A Perpignan, Emily Garthwaite décroche un Visa d’or pour son reportage sur le Tigre, un fleuve en danger
C'est sous le ciel chaotique de la Grande-Bretagne qu'Emily Garthwaite a vu le jour. Pourtant, depuis 2019, c'est le soleil et les paysages du Kurdistan irakien qui baignent désormais son quotidien de photoreporter. En 2017, alors qu'elle réalise un reportage sur le pèlerinage de l'Arbaïn, l'un des plus grands rassemblements religieux au monde, de la ville sainte de Nadjaf à celle de Kerbala, le long de l'Euphrate, elle pénètre dans la maison d'une famille irakienne. “J'ai eu l'impression qu'un monde nouveau s'offrait à moi”, écrit-elle.
Trois nouveaux séjours vont suivre ce qui ressemble à un coup de foudre. Jusqu'en 2019, où la jeune femme décide de s'installer dans ce pays pourtant meurtri par la guerre. Elle y a développé une forme de sagesse.
"Il y a beaucoup de difficultés pour vivre en Irak. Mais on doit les accepter, on doit se laisser porter par la vie là-bas. Si vous résistez, vous devenez frustré et la vie va être difficile."
Emily GarthwaitePhotojournaliste
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Des montagnes kurdes aux rives du Tigre
Depuis son installation en Irak, Emily Garthwaite témoigne de la vie dans ce pays fragmenté. Elle a notamment sillonné les montagnes kurdes, croisant bergers, agriculteurs, combattants et pèlerins qui tentent de surmonter les traumatismes de la guerre. Son reportage, intitulé Light Between Mountains, lui a valu une récompense, le Prix Photo Terre Solidaire décerné en mai dernier.
Le Visa d'or de la Ville de Perpignan-Rémi Ochlik (du nom de ce photographe français, lauréat du Prix World Press, tué en 2012 par le régime de Bachar Al-Assad) lui a été décerné pour son reportage photo Didjla : voyage le long du Tigre. Un fleuve qu'Emily Garthwaite découvre en 2019. Elle décide de le parcourir en bateau. Une expédition de près de 2 000 km où elle traverse la Turquie, la Syrie et l'Irak.
Durant près de trois mois, elle rencontre des Irakiens dont la survie dépend du fleuve. Un périple éprouvant. "Il m'a fallu plus de 40 embarcations et des centaines d'heures de négociations avec les forces de sécurité et les milices", écrit-elle.
Deux ans plus tard, elle retourne sur les rives du fleuve et focalise son travail sur les dégâts environnementaux causés par les activités et les installations humaines, comme les barrages construits en Iran et en Turquie, pays où le Tigre prend sa source. Combinés au réchauffement climatique, leurs effets sont dévastateurs. "En vingt ans, le débit cumulé du Tigre et de l'Euphrate, qui fournissent 98% des surfaces en eau de l'Irak, a été divisé par deux", pouvait-on lire en août 2022 dans un article du Nouvel Economiste. "L'Irak court au-devant d'une catastrophe écologique et humanitaire. D'ici 2040, les ingénieurs et experts irakiens les plus pessimistes estiment que le pays sera devenu inhabitable en raison du manque d'eau", poursuivait l'article.
Une tragédie qui se prépare loin de nos yeux mais sous le regard vigilant d'Emily Garthwaite.
Exposition Emily Garthwaite "Didjla : voyage le long du Tigre" au Couvent des Minimes, 24, rue Rabelais, à Perpignan - Entrée libre, tous les jours de 10h à 20h jusqu'au 17 septembre 2023.
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