Quatre siècles après Georges de La Tour, Thomas de Vuillefroy revisite le clair-obscur en inventant la peinture au racloir
L'artiste installé en Aveyron vient de remporter le grand prix du salon Art Capital 2020 au Grand Palais à Paris.
C'est un artiste rare, un chercheur, un esthète. Il vient de remporter le grand prix du salon Art Capital 2020 au Grand Palais. Rencontre avec Thomas de Vuillefroy, un talent hors-normes, à Espalion, dans l'Aveyron, où il a installé il y a six ans son atelier.
De grandes toiles, des petits formats, des papiers découpés, des sculptures en cours de finition et de l'encre de Chine… Thomas de Vuillefroy, 41 ans, expérimente dans son atelier une technique qu'il a mise au point en 2012 et pour laquelle il cherche encore un nom : l'art du racloir ? L'expression ne le satisfait pas pleinement.
Comme on descend un rideau noir
Un papier préparé, quelques fins traits au cutter, une ligne d'encre de Chine noire, et soudain, par la magie d'un racloir à vitre, apparaissent un visage, une figure, une forme, des lignes fortes qui surprennent par leur puissance.
Cette technique, Thomas la découvre le jour où, recouvrant un pastel avec de l'encre de Chine, il s'aperçoit que l'encre ne couvre pas l'image uniformément mais donne différentes valeurs de gris. Il vient d'inventer un nouveau moyen d'impression qui s'apparente au monotype : le tirage est unique, contrairement à l'impression sur presse. Le dessin apparaît au gré du hasard et de l'intuition. L'artiste ne visualise le résultat qu'après le passage du racloir. Comme on descend un rideau noir, l'encre prend possession du papier.
Georges de La Tour, le modèle
Séduit par la beauté des œuvres de Georges de La Tour, Thomas de Vuillefroy réalise dans l'esprit et le style du maître classique du XVIIe siècle une série de douze tableaux où il réinvente son propre clair-obscur. Le résultat est bluffant. "Sans chercher à modifier la composition de ses œuvres, je laisse l'encre exprimer pour chacune de ses icônes une nuance à leurs discours d'origine. Cela m'émerveille, je recommence." écrit-il.
Et le rendu est incroyablement moderne sur cette série intemporelle, comme dans toutes ses œuvres : portrait, puzzles de papier géants, détourés, ajourés, où se suprposent visages et transparences.
De l'architecture intérieure au racloir
Thomas de Vuillefroy est né en Bretagne en 1978. Il entreprend des études à l'ESAG Penninghen, la célèbre école de direction artistique et d'architecture intérieure basée à Paris, puis aux Beaux-Arts d'Angers. Partagé entre son amour de la science et des arts, il apprend en 2007, auprès des Compagnons du Devoir de Rodez, la taille de la pierre. Il s'essaie à la sculpture, au modelage, à l'acrylique, au pastel et à l'huile.
Parallèlement, il s'intéresse à l'architecture et à l'art cinétique. Il applique la technique au bâtiment et réalise des murs qui bougent à la seule grâce de la lumière. En 2014, il met au point sa technique du racloir. Il a reçu plusieurs prix nationaux et expose régulièrement en France.
D'incessantes recherches
Le conservateur du musée Soulages de Rodez, Benoît Decron, connaît bien cet artiste atypique qu'il estime et apprécie. "Tant d'autres se sont abandonnés aux voluptés du noir, à l'idée de sa perfection. Il existe une ivresse, un jusqu'au-boutisme du noir, comme une confrérie qui tairait son nom, au guichet de laquelle Vuillefroy peut se présenter confiant".
Là où les autres copient, imitent, reproduisent, lui, Thomas de Vuillefroy, invente. C'est ça l'essence d'un artiste. Pas d'esbrouffe, pas de spectacle, pas de supercherie.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.