Une rare œuvre érotique de Nicolas Poussin va être mise aux enchères à Paris
Vandalisé, caché et finalement plébiscité. Le mardi 26 novembre 2024, le tableau de Nicolas Poussin, Vénus épiée par deux satyres, sera présenté aux enchères à l'Hôtel Drouot, par la maison Ader. Estimée entre 800 000 et 1 000 000 euros, cette grande toile de la jeunesse du peintre a une histoire hors-norme.
Ce tableau, peint entre 1625 et 1627, faisait partie de la collection Paul Jamot, conservateur en chef du musée du Louvre et spécialiste de Nicolas Poussin, jusqu’à sa vente en 1943. Il est alors perdu de vue : seule une photo en noir et blanc subsistait. C'est finalement par hasard qu'il a été redécouvert par un "œil de Drouot", la fameuse maison d'enchères parisienne, en chinant, raconte le commissaire-priseur David Nordmann.
Le tableau, jugé "pas bon", avait alors été passé de façon anonyme en vente à Drouot et avait fini chez un particulier, "sur les murs d'un appartement parisien très sombre, sur les quais", selon l'expert. "Vandalisée au XVIIIe siècle, le corps de la Vénus avait été repeint, jugé trop scandaleux à l'époque", explique-t-il.
Jusqu'à ce que le peintre Jean-Baptiste Sécheret passe par là, poursuit David Nordmann. Il le repère et appelle le maître de conférences Mickaël Szanto, qui l'authentifie, une fois dégagé de ses repeints et restaurations.
Un érotisme qui ne cadre pas avec la réputation de Poussin
Durant des années, les experts se sont affrontés : s'agissait-il bien d'un authentique Poussin ? Il faut dire que le tableau est rare à plus d'un titre : par sa taille, d'abord, puisque c’est un format galerie, et, surtout, par son sujet. Il s’agit en effet d’une œuvre érotique. On y voit un paysage romain et, comme son titre l'indique, deux satyres qui tombent sur une Vénus endormie, un thème omniprésent dans la peinture vénitienne du XVIe siècle.
Originaire de Normandie, Nicolas Poussin a passé l'essentiel de sa carrière en Italie. Arrivé à Rome en 1624, il se plaît alors à peindre des scènes mythologiques figurant le rapport amoureux. Il est encore un artiste en formation, n'a pas de protecteur et a besoin d'argent. Cette courte veine de tableaux érotiques, très sensuels, "réprimés par la morale", trouve cependant facilement acheteur à l'époque, contextualise Ludmila Virassamynaïken, conservatrice des peintures et sculptures anciennes au musée des Beaux-Arts de Lyon. Mais Nicolas Poussin abandonne très vite cette imagerie licencieuse au profit de thèmes plus classiques, historiques ou religieux.
D’ailleurs, l’hypothèse d’un Poussin licencieux a été rejetée par l'histoire de l'art, jusqu'au XXIe siècle. Ce n’est qu’après la publication en 2017 d’un article de Nicolas Milovanovic et Mickaël Szanto que le tableau sera vraiment réattribué à celui qui est considéré comme le fondateur de l'art classique.
D’autres tableaux érotiques du même format et de la même période ont été toutefois conservés. La Vénus dormant avec l'Amour ou Vénus épiée par des bergers fait, par exemple, partie des collections nationales de Dresde, en Allemagne. Trois d’entre eux ont été réunis en 2022 au musée des Beaux-Arts de Lyon à l‘occasion de l’exposition Poussin et l’Amour. La Vénus épiée par deux satyres figurait entre les Vénus, toutes deux aussi érotiques, du Kunsthaus de Zurich et de la National Gallery de Londres.
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