Un Gauguin et un Bonnard volés en 1970 retrouvés chez un ouvrier sicilien
Les deux tableaux sont "Fruits sur une table ou nature au petit chien" de Gauguin et "La femme aux deux fauteuils" de Bonnard, a précisé le ministre de la Culture Dario Franceschini, qui les a dévoilés au cours d'une conférence de presse à Rome. Le premier est estimé entre 10 et 30 millions d'euros, le second à 600.000 euros.
Dédiée à la comtesse de N(imal), "Fruits sur une table ou nature au petit chien" a été peinte par Paul Gauguin (1848-1903) en 1889. Ses dimensions originales (49x54 cm), ont été réduites par les voleurs à 46,5x53.
Quant à l'autre toile, dévoilée elle aussi lors d'une conférence de presse mercredi du ministre de la Culture Dario Franceschini et le général Mossa, il s'agit de "La femme aux deux fauteuils" (44x54 cm) de Pierre Bonnard (1867-1947), non datée.
Ces tableaux avaient été volés en 1970 au domicile d'une riche famille de Londres, les Mark-Kennedy, dont les héritiers peuvent désormais à tout moment "revendiquer la propriété", a expliqué le commandant Mossa.
Les deux toiles ont été récupérés en Italie il y a environ un mois. Oubliées après le vol dans un train entre Paris et Turin, placées aux objets trouvés puis vendues aux enchères par les chemins de fers italiens, elles avaient été achetées par un ouvrier de Fiat.
Achetées 45.000 lires à une vente aux enchères des objets perdus des des chemins de fer
"Passionné d'art", l'homme, qui n'avait aucune idée de leur valeur, les avait payées en 1975 une somme dérisoire (45.000 lires de l'époque, soit 23 euros). Il les avait accrochées sur le mur de sa cuisine, d'abord à Turin puis en Sicile où il était rentré prendre sa retraite. "J'ai toujours été curieux et passionné de peinture", explique-t-il aujourd'hui. "Pendant que d'autres allaient au bar ou jouer aux cartes à peine sortis de l'usine, moi je courais les marchés, où les étudiants des Beaux-Arts vendaient leurs dessins et leurs cadres". Et "deux fois par an", il se rendait aux enchères organisées par les chemins de fer. C'est justement à l'une de ces ventes, en 1975, que l'ouvrier acquiert les deux chefs d'oeuvre.
L'homme a transmis son goût à ses fils, l'un diplômé des Beaux-Arts et l'autre étudiant en architecture. C'est en feuilletant un catalogue de Bonnard que l'un d'eux remarque que le style du maître impressionniste ressemble fort à l'un des tableaux, dont il pensait qu'il était signé par un certain "Bonnato ou Bonnatto". Du coup, il poursuit ses recherches avec le Gauguin, dont il remarque alors la signature - un chien - au bas de lettres du peintre français. "Dire que ces tableaux ont failli partir à la poubelle! Personne n'en voulait aux enchères, il a fallu une deuxième vente, que le commissaire supplie presque pour que quelqu'un les achète", a raconté l'étudiant en architecture. A présent, le jeune homme attend les conclusions de l'enquête mais n'exclut pas de les "donner à un musée", ou d'en vendre "un sur les deux".
Longue enquête policière
Les carabiniers ont mis la main dessus après une longue enquête. Leurs investigations sont parties de photos entrées en leur possession. Ils repèrent de suite que les toiles représentées peuvent être de la main des deux maitres impressionnistes français. Mais les deux tableaux ne figurent pas au répertoire des oeuvres d'art volées, ils se sont alors tournés vers les catalogues des musées, des maisons d'enchères, sur internet, et par recoupement avec des articles de journaux, découvrent la nature des deux toiles. Ne restait plus qu'a retrouver le propriétaire des oeuvres dans les traces administratives de la vente de 1975.
Le commerce illégal d'œuvre d'art quatrième au niveau mondial
Selon le général Mariano Mossa, qui dirige les carabiniers (gendarmes italiens) chargés du patrimoine culturel, experts mondiaux dans l'art de retrouver des oeuvres volées, "le chiffre d'affaires généré par le commerce illégal d'oeuvres d'art arrive en quatrième position au niveau mondial après celui des armes, de la drogue et des produits financiers".
En janvier dernier, une centaine d'oeuvres d'art retrouvées par ses services avaient été présentées lors d'une exposition intitulée "la mémoire retrouvée, trésors récupérés par les carabiniers", au Quirinal, le siège de la présidence de la République. L'expertise des carabiniers italiens, qui gèrent la plus grande banque de données au monde d'oeuvres d'art volées (quelque 5,7 millions d'objets), est reconnue dans le monde entier depuis 45 ans.
Nombre d'entre eux voyagent régulièrement pour former des collègues policiers à récupérer le patrimoine culturel de leur pays, volé ou exporté illégalement.
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