À Limoges, la photographe Corinne Rozotte retrace l'exil des enfants réunionnais de la Creuse
La maison de la Région Nouvelle-Aquitaine à Limoges accueille jusqu'au 24 juin l'exposition "Mémoires d'enfances exilées, l'histoire des enfants dits de la Creuse". Une vingtaine de photos de Corinne Rozotte sont présentées.
Derrière les noms et les chiffres, des visages. Ceux de ces enfants réunionnais qui, des années 1960 à 1980, furent envoyés de force en France métropolitaine pour repeupler les départements souffrant d'exode rural, dont la Creuse... L’exposition Mémoires d'enfances exilées, l'histoire des enfants dits de la Creuse, inaugurée à la maison de la Région Nouvelle-Aquitaine à Limoges, rassemble une vingtaine de portraits photographiques de ces enfants aujourd’hui adultes, réalisés par la photographe Corinne Rozotte. Une exposition pour retracer leur histoire, "encore trop méconnue".
Chacun de ces portraits est présenté sous forme de diptyque : "un portrait classique de la personne avec un élément de décor qui a trait à son enfance", explique la photographe sur le site de la région. Une manière intime de "capturer" l'itinéraire de ces enfants, comme celui de Jean-Philippe Jean-Marie. "C’était un garçon des rues, qui faisait des conneries mais cela n’avait rien de bien méchant", raconte à France 3 la photographe Corinne Rozotte, en présentant le portrait. "Dans les années 1960, les services sociaux étaient à l’affût des enfants qui traînaient dans les rues. Il a été embarqué par les services sociaux. Ensuite, il s’est retrouvé dans un foyer d’abord sur l’île de la Réunion où il a été maltraité. Il dit lui-même ‘pour être protégé par les grands, il fallait donner son goûter'".
215 Réunionnais envoyés en Creuse
Entre 1962 et 1984, on estime qu’au moins 2150 mineurs réunionnais relevant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ont été envoyés en métropole dans 83 départements frappés par l'exode rural, dont 215 enfants en Creuse. Déclarés pupilles de la nation, certains avaient en réalité des parents à qui les services sociaux ont fait signer des déclarations d’abandon, profitant de leur pauvreté et de leur illettrisme. Apprentis ou employés, ouvriers agricoles, boulangers, femmes de ménage, certains de ces enfants sont exploités et maltraités pendant des années. L’affaire, restée méconnue du grand public pendant longtemps, éclate en 2002 après une plainte d’un de ces "enfants de la Creuse", Jean-Jacques Martial.
En 2014, sous la présidence de François Hollande, l’Assemblée nationale reconnaît la "responsabilité morale de l’Etat" dans cette affaire. Valérie Andanson, porte-parole de la FED DROM (Fédération des Enfants Déracinés des Départements et Régions d'Outre-Mer), veut aller plus loin. "Nous, ce que l’on souhaite, ce sont les excuses publiques du gouvernement", demande-t-elle. "Nous sommes une mémoire vive d’une page sombre de l’histoire de France".
Poursuivre le travail de mémoire
"Ce n’est pas seulement en termes financiers que cette responsabilité doit se regarder mais en termes d’accompagnement, de suivi, de reconnaissance tout au long d’une vie", estime l’ancien président François Hollande, présent pour l’inauguration de l’exposition. "Parce que c’est encore les enfants de ces personnes-là qui se sentent blessés. C’est très important que l’Etat fasse ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent", continue-t-il.
Pour poursuivre le travail de mémoire, la région Nouvelle-Aquitaine a pour projet de créer une maison des Réunionnais de la Creuse à Guéret. L’exposition de la maison de la Région Nouvelle-Aquitaine sera visible jusqu’au 25 juin.
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