À Strasbourg, le photographe Frédéric Stucin sonde l'âme des patients en psychiatrie
Pendant près d'un an, le photographe Frédéric Stucin s'est installé dans la cafétéria du service psychiatrique de l’hôpital de Niort. Son objectif : observer et photographier les patients et soignants qui animent le lieu. L'exposition Les interstices au pôle photographique Simultania de Strasbourg, est le résultat de ce temps passé là-bas. Au total, quatre-vingt-deux photographies sont exposées, des portraits puissants de ces personnes souvent mises au ban de la société.
Chaque mois pendant une semaine, le photographe a demandé aux malades et aux membres du personnel d'imaginer un scénario de représentation de soi qu'il puisse mettre en images. Des yeux qui nous fixent, des visages durs, perturbants ou au contraire très doux ; à travers ses portraits, Frédéric Stucin scrute l'âme humaine. "Je me suis rendu compte que les gens imprègnent les lieux et que les lieux imprègnent les gens. Les deux s'imbriquent, se rencontrent et se mélangent, et j'ai essayé de rendre en image ce que je ressentais", explique le photographe.
Une démarche thérapeutique
Observer, s'intéresser aux patients, les mettre au centre de la création artistique a aussi eu un impact concret sur eux, selon Frédéric Stucin. "L'important dans ce projet, c'était l'autre. D'un seul coup, des personnes à qui on dénie le droit d'exister car ils sont dits fous et dangereux, on leur dit : je te trouve intéressant à photographier. Et généralement, on photographie des choses qui ont de la valeur donc d'un seul coup, ils se sont estimés beaux", raconte-t-il.
Pour Nathalie, l'une des patientes de l’hôpital psychiatrique de Niort, voir ce portrait d'elle, réalisé par le photographe, a été une révélation. "Il m'a réconcilié avec moi-même. Quand je vois la photo, je vois aussi le mal que je me suis fait à un moment donné de ma vie, mais que je ne me fais plus. Ce mélange de matières ça permet d'adoucir un peu le côté chaotique de ma vie. Cette grande photo me fait du bien à ce niveau-là, ça me fait dire que c'est du passé", commente-t-elle devant l'immense toile la représentant.
Briser des tabous
Exposer des portraits de malades permet également de briser des tabous, de redonner une visibilisé à des personnes dont on parle peu et qu'on ne voit pas. "Ça permet d'enlever des tabous de parler de schizophrénie, dépression ou d'anorexie. Nous, ça nous permet de ne pas avoir honte et aux autres, ça leur permet d'avoir un regard plus bienveillant", estime Nathalie.
Frédéric Stucin se dit très fier de cette immersion tant au niveau artistique qu'humain, car il s'est senti utile. "J'ai surtout rencontré des gens qui étaient en manque d'amour parce qu'on les rejette et ils sont mal pour ça. En les regardant, en discutant avec eux, en donnant un peu de soi, elles vont un tout petit peu mieux".
Exposition "Les Interstices". Pôle Stimultania à Strasbourg. Gratuit. Jusqu’au 15 avril 2023. Plus d'informations sur le site.
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