À Guingamp, plongée en noir et blanc dans l'intimité de la mer avec Nicolas Floc'h
Photographe, plasticien et plongeur, Nicolas Floc’h révèle la mystérieuse beauté des fonds sous-marins bretons à travers ses clichés en noir et blanc exposés au centre d’art GwinZegal à Guingamp.
Entre 2015 et 2021, Nicolas Floc’h a sillonné les côtes bretonnes, de Saint-Nazaire à Saint-Malo, plongeant soixante-dix fois entre 2 et 50 mètres de profondeur pour saisir avec son grand angle des paysages sous-marins d’une infinie beauté. De ce projet est née une exposition baptisée Initium Maris, paysages immergés, proposée jusqu'au 12 mars 2023 au Centre d'art Gwinzegal à Guingamp. En latin, "Intimis Maris" signifie "le début de la mer", une expression pour renvoyer au début de l’exploration d’un monde enfoui et finalement méconnu. En effet, moins de 10% du relief des fonds marins est cartographié avec précision alors que les océans et mers recouvrent 70% de notre planète.
La magie du noir et blanc
Forêts d’algues, tapis d’anémones, colonies d’étoiles de mer, étendues de laminaires, gorgones... Sous la lumière naturelle, cette faune et flore marine que nous croyons connaître prend une dimension nouvelle, loin des clichés habituels sur ce fameux monde du silence. Une dimension accentuée par le choix du noir et blanc.
J'échappe un peu à cet exotique de l’image sous-marine en couleur. On découvre des paysages qui pourraient exister sur une autre planète
Nicolas Floc'hPhotographe
Le choix du noir et blanc, c’est aussi une forme d’hommage et de clin d’œil aux pionniers de la photographie américaine, Timothy O’Sllivan, William Henry Jackson et ceux de la Grande Dépression. "On lisait la crise sur les visages et sur les vues urbaines qu’ils capturaient. Là, cette crise se lit dans les paysages".
Travail de mémoire
Car au-delà de leur beauté poétique - presque hypnotique -, les photos de Nicolas Floc’h sont aussi là pour témoigner d’un monde qui se modifie profondément voire se dégrade à une vitesse hallucinante sous l'effet des actvités humaines et du changement climatique.
Nicolas Floc’h plonge depuis l’enfance à La Turballe en Loire-Atlantique. À cet endroit-là explique le photographe, "les paysages se sont radicalement transformés au fil des années. Dans le fond de la baie, les forêts de laminaires (ces grandes algues brunes des régions tempérées et froides) ont commencé à disparaitre il y a quinze ans, à cause des rejets d’eaux usées". Photographier ces paysages sous-marins, c’est ainsi une façon d’inventorier, d’enregistrer un état de ces paysages à un instant donné et de garder en mémoire cette richesse naturelle.
Entre science et art
Pour la plupart de ses plongées - celles entre 2 et 50 mètres de profondeur, Nicolas Floc’h s’est débrouillé seul avec son bateau, plongeant en apnée jusqu’à 15 mètres ou en bouteille jusqu’à 50 mètres. Pour les prises de vue en grande profondeur, il a collaboré avec l’Ifremer (Institut française de recherche pour l’exploitation de la mer). En 2021, il a participé à la campagne océanographique ChEReef à bord du navire Thalassa. Objectif : évaluer l'état de santé des coraux profonds dans le canyon sous-marin de Lampaul, situé à 200 km au large des côtes bretonnes, dans un site Natura 2000. Nicolas Floc’h a pu greffer son appareil sur le robot sous-marin HROV, réalisant ainsi des images entre 700 et 1800 mètres de profondeur.
L’intérêt de son travail pictural réside dans ce double regard à la fois scientifique et artistique. Une démarche originale qui est devenue sa marque de fabrique. Nicolas Floc’h travaille ainsi sur une nouvelle série de photographies autour du fleuve Mississipi et son bassin versant qui couvre 40% des Etats-Unis et débouche sur le Golfe du Mexique. Pour offrir une lecture de ce réseau hydrographique, il va se déplacer en bateau mais également en voiture pour parcourir près de 20 000 kilomètres.
Un amoureux de la mer
Né à Rennes en 1970, Nicolas Floc'h a commencé son parcours par une pratique de sculpteur. À partir de 2010, il s'est intéressé au milieu sous-marin à travers les structures de récifs artificiels avant de se lancer dans un travail photographique des paysages sous-marins et de la couleur de l’eau en Bretagne en 2016, puis à bord de la goélette Tara au Japon en 2017 et au parc national des Calanques en 2018.
Pour un autre projet, baptisé Invisible, Nicolas Floc'h a effectué 60 plongées et 30 000 prises de vues de 2018 à 2020, soit 162 kilomètres à la nage en parcourant le trait de côte de La Ciotat à Marseille.
"Initium Maris, paysages immergés" jusqu'au 12 mars, Centre d'art Gwinzegal à Guingamp - Ouvert du mercredi au dimanche, de 14 h à 18h30 - Entrée libre - Fermé les 24 et 30 décembre ainsi que les jours fériés - Tél. 02 96 44 27 78
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