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Berenice Abbott, une grande de la photo au Jeu de Paume

De Berenice Abbott, on s’attend surtout à voir les vues aux cadrages rigoureux des gratte-ciel de New York. On connaît moins ses photos des Américains et de leur cadre de vie, qui annoncent tout un pan de la photographie américaine. Une rétrospective au Jeu de Paume aborde tous les aspects de l’œuvre de cette grande dame de la photo américaine, qui était aussi une femme libre
Article rédigé par franceinfo - Valérie Oddos
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Publié
Temps de lecture : 3min
Berenice Abbott, Station-service Sunoco, Trenton, New Jersey, 1954
 (Berenice Abbott / Commerce Graphics Ltd, Inc.)

« Le monde craint les femmes indépendantes (…). Mais je m’en fous », disait Berenice Abbott à la fin de sa vie.

A 18 ans, Berenice Abbott (1898-1991) quitte son Ohio natal pour New York où elle rejoint des amis, avec qui elle fréquente les milieux artistiques. En 1921, elle s’embarque avec deux sous en poche pour Paris, l’endroit où il faut être dans les années 1920.

Elle devient l’assistante de Man Ray, avec qui elle apprend le tirage et la prise de vue, avant d’ouvrir son propre studio, où elle fait le portrait des artistes et écrivains de l’avant-garde : Jean Cocteau, Marcel Duchamp, James Joyce…

Sa rencontre avec Eugène Atget est décisive. Le célèbre portrait qu’elle a fait du vieux photographe français accueille le visiteur au Jeu de Paume. Il décède très peu de temps après et marque à jamais la jeune Américaine, qui récupère une partie de son fonds et oeuvrera à le faire connaître.

En 1929, Berenice Abbott repasse à New York. La ville la happe littéralement. Alors que ses affaires prospèrent à Paris, Berenice Abbott reste de l’autre côté de l’Atlantique. « New York avant changé. C’était une ville très excitante. Tout ce qu’on photographie doit être excitant », dira-t-elle. Elle a senti qu’il fallait qu’elle rende compte des changements rapides qui affectent la ville.

Berenice Abbot travaille dans un souci documentaire, à l’opposé du pictorialisme qui a marqué la photo au début du siècle aux USA. Aidée par une commande du Federal Art Project, elle confronte une ville de plus en plus minérale à ses aspects anciens, avec ses marchands ambulants et ses vieilles vitrines, qui sont autant de clins d’œil à Eugène Atget.

Elle n’hésite pas à regarder la ville sous des angles audacieux, se penchant dans le vide pour surplomber les gratte-ciel ou prenant une enseigne d’armurier en contreplongée. Elle se glisse dans l’interstice entre deux bâtiments pour accentuer la verticalité. Elle saisit, de haut, à la chambre, les immeubles de bureaux illuminés juste au moment de la fermeture, une image d’une force incroyable.

Ses photos sont animées par plusieurs soucis. Un souci de cadrage : « Une photo doit être équilibrée », dit-elle. Mais aussi un souci humain : « Quand on photographie une ville, on photographie les gens. »

Il est vrai qu’Abbott n’a pas livré que des images froides de buildings. Elle a aussi parcouru les Etats-Unis pour rendre compte du mode de vie de ses concitoyens, la « scène américaine ». Elle se rend dans le Sud rural en 1935, pour un projet qui n’aboutira pas. Et elle sillonne, plus tard, en 1954, la Route 1 (côte est). Elle aime jouer avec les enseignes, adore les stations essence et leur graphisme, annonçant des photographes comme Lee Friedlander ou Robert Frank.

A la fin de sa vie, Berenice Abbott s’est intéressée à la science. Elle travaille pour le Massachussetts Institute of Technology qui élabore de nouveaux manuels scolaires. Photographiant des phénomènes physiques, elle produit des images étonnantes, confinant à l’abstrait.

Berenice Abbott, Photographies, Jeu de Paume, 1 place de la Concorde (jardin des Tuileries), 75008 Paris, 01-47-03-12-50
Tous les jours sauf lundi
mardi 11h-21h
mercredi à dimanche 11h-19h
tarifs: 8,50 € / 5,50 €
Jusqu'au 29 avril

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