Vik Muniz expose les dos des plus grands chefs-d'œuvre à La Haye
Qu'est-ce qui se cache-t-il derrière le sourire de Mona Lisa ? Aujourd'hui, un coin du voile est levé sur les mystères de la Joconde, avec l'exposition aux Pays-Bas du verso du chef-d'oeuvre de Léonard De Vinci.
Dans une salle d'exposition pour le moins étrange, "La leçon d'anatomie du docteur Tulp" de Rembrandt exhibe un cadre massif de bois brut, dénudé et dépouillé, tandis que "La nuit étoilée" de Van Gogh tourne le dos à "La jeune fille à la perle" de Vermeer, face contre le mur, elle aussi.
Cette exposition unique et intimiste de l'artiste brésilien Vik Muniz au Mauritshuis à La Haye n'offre au regard de l'amateur d'art ni peintures, ni images, ni couleurs, mais quinze reproductions minutieuses du dos des toiles les plus célèbres au monde.
Le parcours des chefs-d'œuvre inscrit sur leur verso
Ces oeuvres d'art dévoilent leur côté pile de façon choquante, si bien que le visiteur a parfois le sentiment d'être entré par erreur dans la réserve du musée.Toutefois, s'il s'approche et scrute scrupuleusement l'envers des toiles, c'est le parcours de chacune d'elle qui se dévoile : ses détenteurs, ses voyages au fil du temps, sa conservation... Chaque indice plonge le visiteur dans des siècles d'histoire et lui fait découvrir la part négligée de l'art.
Le mot "Joconde" griffonné en noir au dos de Mona Lisa, à côté de flèches indiquant le sens du tableau. Le triangle rouge colorié sur le cadre de certaines peintures des maîtres néerlandais, signe qu'il fallait sauver celles-ci en priorité en cas de guerre. Ou encore la mosaïque d'autocollants pavant la face cachée des "Fumeurs" de Fernand Léger.
Vik Muniz fasciné par la mécanique de la face cachée
"Le recto de la peinture prouve l'intention de préserver un instant pour toujours. L'image est censée subsister telle qu'elle est exactement pour les millénaires à venir", analyse Vik Muniz. "Le verso nous raconte l'histoire du changement, là où la toile a voyagé."Ce voyage dans le temps aux côtés des oeuvres, Vik Muniz l'a entamé lors de sa première visite au musée d'art de São Paulo. Il avait huit ans. Et ce n'était pas l'art lui-même qui le fascinait mais la beauté particulière et la mécanique de sa face cachée.
Pour l'écolier d'alors, les dos des toiles posées sur des chevalets "ressemblaient à des machines, à des engins, à des choses qui font des choses". "Et en réalité, c'est le cas. Ils remplissent une mission, ce sont des instruments destinés à préserver l'histoire", dit l'artiste.
De longues démarches pour avoir accès au dos des peintures
Des années plus tard, à l'âge adulte, Vik Muniz est troublé par le verso de "La repasseuse" de Picasso lors d'une visite au musée Guggenheim à New York : "C'était comme regarder une personne nue."Sa curiosité ravivée, l'artiste, insatiable, décide de reproduire les dos des plus grands chefs-d'oeuvre au monde et entame alors de longues démarches pour pouvoir voir et étudier l'arrière des toiles, dont six ans de négociations avec le Louvre à Paris pour approcher "La Joconde".
Célèbre pour ses oeuvres éclectiques à base de matériaux aussi inattendus que le chocolat, le sucre ou les ordures, Vik Muniz a également reçu du Mauritshuis l'autorisation d'accéder aux toiles du Siècle d'or néerlandais. Il a ainsi réalisé cinq nouvelles reproductions : "Vue de Delft" de Vermeer, "Le chardonneret" de Carel Fabritius et "La vue d'Itamaracá" de Frans Post offriront ainsi bientôt leur dos au public, aux côtés des Rembrandt et Vermeer.
Le dos de "La jeune fille à la perle", tellement banal
Parmi les grands chefs-d'oeuvre de l'histoire, l'artiste brésilien désire encore dénuder "Le baiser" de Gustav Klimt et "Le cri" d'Edvard Munch, dont le verso, défi supplémentaire, est une autre peinture.C'est un moment rare et intense qu'a vécu la conservatrice du Mauritshuis Abbie Vandivere, lorsque "La jeune fille à la perle" de Vermeer a été décrochée du mur. Mais là, loin d'être spectaculaire, le cadre s'est révélé tellement banal...: "Impossible de dire qu'au recto de ce verso, se cache cette célèbre oeuvre d'art !", s'exclame-t-elle.
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