Chefs-d'œuvre du MoMA au Jeu de Paume : à la rencontre des avant-gardes photographiques
C'est un formidable panorama de la photographie d'avant-garde de l'entre-deux-guerre qui nous est offert au Jeu de Paume, de l'Allemagne aux Etats-Unis en passant par Paris ou la Tchécoslovaquie. Des images de la collection Walther, conservées au MoMA. A ne pas rater (jusqu'au 13 février 2022)
Le Jeu de Paume à Paris expose 230 des 350 images de la collection de Thomas Walter conservées au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une fabuleuse collection qui retrace l'invention de la photographie moderne de l'entre-deux-guerres, des deux côtés de l'Atlantique, entre surréalisme et "straight photography" américaine.
Du portrait aux vues urbaines, de l'expérimentation photographique au reportage, du surréalisme à la photographie objective, l'exposition du Jeu de Paume montre des tirages d'époque de quelque 120 photographes iconiques ou peu connus, voire anonymes. Ces quelques images choisies vous mettront l'eau à la bouche.
Une nouvelle photographie
Au lendemain de la Première guerre mondiale, les développements techniques (films plus sensibles, appareils plus maniables) permettent de mieux saisir le mouvement ou des points de vue inédits. La presse illustrée s'empare de l'engouement pour l'image photographique et le sport est un thème prisé des photographes.
En 1931 le photoreporter allemand Willi Ruge se photographie lors d'un saut en parachute au-dessus de Berlin avec un appareil fixé à sa taille. Deux photographies montrent son visage avant et après l'ouverture du parachute. Ici, il montre ses jambes flottant dans le vide au-dessus de la ville.
Des communautés d'artistes
Dans le Paris des années 1920 ou au Bauhaus en Allemagne, les photographes font partie d'une communauté d'artistes. André Kertész nous livre l'univers de son ami Mondrian. L'exposition montre de nombreux autoportraits ou de portraits d'artistes qui se photographient l'un l'autre en plein travail (Henri Cartier-Bresson par Georg von Hoyningen-Huene) ou ensemble (Maurice Tabard avec Roger Parry).
Dans ce portrait en gros plan de Florence Henri, Lucia Moholy cherche davantage à rendre la matière et les textures que l'expression ou l'intériorité.
Bauhaus
De nombreux artistes représentés dans la collection Walther (Florence Henri, Lotte Beese, Umbo, Lazslo et Lucia Moholy-Nagy, Lyonel Feininger…) sont passés par le Bauhaus. Tous n'étaient d'ailleurs pas photographes. Portraits de groupes, vues de l'école se nourrissent du vocabulaire des avant-gardes photographiques. Hajo Rose, formé au graphisme, superpose deux négatifs de son visage et de la façade du Bauhaus. Dans cette joyeuse photo de groupe, Lotte Beese montre les élèves des ateliers de tissage de l'école.
Surréalisme
Au milieu des années 1920, de nombreux photographes en Europe utilisent divers procédés techniques pour s'éloigner du réalisme, exprimer les bizarreries de la vie et le rêve. André Kertesz déforme les nus avec ses Distorsions, Maurice Tabard donne un œil démesuré à son modèle grâce à la surimpression. Max Burchartz, avec un cadrage serré sur la moitié du visage de sa fille où un seul œil nous fixe, lui donne un air étrange.
Dans cet autoportrait où il regarde avec effroi son corps devenu de marbre et amputé, l'Autrichien Herbert Bayer utilise le photomontage.
Etrange
La solarisation, utilisée par Man Ray, s'obtient en soumettant l'image à un flash de lumière au moment du tirage ou du développement et inverse partiellement les noirs et les blancs, créant un effet irréel.
Raoul Ubac, lui, multiplie les procédés. Pour cette image, il a fait poser sa femme et une amie en studio, il a effectué un collage avec les photos obtenues, a photographié le montage qu'il a alors solarisé.
Photographier la ville
Dans les années 1920-1930, les photographes célèbrent la ville en utilisant le nouveau vocabulaire de leur art, explorent différents points de vue, expriment l'effervescence des années folles, entre les deux guerres, à Paris ou en Allemagne. Germaine Krull célèbre les architectures métalliques et multiplie les angles, Florence Henri prend les enseignes en contreplongée.
Cette image anonyme était en couverture d'un ouvrage paru en 1929, Es kommt der Neue Fotograf! (Voici venir le nouveau photographe).
Umbo, entre forme et poésie
L'exposition propose plusieurs très belles images du Berlinois Umbo, qui mêle éléments formels et poésie. Des passants et un balayeur écrasés par une vue en plongée projettent des ombres démesurées, la réalité semble vaciller dans un escalier du métro. Ici, le photographe joue avec la transparence d'une vitrine.
Straight photography
Au même moment, les Américains privilégient une approche plus documentaire, plus proche du réel, qu'on va appeler la "straight photography". Des nus et des coquillages d'Edward Weston aux vues urbaines de Berenice Abbott, ils allient maîtrise technique sans effets, souci du détail et du rendu des matières et stylisation.
Photographie "objective" en Europe
En Europe aussi, principalement en Allemagne et en Tchécoslovaquie, certains photographes critiquent l'expressivité et adoptent une démarche plus objective. Mais paradoxalement, d'un champ labouré couvert de givre d'Arvid Gutschow émane une certaine étrangeté. Quant à Karl Blossfeldt, très connu pour ses images de plantes, pures et frontales, au comble de l'objectivité, il nous transporte par ailleurs dans des mondes imaginaires. Ses feuilles de fougères évoquent des tiges métalliques art nouveau, sa prêle d'hiver un minaret.
Chefs-d'oeuvre photographiques du MoMA, la collection Thomas Walther
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75001 Paris
Tous les jours sauf le lundi, le 25 décembre et le 1er janvier. Mardi 11h-21h, mercredi à dimache 11h-19h
Tarifs 10 € / 7,50 €
Jusqu'au 13 février 2022
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