« Sainte Anne » de Léonard de Vinci : deux experts critiquent la restauration
Jacques Franck, également membre de cette commission consultative qui comptait une quinzaine de personnes, regrette lui aussi l'allègement des vernis "plus prononcé que prévu".
"Dans le délicat visage de Sainte Anne, l'intervention a fait resurgir des duretés non voulues par Léonard, car il aimait les modelés subtils", a-t-il déclaré à l'AFP. "Jusque-là le vernis blond atténuait ces défauts visuellement, donnant aux carnations un aspect enveloppé et moelleux. En effet, les couleurs se transforment en vieillissant et trahissent les intentions des peintres", indique cet expert du Centre d'études vinciennes Armand Hammer à l'Université de Californie (Los Angeles).
Le nettoyage aurait dû aller moins loi, selon une spécialiste
"Pour moi, le principe de précaution n'a pas été respecté. Il faut se rendre à l'évidence, il y a moins de modelé dans le visage de la Vierge. Le nettoyage aurait dû aller moins loin", estime Ségolène Bergeon Langle, conservateur général du patrimoine, dans un entretien au Journal des Arts.
Elle avait déjà marqué son désaccord sur la conduite de la restauration de ce chef-d’œuvre en démissionnant le 20 décembre du comité scientifique consultatif constitué par le Louvre autour de la « Sainte-Anne ».
Ségolène Bergeon Langle avait démissionné en décembre
"En janvier 2011, le comité était d'accord pour un allègement modéré des vernis et la suppression des taches du manteau de la Vierge. Mais entre juillet et octobre 2011, un degré plus prononcé a été réalisé et présenté comme ‘nécessaire’, ce que j'ai contesté", déclare Ségolène Bergeon Langle.
"Je me suis retrouvée face à des personnes qui récusaient mon avis plus technique qu'esthétique. Mes douze lettres demandant des précisions sur certains aspects de l'opération et sur les matières de retouche à utiliser sont restées sans réponse", assure-t-elle.
Le Louvre n’a pas fait de commentaire après ses déclarations.
Ségolène Bergeon Langle avait expliqué après sa démission que la conduite de la restauration n’était « pas conforme » à ce qu’elle imaginait nécessaire au tableau. Elle préférait que « l’on nettoie peu une œuvre ancienne ».
La restauratrice serait bien allée plus loin
La restauratrice qui a dirigé les travaux sur la « Sainte Anne », Cinzia Pasquali, a déclaré au contraire, en mars, qu’elle serait bien allée « plus loin » dans le nettoyage, notamment au niveau des arbustes « dont certains ont été rajoutés plus tard ». Elle avait qualifié l’opération de « restauration prudente ».
La restauration du tableau a été décidée en 2009 par le Louvre, qui avait constaté des microsoulèvements de la matière picturale potentiellement liés à la dégradation des vernis. En outre, le tableau était maculé de taches disgracieuses, liées à des restaurations antérieures ayant mal vieilli.
Le musée s’est entouré d’une commission scientifique consultative réunissant une quinzaine de personnes dont des experts internationaux. La restauration a débuté en juin 2010. La phase d'allègement des vernis, particulièrement tendue à l'automne 2011, a été marquée par deux démissions d'experts: celle de Ségolène Bergeon Langle et celle de Jean-Pierre Cuzin, ancien directeur du département des peintures du Louvre.
Vincent Pomarède, l’actuel directeur du département des peintures au Louvre, a dû mettre "le pied sur le frein" en permanence pour tempérer les ardeurs de certains notamment en ce qui concerne le visage de la Sainte Anne.
"La Vierge et l'enfant avec Sainte Anne", peinture sur bois à laquelle Léonard de Vinci a travaillé à partir de 1500 environ jusqu'à sa mort en France en 1519, est au coeur d'une exposition qui a ouvert il y a un mois au Louvre et se termine le 25 juin.
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