Vente aux enchères à New York de la collection Paul Allen : un record attendu dans un marché de l'art boosté par la crise
La collection d'art phénoménale du milliardaire Paul Allen, co-fondateur de Microsoft et décédé en 2018, pourrait atteindre le milliard de dollars lors de la vente aux enchères prévue à New York mercredi et jeudi.
Une collection d'art va-t-elle franchir la barre symbolique du milliard de dollars ? En mettant aux enchères à New York les oeuvres ayant appartenu au défunt cofondateur de Microsoft, Paul Allen, la maison de vente Christie's vise un record historique, symbole d'un marché qui affole les compteurs malgré un monde secoué par les crises.
"Visionary"
La vente, intitulée Visionary, se déroulera sur deux jours, les 9 et 10 novembre, à New York. Même s'il s'était brouillé avec Bill Gates, Paul Allen avait signé son "Giving Pledge" en 2009 et la totalité des ventes sera versée à des organisations caritatives. Sa soeur Jody Allen, qui dirige la Fondation Paul Allen, n'a pas donné de détails sur les oeuvres qui en bénéficieront. "Il s'agit de la collection avec la plus grande valeur jamais vendue aux enchères. C'est un événement qui n'arrive qu'une fois par siècle", déclarait Johanna Flaum, vice-présidente de l'art du 20e et 21e siècle chez Christie's en octobre dernier à Los Angeles lors de la présentation d'une partie de la collection.
Moins connu du grand public que Bill Gates, avec qui il avait donné naissance à Microsoft en 1975, Paul Allen était un milliardaire touche-à-tout et féru de pop culture, de Jimi Hendrix à Nirvana ou Star Trek, dont il exposait les objets dans son musée de Seattle (nord-ouest), sa ville natale.
500 ans d'histoire de l'art
Propriétaire de plusieurs franchises sportives, comme les Seahawks de Seattle, il avait aussi amassé une collection d'art considérable, qu'il avait l'habitude de prêter à des musées avant son décès.
En 150 oeuvres, mises en vente les 9 et 10 novembre au siège de Christie's, au Rockefeller Center de Manhattan, l'ensemble retrace plus de 500 ans d'histoire de l'art, depuis Botticelli et Canaletto jusqu'à Georgia O'Keeffe et Louise Bourgeois, en passant par Claude Monet, Francis Bacon et Edward Hopper.
Unique, l'assemblage l'est aussi pour sa valeur : plusieurs chefs-d'oeuvre sont estimés à au moins 100 millions de dollars, comme Les Poseuses, Ensemble (petite version) (1888) de Georges Seurat, un sommet du pointillisme, ou une Montagne Sainte-Victoire (1888-1890) de Paul Cézanne annonciatrice du cubisme.
Figurent aussi le Verger avec cyprès de Vincent Van Gogh ou un tableau de la période tahitienne de Paul Gauguin, Maternité II (1899), qui représente sa maîtresse de 17 ans, Pahura. Cette période tahitienne de Gauguin, l'une des plus recherchées, est aussi devenue controversée en raison des relations du peintre avec des adolescentes quand il séjournait sur l'île.
Records en 2022
La maison Christie's, contrôlée par la holding Artémis de François Pinault, espère marquer l'histoire du marché de l'art en totalisant plus d'un milliard de dollars. Ce serait un nouveau record, dans la foulée de la collection Macklowe, du nom d'un richissime couple new-yorkais, qui a atteint 922 millions de dollars chez la concurrente Sotheby's au printemps.
Avec ces ventes, et celle du portrait de Marilyn Monroe Shot Sage Blue Marilyn d'Andy Warhol, parti en mai pour 195 millions de dollars, un record pour une oeuvre du XXe siècle, l'année en cours pourrait rester comme l'une des plus chères de l'histoire.
Un autre Warhol emblématique, White Disaster [White Car Crash 19 Times] (1963), représentant un accident de voiture et dont trois seulement existent dans ce format monumental, sera vendu le 16 novembre par Sotheby's, avec une estimation à plus de 80 millions de dollars.
La société, qui appartient au milliardaire franco-israélien Patrick Drahi, enchaînera les enchères pendant quatre jours et dit s'attendre à la "plus grosse saison jamais vécue".
Valeur refuge
Selon les experts des maisons de vente, l'art est plus que jamais un investissement sûr aux yeux des grandes fortunes, dans un contexte économique difficile, plombé par la guerre en Ukraine et les risques de récession. "Les clients veulent diversifier leurs actifs, pour profiter de l'art et parce qu'ils savent que la plupart des oeuvres continuent de prendre de la valeur avec le temps", explique à l'AFP Adrien Meyer, co-président du département Impressionnistes et Art moderne chez Christie's. "Il y a plus de milliardaires que de chefs d'oeuvre" disponibles sur le marché, résume-t-il, et "la demande est très diversifiée".
"Nous ne voyons pas de signe de ralentissement", confirme le vice-président de la maison de vente Phillips, Jeremiah Evarts, qui relève tout de même qu'"un grand nombre de collectionneurs regardent du côté du XXe siècle et se sentent peut-être plus confiants en achetant un Picasso, un Chagall ou un Magritte", des valeurs sûres. Phillips mettra notamment en vente le 15 novembre un tableau de Marc Chagall de 1911, Le Père, une oeuvre volée par les nazis et récemment restituée par la France aux héritiers légitimes, qui ont décidé de s'en séparer.
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