L'histoire de la photographie racontée au musée des Arts Décoratifs à Paris, de l'outil culturel à l'œuvre d'art
Aujourd'hui la photo est partout. Mais comment en est-on arrivés là ? Le musée des Arts Décoratifs à Paris nous invite avec son exposition “Histoires de photographies” à explorer l'usage de la photo depuis ses origines, comme témoignage de nos sociétés, puis comme art à part entière.
Alors que le smartphone - doté d'appareils photo de plus en plus sophiqués - fait de chacun de nous un photographe potentiel et que nous produisons aujourd'hui, de façon automatique, multitudes de clichés, le Musée des Arts Décoratifs (MAD) nous propose de revenir à une époque où, à défaut d'instrument, l'instinct de photographier n'existait pas.
L'exposition Histoires de photographies part des débuts de la photographie comme témoignage pour arriver à sa reconnaissance comme art, en passant par l'appropriation de l'appareil. Et pour ce faire, le MAD puise dans son propre - et immense - fond de photographies et présente 400 tirages originaux datant de 1840 à la fin du 20e siècle.
L’exposition chronologique et thématique, divisée en six sections, met en avant des photographes emblématiques comme Robert Doisneau ou Man Ray, mais aussi d’autres moins connus, pour montrer la diversité des usages de cet art, ses nombreuses fonctions et ses évolutions artistiques.
Le tout dans une scénographie inattendue et efficace. Les premières photographies sont disposées de façon assez classique, sur fond blanc et encadrées de noir. Peu à peu, les murs se détériorent : des fissures et des vis sont visibles, la peinture est abîmée. Ce sont les anciens appartements du Ministre de la Maison de l’Empereur, sans apparats mais avec les cheminées, les boiseries et les frises des années 1850. Étonnamment, ces pièces vieillissantes mettent joliment en valeur les nombreuses et diverses photographies.
La photo, témoin des évolutions historiques
La première salle de l’exposition, La quête de modèles, montre pendant les premières années une appropriation progressive de l’appareil photo et une réflexion sur le sujet photographié : du mobilier, des statuts, et puis rapidement, l’environnement en général attire l’œil des photographes, en particulier la nature. A partir des années 1890, Eugène Atget produit 1800 tirages de plantes, dont Nénuphar blanc, aux contrastes de lumières magnifiques. Charles Aubry s’est lui aussi consacré aux compositions végétales, tout comme Henri Bodin. Ils sont tous les trois exposés dans le musée.
En pleine révolution industrielle, la photographie ne cesse de se renouveler et d’expérimenter une technique après l’autre, une quête représentée dans cette exposition. On découvre la photochromie qui fonctionne avec des pierres encrées de couleurs, la photogravure, le photogramme qui travaille sur les ombres des objets, l’autochrome (avec une plaque de verre recouverte d’une couche de fécule de pomme de terre teintée) ou encore le tirage sur papier salé d’Henri Le Secq. Ce dernier, comme avec sa série de la cathédrale de Strasbourg, expérimentait beaucoup en jouant sur les rendus et les teintes.
La photo, outil de sauvegarde culturelle
Très vite, les appareils photo accompagnent les voyageurs partout dans le monde, alors que les déplacements internationaux s’amplifient. Dans la salle de L’autre et l’ailleurs, on voyage en Egypte, en Syrie, au Japon, en Croatie, en Ouzbékistan... Ludovico Wolfang Hart se donne la mission de photographier des costumes traditionnels avant qu’ils disparaissent face aux progrès de la civilisation. Désiré Charnay, explorateur, archéologue et photographe, capture les sites précolombiens entre 1857 et 1861 au Mexique. La photographie devient un moyen de découvrir le monde et est une source d’inspiration pour les artistes et les décorateurs.
La photographie permet aussi de travailler sur la mémoire et entre au service du patrimoine en péril. Elle permet un processus d’inventaire partout en France et les photographes se rendent sur les chantiers de restauration. Le MAD expose par exemple plusieurs photos de chapiteaux ou de bustes d’Henri Le Secq, un des pionniers de la photographie, qui n’a pourtant pratiqué qu’entre 1850 et 1860. La photographie devient le moyen de conserver et de diffuser énormément d’objets et œuvres d’art comme la porcelaine de la Manufacture de Sèvres. Louis Robert y ouvre un atelier et arrange des compositions façon nature morte.
La photo, reconnaissance artistique
Peu à peu, avec l’essor de la presse, de la publicité et des techniques de reproduction de plus en plus efficaces, la demande d’images devient de plus en plus importante. Le métier de photoreporter se développe, tout comme les formes d’expression artistiques photographiques à part entière. On assiste à une réelle reconnaissance de la photographie comme art à partir des années 1970-80 et le MAD regroupe des œuvres de photoreporters comme Willy Ronis ou Henri Cartier-Bresson et des créations publicitaires de Maurice Tabad par exemple.
La photographie se lie aussi fortement à la mode. Elle n'est vue au début que comme une illustration commerciale, mais elle obtient ensuite une visibilité nouvelle et accompagne le nouvel âge d’or de la Haute Couture après la seconde guerre mondiale. L’exposition consacre ses deux dernières salles à une grande quantité de photos de mode dont celles d’Irving Penn ou encore de Man Ray.
"Histoires de photographies" au Musée des Arts Décoratifs
Jusqu'au 12 décembre 2021, du mardi au dimanche de 11h à 18h
10/14 euros, gratuit pour les moins de 26 ans
107-111 rue de Rivoli, 75001, Paris
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