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Art Paris ouvre ses portes : l'art contemporain face à l'urgence climatique

Art Paris est déjà de retour. Après son édition de l'automne dernier, la foire retrouve son rendez vous habituel, du 7 au 10 Avril au Grand Palais Éphémère à Paris. Un rendez-vous de l'art contemporain et une thématique : la nature et les ravages des dérèglements climatiques.

Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Ouverture VIP de Art Paris  (PHOTO CHRISTOPHE AIRAUD)

La foire d'art contemporain Art Paris s'ouvre aujourd'hui dans un contexte très singulier. Début janvier, le monde de l'art contemporain était secoué par un séisme. Après presque un demi-siècle d'existence, la FIAC disparaissait du panorama des foires d'art contemporain de Paris. L'an prochain à l'automne, ce sera Paris+ organisé par le groupe MCH, responsable d'Art Basel. Il y aura donc deux rendez-vous pour que les galeries, artistes et collectionneurs trouvent leur bonheur et leurs investissements.

Art Paris est devenu ce deuxième rendez vous incontournable. Pour Guillaume Piens, commissaire général d'Art Paris, l'arrivée de Paris+ est une bonne nouvelle. "Je ne me réjouis jamais de la disparition d'un événement, surtout que j'y ai travaillé, mais cela signifie que la cote de Paris est en hausse. Art Basel est une marque internationale, son arrivée signifie que Paris est the place to be et c'est un signal vis-à-vis des collectionneurs internationaux. En 2000, Paris était une ville musée, aujourd'hui Paris est au centre des regards du monde de l'art contemporain." Et pour se différencier, Art Paris sera "le rendez-vous de l'art moderne et contemporain, c'est la foire régionale et cosmopolite, qui appuie la scène  française" face à Art+, qui sera la foire internationale. 

Pour cette édition 2022, Art Paris décline le thème incontournable : art et environnement. Nous avons parcouru les allées du Grand Palais Éphémère à la recherche des différents regards des artistes sur ce dérèglement climatique qui bouleverse le monde. A chacun son message et son chemin. Pour Alice Audouin, commissaire de "Art et environnement" (un choix de 17 artistes qui travaille ce thème) cette génération imagine le monde dans lequel l'écologie aura sa place. "Cette génération est née avec cette crise, c'est leur époque donc ils racontent leur époque. Ils ne peuvent pas séparer cette question de leur vie et de leurs oeuvres." 

La mise en scène de l'urgence par Sarah Trouche

sarah-trouche-revival-performance-kazakstan (Sarah Trouche)

Elle est nue sous une cascade de glace par moins 20 degrés, ou à la poupe d'un navire rouillée sur la mer d'Aral asséchée. Les photographies de Sarah Trouche, performeuse et messagère engagée, sur le stand de la galerie Marguerite Milin, sont des coups de poing poétiques. Sarah se rend dans ces lieux aux climats extrêmes et en rapporte des témoignages artistiques, témoin de ces performances radicales, parfois. 

Ses performances sont des mises en danger en réponse à l'urgence. Ces images voudraient rappeler l'harmonie du monde du vivant. A la question de l'inquietude climatique, Sarah répond : "les artistes doivent être le lien, avec leurs mots et leurs couleurs entre les scientifiques, les politiques et le public. (...) J'ai choisi de ne pas choquer car cela rompt le débat. Moi je veux créer le débat. Je fais partie de ces artistes qui aiment amener la poésie et la rencontre. Une petite histoire peut faire la grande, je l'espere."

Le souvenir de la mer par Elsa Guillaume 

Slice N° par Elsa Guilaume Galerie Backlash  (Elsa Guillaume Galerie Backslash)

Chez Backslash, ce sont des céramiques blanches et rouges sang qui interpellent. Elsa Guillaume parcourt les bords de mer et les fonds sous-marins. Elle est montée à bord de Tara, le bateau de la fondation Agnès B., ou encore à bord du Polarfront. La pêche intensive et les désastres que celle-ci provoque lui font dire : "Nous somme des Terriens qui devons nous souvenir que nous avons été des marins".

De ces réflexions contre la pollution des mers naisssent ces céramiques inoffensives au premier abord. Mais le rouge est celui de la pêche industrielle et ces thons ou requins découpés transforment le stand de la galerie à Art Paris en un étal de poissonniers devenus charniers des espèces en voie de disparition. 

Le singe est dans la cage de Gilles Aillaud

Gilles Aillaud   Paille, 1966Huile sur toileCourtesy galerie Loevenbruck, Paris (Photo Fabrice Gousset)

Il n'y a pas que la jeune génération pour éveiller sur la vie des animaux en péril. Dans les années 1960-70, Gilles Aillaud peint des animaux en cages. il est l'un des membres de la Figuration narrative. A l'époque, bien avant que le statut juridique de l'animal soit discuté, il déclarait : "L'homme n'est pas dans la cage sous la forme du singe, mais le singe a été mis dans la cage par l'homme (...) C'est l'étrangeté des lieux où s'opère cette séquestration silencieuse et impunie".

La Paille, toile de Gilles Aillaud, montre ce regard du singe caché comme un second plan derrière le grillage. Et dans son regard, on pourrait déjà lire, en 1966, une défiance envers ceux qui, 50 ans plus tard, s'aperçoivent que ces animaux n'étaient pas destinés à être regardés derrière une grille.  

Fabrice Hyber : "Je dessine comme les plantes poussent" 

Fabrice Hyber l'Oeuvre Liane  (BERTRAND-HUET)

S'il est bien un artiste dont la préoccupation pour la nature et la forêt est bien présente depuis longtemps, c'est Fabrice Hyber. L'idée a germé, il y a trente ans et il a planté des arbres. En vrai, en Vendée. Sa forêt, la plus grande forêt privée de France, rassemble des séquoias, des frênes, des marronniers et des chênes.

Fabrice Hyber a semé, bien avant les inquiétudes de l'alerte environnementale. Et comme un dialogue intérieur, ce désir de nature s'est retrouvé sur ses toiles qui racontent la biodiversité comme sauvetage de l'homme. C'est chez Nathalie Obadia.

La vision du marcheur : Vincent Laval 

Plus loin, dans la forêt III, 2021 (Vincent Laval)

Autre amateur des forêts,  Vincent Laval à la Galerie Sono. Il se définit lui-même comme "artiste-marcheur-cueilleur", Vincent Laval parcourt les bois et forêts. Son terrain d'aventure préféré est la forêt de Carnelle à 60 kilomètres de Paris où il a grandi. De la nature sacrifiée, il repère les changements dans cette forêt d’enfance. Vincent Laval y cueille, lors de ses marches, des écorces, des bogues de châtaignes et les transforme en sculptures, parfois en bronze.

Naissent ainsi de délicates pièces comme ces cabanes en bois de châtaignier. Sa démarche répond à la déforestation et à la biodiversité en danger. "Je suis subjugué par les équilibres dans la forêt et ces sculptures servent aussi à ouvrir un dialogue. Nous parlons d'art mais aussi de forêt. Ce n’est pas un travail poing levé, je ne suis pas porte-drapeau mais cela a un sens par la diffusion de l'émerveillement de ces territoires forestiers qui sont à mon sens malmenés. Je tente le transfert d'émerveillement", dit joliment Vincent Laval.

Des îles en lévitation de La Fratrie

LA FRATRIE Parvenir à ses fins en silence, 2019 (LA FRATRIE Parvenir à ses fins en silence, 2019)

A la Team Scholl Gallery d'Olivier Castaing, on remarque des miniatures sous verre de Karim et Luc, deux frères qui signent sous le nom de La Fratrie. Ce sont des décors sous cloche, dignes du modélisme ou du cinéma d'animation. Des îles en lévitation sauf que le sous-sol s'est effondré comme après le passage des cyclones ou dans les films catastrophe. C'est drôle et tragique. Les rapports du Giec nous ont fait prendre conscience des dangers. "Cela nous a réveillé mais nous voulions avoir un message sans culpabilité et avec humour. L'humour est un beau levier. C'est fabriqué avec des matériaux de récupération, bois, carton, c'est un peu de la bidouille. Ces petites bulles c'est pour nous une manière de continuer à jouer au Lego tout en payant des impôts". L'urgence peut aussi déclencher le sourire... parfois.

Art Paris du 7 au 10 avril au Grand Palais Ephemere sur le Champ-de-Mars à Paris

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