Dans les allées de Paris Photo 2017, au Grand Palais
Paris Photo, une des plus importantes foires de photographie du monde, ouvre les portes de sa 21e édition jeudi 9 novembre pour quatre jours dans la grande nef du Grand Palais avec une sélection de galeries du monde entier. Enfin d'un certain monde puisque, comme tous les ans, ce sont les pays occidentaux, Europe et Amérique du Nord, qui dominent très largement mais on notera la présence non négligeable de galeries asiatiques.
Paris Photo est un salon destiné aux acheteurs de photographies, collectionneurs ou institutions, mais il est aussi l'occasion pour les amateurs qui sont prêts à débourser 30 euros de voir des dizaines, des centaines d'artistes, des photographes qu'on connaît et surtout en découvrir de nouveaux, de tous styles et de toutes origines, bref, de voir de la photo jusqu'à l'overdose.
Karlheinz Weinberger et Jungjin Lee sur la mezzanine
Allons d'abord sur la mezzanine, où Paris Photo propose ses "Prismes", c'est-à-dire un focus sur quelques artistes en particulier, présentés par des galeries. A noter la très belle série en noir et blanc que la Sud-Coréenne Jungjin Lee a réalisée en Cisjordanie en 2011 (Stephan Witschi – Zurich, Camera Obscura - Paris, Howard Greenberg - New York, Andrew Bae - Chicago). On en a vu quelques tirages à l'Institut du monde arabe mais la série "Unnamed Road" est présentée ici dans son ensemble, paysages irréels et désolés, espaces de cailloux et de sable dans lesquels une route serpente, un pan de mur semble tenir par miracle, un rouleau de barbelés se dresse.On retrouve avec plaisir le Suisse Karlheinz Weinberger, photographe ouvrier et autodidacte, exposé cette année à PhotoEspaña et aux Rencontres d'Arles. Dans les années 1960 il a consacré ses week-ends à immortaliser les rockers et marginaux sur lesquels il jetait un regard tendre et empathique. La galerie Esther Woerdehoff (Paris) propose une vingtaine de vintages.
La "chorégraphie de la révolte" de Gilles Caron à l'honneur pour les 30 ans de Mai
A remarquer aussi, les images noir et blanc (Umbra) de l'Américain Grey Crawford (Galerie Taik Persons, Berlin) qui intègre des formes abstraites dans ses photos en utilisant les masquages dans la chambre noire.Un espace est réservé à Gilles Caron, le photographe de Mai 1968, de Prague et de Londonderry, disparu au Cambodge en 1970. A l'occasion des trente ans des journées de mai, la galerie
School Olivier Castaing propose une installation constituée de ses photographies de soulèvements, pour célébrer sa "chorégraphie de la révolte".
Si l'on redescend au niveau principal, celui des galeries, il semble que la sélection soit sans grandes surprises : assez peu de photographie ancienne mais rien de révolutionnaire non plus, essentiellement des valeurs sûres. A noter tout de même, la présence de sujets politiques, comme le Proche-Orient encore, à la galerie Chelouche (Tel Aviv), où Miki Kratsman a photographié des Palestiniens de loin, dans leur vie de tous les jours, comme s'il s'agissait de suspects, pour évoquer la question des assassinats ciblés.
Cristina García Rodero en couleur
Une trentaine de galeries ont choisi de montrer un seul photographe (ou presque). Chez Karsten Greve (Paris), on verra Ilse Bing (1899-1998). C'est classique mais on ne se lasse pas de ses images de Paris dans les années 1930, assez peu montrées.La belle dernière série de Lise Sarfati, "Oh Man", où des personnages seuls se déplacent dans des rues étrangement désertes à Los Angeles, est à la galerie Particulière-Foucher-Biousse. Elle fait partie de la sélection de Karl Lagerfeld, hôte d'honneur du salon qui a été invité à signaler ses coups de cœur. Le directeur artistique de mode a aussi remarqué une grande nature morte de Valérie Belin, chez Nathalie Obadia, ou les vues de lieux graphiques et floues d'Eva Schlegel chez le Danois Bo Bjerggaard.
Du côté des femmes, très présentes cette année, on remarque encore le récent travail en Inde Cristina García Rodero, chez Juana de Aizpuru (Madrid) : changeant du noir et blanc énergique qu'on lui connaissait, elle a fait des portraits simples et magnifiques, en couleurs vives, de femmes et d'enfants de communautés rurales de l'Andhra Pradesh.
Kiripi Katembo chez Magnin-A
On retrouve chez Sit Down (Paris) Tom Wood et son regard tendre sur les enfants, les vieux, les jeunes de sortie le samedi soir, avec de grands tirages de ses célèbres séries en couleur et aussi des tirages inédits, dont des noir et blanc, pris à l'embarcadère du ferry à Liverpool.Le photographe anglo-irlandais est encore, un peu plus loin, chez Augusta Edwards (Londres), au côté des enfants ramasseurs de charbon de Lynemouth de Chris Killip et des scènes de pub de Graham Smith.
L'Afrique est chez Nathalie Obadia avec les désormais classiques grands tirages de portraits de studio du Malien Seidou Keita et bien sûr chez Magnin-A, qui présente quelques vintages de Malick Sidibé et de très beaux tirages couleur de Kiripi Katembo (1979-2015), jeune photographe congolais trop tôt disparu, qui saisissait Kinshasa dans le reflet des flaques.
L'Asie, de Shanghaï à Bangalore
Côté chinois, la poésie et le flou sont chez M97 (Shanghaï), avec l'esthétique un peu vieillotte des fleurs roses de Wong Wensheng et l'obscurité bleue de Huang XiaOliang.Pour rester en Asie, signalons Raghu Rai, qui fut le premier Indien à intégrer l'agence Magnum, et dont la galerie Tasveer (New Delhi et Bangalore) présente les photographies de rue en noir et blanc.
Il y a sûrement des tas d'autres choses à découvrir mais au bout d'un moment, les yeux et les pieds sont fatigués et on a tendance à ne plus voir que ce qu'on connaît déjà. Alors pour finir, chez le New-Yorkais Howard Greenberg, on se régale devant quelques autoportraits géniaux de Vivian Maier, la nounou photographe dont la découverte posthume a ravi les amateurs de photographie.
Conversations, rencontres, signatures sont organisées pendant la foire. Nouveauté cette année, un secteur films/vidéos, en partenariat avec MK2.
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