Erwin Blumenfeld : du dessin à la photographie de mode au Jeu de Paume
Erwin Blumenfeld (1897-1969) est célèbre pour les photos de mode qu’il a réalisées aux Etats-Unis dans les années 1940 et 1950 et qui lui vaudront les meilleures rémunérations de la profession. Quand il s'exile à New York pendant la guerre, il a déjà une longue carrière artistique derrière lui, à Berlin, Amsterdam et Paris où il a côtoyé les surréalistes. Ses photos de mode, notamment en couleur, témoignent de ses expérimentations antérieures.
C’est cette histoire que raconte le Jeu de Paume, depuis ses premiers dessins.
Blumenfeld dessine avant de photographier
Erwin Blumenfeld est né en 1897 dans une famille juive bourgeoise de Berlin. Il reçoit son premier appareil photo à dix ans et fait ses premiers autoportraits à quatorze mais c’est plus tard qu’il deviendra vraiment photographe. A seize ans, il doit travailler dans un magasin de confection féminine et à dix-huit, il est mobilisé. Entre-temps, il a fréquenté les milieux dadaïstes et s’est lié avec George Grosz.
Après la guerre, Blumenfeld part pour Amsterdam où il va tenir un magasin de maroquinerie. Toutes ces années, il produit des dessins, des collages, des montages, qui intègrent des fragments de texte et révèlent son humour. Son travail graphique précède donc son activité de photographe. "Il n’était pas intéressé par la représentation du réel", explique Ute Eskildsen, commissaire de l’exposition : "Il s’intéressait à la fabrication d’images, l’interprétation et l’expérimentation."
Les premiers portraits à Amsterdam
A Amsterdam, il commence à faire des portraits de ses amis et de ses clientes. Dans le laboratoire qu’il a installé à l’arrière de sa boutique, il s’amuse avec le cadrage et le contraste. Il se met aussi au nu, un genre qu’il développera davantage quand il s’installera à Paris, à partir de 1936. Là, il rencontre les photographes de l’avant-garde française et explore la technique. Il fait de nombreuses solarisations (inversion des densités), souvent sur une partie seulement de l’image. Par exemple, il solarise la moitié d’un visage. Il fait des surimpressions, superposant un visage de femme et un crâne, un portrait et un squelette.
Il distord ses images, à la façon de Kertesz, fractionne ses nus.
Toute sa vie, Blumenfeld fait des autoportraits, sur lesquels il mène les mêmes expériences. Il se met en scène, avec un masque, nu avec son appareil photo en guise de feuille de vigne. Il se découpe le profil dans un portrait de face. Il s’éclaire par en dessous, créant un personnage inquiétant, il se déforme en reflet…
New York, la mode et la couleur
En France, il fait quelques photos d’architecture. Il transforme les vitraux de la Sainte Chapelle, fortement contrastés, en dentelle, capture l’ombre de la Tour Eiffel sur des immeubles, et photographie les artistes qu’il côtoie, de Juliette Gréco et Yvette Guilbert à Matisse, Georges Rouault ou Marianne Breslauer.
La montée du nazisme et des dictatures en Europe inspire au photographe un photomontage d’Hitler en tête de mort ou un "Dictateur" à tête de veau. Le photographe, juif allemand en France, est interné dans plusieurs camps, avant de s’enfuir pour New York, où il commence à travailler pour les magazines de mode. Il y reste et devient un des photographes de mode les plus célèbres. Sa série sur la Tour Eiffel, où les mannequins posent au-dessus du vide, a fait sensation et, rapidement, il travaille pour Harper’s Bazaar, puis pour Vogue, Life, Look, Cosmopolitan.
Il travaille en noir et blanc et, assez rapidement, en couleur, appliquant à ses photos de mode toutes les recherches qu’il a pu faire à Paris, même si "son travail devient plus graphique, peut-être un peu plus illustratif", selon les mots de la commissaire. Le photographe duplique un profil en plusieurs couleurs, démultiplie une image, utilise des effets d’eau.
En 1961, Blumenfeld commençait à sélectionner des images pour un projet de livre, "Mes 100 meilleures photos". Il paraîtra en 1979, dix ans après sa mort à Rome (ces cent photos sont montrées dans l’exposition, sous forme de diaporama).
Erwin Blumenfeld (1897-1969), Photographies, dessins et photomontages, Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, 75008 Paris
tous les jours sauf le lundi, le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai (fermeture à 17h les 24 et 31 décembre)
mardi : 11h-21h
mercredi à dimanche : 11h-19h
tarifs : 8,50 € / 5,50 €
entrée gratuite pour les étudiants et les moins de 26 ans le dernier mardi du mois, de 17h à 21h
jusqu'au 26 janvier 2014
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.