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Josef Sudek, le poète tchèque de la photographie, au Jeu de Paume

Le Jeu de Paume présente une rétrospective du grand photographe tchèque Josef Sudek, qui toute sa vie a capté en maître les ombres et lumières de Prague et de ses alentours, de la ville, de la campagne, ou tout simplement de sa fenêtre et du petit bout de jardin devant son atelier, dans une poésie discrète et envoûtante (jusqu'au 25 septembre 2016).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Josef Sudek, à gauche, "Prague pendant la nuit", 1950, Musée des Beaux-arts du Canada, Ottawa. Achat 2003 - A droite,  "La fenêtre de mon atelier", vers 1940-1948, Musée des Beaux -arts du Canada, Ottawa, don anonyme, 2010
 (A gauche et à droite © succession de Josef Sudek)

Un petit film de 1963 ("Vivez votre vie" d'Evald Schorm) projeté dans l'exposition montre un vieux monsieur, presque l'allure d'un vagabond, transporter une lourde chambre dans la campagne, l'installer sur un pied massif en bois de son seul bras gauche, regarder longuement le ciel pour jauger la lumière.
 
Josef Sudek (1896-1976) est né à Kolín, alors en Autriche-Hongrie, à une cinquantaine de kilomètres à l'est de Prague. Il apprend la reliure tout en commençant à faire un peu de photo mais, appelé en 1915 sur le front italien, il est blessé par une grenade et on l'ampute du bras droit. Il doit renoncer à son travail de relieur et refuse un emploi de bureau. Il choisit alors d'être photographe, étudie à l'Ecole d'Etat des arts graphiques de Prague et vit grâce à une pension d'invalidité et quelques commandes alimentaires.

Josef Sudek, "La fenêtre de mon atelier", vers 1940-1950, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa, Don anonyme, 2010
 (Succession de Josef Sudek)


Maîtrise de la lumière

L'exposition du Jeu de Paume, qui présente 130 tirages, s'ouvre sur ses premières photos des années 1920. Il photographie alors ses compagnons d'infortune, mutilés de guerre. Un portrait d'homme ("Hospice des vétérans") où la lumière traverse seulement la fumée de la pipe et souligne son profil montre déjà son goût et sa maîtrise de la lumière. Tout comme les rayons qui illuminent la cathédrale Saint-Guy. Influencé les premières années par le courant pictorialiste, qui par divers effets techniques et stylistiques cherche à s'approcher de la peinture, Josef Sudek use du flou pour montrer une tablée dehors le dimanche ou une rue de Prague sous la pluie.
 
Dans les années 1920 aussi, il réalise de petits tirages de paysages au bord de l'Elbe pleins de lyrisme, avec de grands ciels pleins de nuages, des arbres et leurs reflets, notamment trois magnifiques peupliers.
Josef Sudek, "Prague pendant la nuit", vers 1950-1959, Musée des Beaux-arts du Canada. Don anonyme, 2010
 (Succession de Josef Sudek)


Le photographe de Prague

Prague, toute sa vie, va être le sujet principal du photographe avec la campagne qui l'entoure, puisque, après la guerre de 1914, il n'en a pratiquement pas bougé. Il nous livre la ville la nuit, à la lumière de quelques réverbères. Pendant l'occupation nazie, c'est l'obscurité de sa cour, ponctuée de quelques fenêtres éclairées, qu'il enregistre.
 
Sa ville, Josef Sudek nous la montre encore dans les années 1950 en vues panoramiques qu'il tire par contact, tout comme de délicats paysages ou bien de "tristes paysages" abîmés par l'industrialisation.
 
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il entame sa série la plus célèbre, celle de la vue de la fenêtre de son atelier. Cet amoureux de la nature en guette le moindre souffle et toutes les manifestations, surtout au printemps. A travers la vitre, il regarde le jardin et un arbre au gré des heures du jour et des saisons. Derrière le verre, couvert de buée ou de pluie, le jardin se couvre de neige, l'arbre de fleurs. Sudek nous ouvre un monde poétique, un peu sombre et mélancolique.
Josef Sudek, "Sans titre (Nature morte sur le rebord de la fenêtre"), 1951, montage par le photographe vers 1960, Musée des arts décoratifs, Prague
 (Succession de Josef Sudek)


Natures mortes dans l'atelier

Autre aspect de l'univers poétique et intimiste du photographe, les objets. Dans son atelier encombré, il en prélève un, deux, trois et réalise des compositions simples, avec un œuf, un coquillage, un verre, une rose ou une poire sur une assiette. On peut voir des accents surréalistes dans une bille qui évoque un œil, dans une vue du fatras de l'atelier où sont suspendus des sacs en toile à côté d'un mannequin sans bras ni tête.
 
Allusions aux dévastations de la guerre, sans doute, une statue git au sol, amputée d'une jambe. Une "Madonne brisée" montre une joue détruite.
Josef Sudek, "La dernière rose", 1956, Musée des Beaux-arts du Canada, Ottawa. Don anonyme, 2010
 (Succession de Josef Sudek)


Un amateur de musique

Sudek était un homme discret et solitaire. Reconnu de son temps dans son pays, il participe à des expositions collectives et personnelles mais n'apparaît pas aux vernissages. En même temps, grand amateur de musique, il organise chez lui des "mardis musicaux" où il convie ses amis, dont il a fait quelques portraits, même si les figures humaines ne sont pas son sujet principal.
 
Il est le premier photographe tchèque à être reconnu dans le monde sans être passé à l'Ouest quand, en 1974, deux ans avant sa mort, il est exposé aux Etats-Unis (New York, Washington, George Eastman House à Rochester) et à Milan.
 
L'exposition du Jeu de Paume se conclut sur quelques vues en couleur de sa fenêtre datant de 1976.
Josef Sudek, "Maysage de Melnik", 1959, Musée des Beaux-arts du Canada, Ottawa. Don anonyme, 2010
 (Succession de Josef Sudek)

 

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