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A la Fondation Cartier, la grande photographe mexicaine Graciela Iturbide traque la poésie dans le réel

Les images puissantes de la grande photographe mexicaine Graciela Iturbide sont à la Fondation Cartier pour l'art contemporain, qui lui consacre sa première rétrospective à Paris, des communautés indigènes de son pays à l'Inde ou aux ciels peuplés d'oiseaux. Une exposition à ne pas rater (jusqu'au 29 mai 2022).

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La photographe Graciela Iturbide dans sa maison atelier de Mexico (22 octobre 2021) (PEDRO PARDO / AFP)

Graciela Iturbide n'aime pas qu'on parle de réalisme magique au sujet de son travail, elle préfère évoquer "poésie et imagination". La photographe mexicaine dit plutôt qu'elle cherche "la surprise dans l'ordinaire". C'est pourtant une bonne dose de magie qui se dégage de ses images, exprimée dans un noir et blanc puissant. Plus de 200 sont exposées à la Fondation Cartier.

Née en 1942 à Mexico, Graciela Iturbide se marie et a trois enfants avant d'entamer des études de cinéma à 27 ans. Elle rencontre alors le grand photographe Manuel Alvarez Bravo dont elle devient l'assistante et auprès de qui elle apprend la prise de vue. Pour elle, photographier est une façon de découvrir les cultures, celles de son pays, puis plus tard dans le monde entier, de l'Italie à l'Inde, de l'Equateur à Madagascar.

Graciela Iturbide, Carnaval, Tlaxcala, México, 1974 (© Graciela Iturbide)

Rituels et fêtes populaires

Elle est connue pour son travail dans les communautés indigènes du Mexique, d'abord dans le désert de Sonora en 1978 où elle passe deux mois auprès des Indiens Seris, un groupe nomade aux visages austères, qui vivent dans un grand dénuement. C'est là qu'elle photographie, de dos, la Femme-ange, sorte d'apparition flottant dans une grande jupe blanche et portant à la main un lecteur de cassettes.

La magie, on la trouve dans les rituels et les fêtes populaires, les sacrifices de chèvres dans la région de Mixteca ou une figure de carnaval, et puis dans des images de tous les jours, des poulets accrochés à un vélo, une peinture murale.

À partir de 1979, Graciela Iturbide s'immerge dans la culture zapothèque, auprès des femmes de Juchitàn, dans la région d'Oaxaca, sur la côte Pacifique. Elle vit parmi elles, un travail qui va durer six ans. On sent dans ces images, les plus célèbres de la photographe, une complicité et une intimité avec ses sujets. On remarquera une magnifique image de toilette où l'eau éclabousse le corps nu d'une femme. Et puis une photo iconique, Nuestra señora de las iguanas, où une femme majestueuse porte sur sa tête des iguanes qu'elle emporte au marché.

Graciela Iturbide, "Nuestra Señora de las Iguanas", Juchitán, Oaxaca, 1979 (© Graciela Iturbide)

Du coin de la rue au monde entier

Graciela Iturbide s'est intéressée aux rituels de la mort, si présents dans la culture mexicaine. Pour exorciser la disparition de sa fille en 1970, elle a photographié les "petits anges" morts prématurément dans leurs cercueils, un homme déguisé en mariée enceinte portant un masque de tête de mort ou une première communiante à tête de mort.

Le photographe "peut trouver ce qu'il cherche au coin de la rue", écrit Graciela Iturbide. Et elle le fait. "Mais, en tant que personne, il est fascinant d'observer la culture d'autres pays car c'est elle qui vous aide à découvrir l'objet de votre quête", poursuit-elle. Elle a donc voyagé, saisissant une petite Gitane en train de se faire peigner, la jupe volant dans le vent à Almería (Espagne), des jeux d'enfants au Panama, des travestis à Bénarès, une veste suspendue à une branche à Khajuraho (Inde).

Graciela Iturbide, Khajuraho, India, 1998 (© Graciela Iturbide)

La poésie des éléments

Dans ses photos plus récentes, la figure humaine disparaît, même si elle n'est jamais très loin. La photographe se dite attirée par "le travail sur les éléments". Se défendant d'"une dérive vers l'abstraction", elle parle d'"une plus grande concentration de symboles". Elle les trouve dans un vol d'oiseaux autour d'un arbre ou d'une croix, dans un tapis de poissons argentés au sol, dans des cactus du jardin botanique d'Oaxaca. La poésie se fait urbaine dans des enchevêtrements de fils électriques ou d'antennes de télévision, dans les tiges d'acier qui s'élèvent de constructions inachevées, dans des ventilateurs à Bollywood.

On découvre dans l'exposition des photos du lieu incroyable où Graciela Iturbide vit, travaille et conserve son travail à Mexico. Il a donné son nom à l'exposition : "Heliotropo 37" est l'adresse de la tour de briques d'argile que lui a imaginée son fils, l'architecte Mauricio Rocha : l'intérieur paisible et loin du monde est protégé des regards extérieurs mais éclairé par des murs à claire-voie et sobrement décoré de quelques objets en bois, masques et plantes.

Graciela Iturbide, Mujer zapoteca, Tonalá, Oaxaca, 1974 (© Graciela Iturbide)


Graciela Iturbide, Heliotropo 37
Fondation Cartier pour l'art contemporain
261 boulevard Raspail, 75014 Paris
Tous les jours sauf lundi, 11h-20h, nocturne le mardi jusqu'à 22h
Tarifs : 11 € / 7,50 €
Du 12 février au 29 mai 2022



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