Un musée de Cambridge va rendre un tableau de Gustave Courbet spolié à Paris par les nazis
Depuis 1951, ce tableau se trouvait au Fitzwilliam Museum à Cambridge. Peint autour de 1862, il représente des enfants jouant dans un bois paisible. Mais l'histoire de cette œuvre est pour le moins mouvementée. Le Spoliation Advisory Panel, un organisme créé en 2000 par le gouvernement britannique, a conclu que "la peinture a été saisie par les forces d'occupation nazies parce que Robert Bing était juif". Cet organisme est chargé d'étudier les réclamations concernant des objets perdus pendant la période nazie.
Retracer le parcours du tableau
Dans un rapport de dix-neuf pages publié mardi, il recommande de restituer l'œuvre aux descendants de Robert Bing, qui sont à l'origine de la procédure. "Le musée a pris soin de l'œuvre qui peut maintenant être restituée aux descendants des propriétaires originaux", est-il écrit. Le Fitzwilliam Museum à Cambridge a dans la foulée annoncé que l'œuvre leur serait rendue.
Le 5 mai 1941, deux membres de l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, une force nazie chargée du pillage des d'œuvres d'art, ont saisi dans l'appartement de Robert Bing, dans le 16e arrondissement de Paris, la peinture de Gustave Courbet. Nombre d'appartements appartenant à des juifs ont été intégralement vidés durant la Deuxième Guerre mondiale. Robert Bing n'y vivait plus, ayant fui Paris à l'arrivée des troupes allemandes avec sa mère qui était veuve.
L'œuvre avait, selon le rapport, été achetée par la grand-mère maternelle de Robert Bing, qui était mariée avec un riche banquier. Robert Bing a été résistant de 1941 à 1944. Il a été arrêté mais libéré en janvier 1944. Il est décédé en 1993, après avoir reçu la croix de Guerre et la médaille de la Résistance française.
Bonne foi
Après avoir été volée, la peinture a été placée à Paris au Jeu de Paume, "au profit du principal collectionneur nazi, Hermann Goering", le fondateur de la Gestapo et l'une des figures les plus puissantes du régime nazi. Il aurait proposé un échange au ministre allemand des Affaires étrangères, mais ce dernier et son épouse n'ont pas aimé l'œuvre et la transaction n'a pas eu lieu. La peinture aurait été retrouvée par des soldats alliés à la fin de la guerre dans des tunnels secrets de Bavière en Allemagne.
Elle a refait surface en 1951, quand un marchand d'art londonien, Arthur Tooth and Sons, l'a achetée à un Suisse, Kurt Meissner, soupçonné de pillage par les autorités américaines. La même année, La ronde enfantine a été achetée par le révérend Eric Milner-White, qui l'a donnée au musée Fitzwilliam. La peinture se trouvait depuis au musée, mais a été prêtée pour des expositions au Royaume-Uni et dans plusieurs pays du monde.
Dans son rapport, le Spoliation Advisory Panel insiste sur la bonne foi du musée. Notre "recommandation n'implique aucune critique du musée ou du donateur, le révérend Eric Milner-White, qui ont agi avec honneur et en accord avec les normes prévalant au moment de l'acquisition et depuis lors", est-il expliqué.
Gustave Courbet (1819-1877) était le chef de file du courant réaliste. Il est l'auteur de plus d'un millier d'œuvres, dont L'Origine du monde, probablement l'œuvre qui a le plus choqué au 19e siècle, en représentant le sexe d'une femme.
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