue était très dérangeante", explique Fabrice Hergott, directeur du Musée d'art moderne de la Ville de Paris.
Mais en l'Allemagne, dans son pays d'origine, l'artiste est véritablement reconnue. La ville de Brême lui consacre un musée dès 1927, vingt ans après sa disparition. Le premier au monde dédié à une femme artiste
En collaborant à l’exposition et au catalogue, Marie Darrieussecq apporte un regard littéraire sur le travail de l’artiste. Elle publie également sa première biographie en langue française, Être ici est une splendeur, Vie de Paula M. Becker (Éditions P.O.L, 2016).
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