"Peintres et Vilains", un rendez-vous autour de l'estampe de Dürer à Deroubaix
Organisée à l'initiative de la Bibliothèque Municipale de Lyon et de l'URDLA (Centre international de l’estampe et du livre), l'exposition "Peintres et Vilains" s'appuie sur le livre de Maurice Pianzola publié en 1962, ouvrage de référence relatant la Guerre des Paysans qui sévit en Allemagne et dans le Nord de la France aux environs de 1525. Le roman, construit comme une enquête policière a surtout permis de montrer comment les grands artistes de la Renaissance (Lucas Cranach l’Ancien, Albrecht Dürer, Urs Graf, Hans Holbein le Jeune…) avaient accompagnés la Révolte des Paysans.
L'exposition de la BmL propose une déambulation non linéaire dans l'univers de l'estampe autour d'une cinquantaine d'oeuvres rares tirées du fonds ancien, signées de la main de Dürer, de Delacroix, de Rembrandt ou de Goya.
Un voyage qui permet de croiser les regards autour des techniques, des âges, des idées et qui ne s'interdit aucune corrélation.
Des couples improbables
Avec "Peintres et vilains" les organisateurs de l'exposition, Fanny Schulmann et Cyrille Noirjean, ont surtout cherché à s'éloigner du regard purement scientifique quant à l'oeuvre imprimée. L’’exposition se lit donc comme un dialogue entre les œuvres issues du fonds ancien de la bibliothèque et celles plus contemporaines de l’URDLA.Ainsi, en ouverture le duo qui accueille le visiteur peut surprendre. L’immense toile de Damien Deroubaix (1,60mX1,20m) édité en 2008 par l’URDLA côtoie la Némesis de Dürer. Une résonnance évidente pour les conservateurs. "Les motifs repris et détournés par l’artiste contemporain s’inscrivent dans la continuité de l’œuvre", commente Fanny Schulmann
Si ces couples inédits posent un regard sur la création passée, il s’agit aussi pour les organisateurs de jouer avec l’humour, la poésie et parfois l’ironie. L’ours Issac Bernardo créé par Charlemagne Palestine qui dialogue avec "La melencolia" de Dürer se passe de tout discours intellectuel.
Cadavres exquis et surréalisme
"Peintres et Vilains – imprimer l’art" se découvre par jeux d'associations, un peu comme un cadavre exquis. Une volonté muséographique qui tient à la passion de Max Schoendorff (1934-2012) pour le surréalisme et l’illustration. Figure lyonnaise de l’art contemporain, cet esthète crée en 1978 à Villeurbanne l'URDLA (Utopie Raisonnée pour les Droits de la Liberté en Art). Au sein de ce collectif militant, il apprend à remettre les machines en marche, et construit un imaginaire fortement marqué par le mouvement surréaliste.L’exposition dévoile des œuvres contemporaines fortement inspirés par le mouvement Dada où le texte prédominait parfois sur le dessin. Ainsi les sept tableaux de Rémy Jacquier réalisés à la linogravure racontent une histoire en trois langues (l'allemand, l'anglais et le latin).
Le livre comme support d'illustration
Cette grande tradition de la rencontre entre un poète et un peintre est marquée par la place faite au livre dans les espaces d’exposition. Le livre d’artiste plus précisément, est le lieu idéal d’un dialogue entre l’estampe et de texte.Une œuvre s’articule précisément autour de cette notion. "L’hommage à Rabelais" est un ensemble de sept gravures réalisées en 2002 par Erik Dietman, qui fait résonner forme et fonds de cette pratique spécifique de l’image imprimée.
L'estampe: medium contestataire
La dimension politique et subversive de l’estampe au fil âges est mise en exergue dans la dernière salle d’exposition. La volonté des conservateurs était une fois encore de mélanger les genres et les techniques.Clin d’œil ironique aux épisodes contestataires, une planche de Rahan publiée dans Pif Gadget est disposée dans la même vitrine que "Modo de Volar" de Goya. Tout comme les petites photos en noir et blanc de Marcelle Vallet jouxtent l’immense Baaders-Mars d’Onuma Nemon.
L’estampe et son lien intime avec les idées révolutionnaires est magnifiée par les nombreuses œuvres de Dürer qui jalonnent toute l’exposition.
Graveur des notables et de l’église, sa pratique de l’estampe était aussi destinée à soulever les masses.
Entrez dans la matrice par accident
Pour les organisateurs de la rétrospective, la question des techniques de gravures a été au centre du propos. Procédé de reproduction artistique longtemps gardé mystérieux, dans le secret des ateliers, l’estampe se dévoile à travers toutes ses matrices.Pour entrer directement dans le vif du sujet, le visiteur est accueilli par "un cimetière de pierres lithographiques". Petit clin d’œil de conservateur qui met en relation cette technique du multiple avec la destruction programmée des supports. Cyrille Noirjean rappelle à cet effet, que toutes les pierres sont théoriquement détruites. Le parcours ne fait pas l’impasse sur les accidents. Le papier déchiré ou tâché fait aussi partie de l’histoire de l’art.
Lithographie, Eaux-fortes, aquatintes, xylogravure, burin, mais aussi photographie, une multitude de techniques permettent de mettre en exergue l’estampe.
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