JR fait entrer des milliers d'illustres inconnus au Panthéon
Le Centre des monuments nationaux, qui avait confié un projet à JR pour "faire entrer le peuple" dans le monument dédié aux grands hommes, a inauguré mardi avec l'artiste son installation "Au Panthéon".
Pendant plusieurs semaines, JR a recueilli via internet des portraits en noir et blanc d'anonymes dans le monde entier. Il a aussi proposé au public de se prendre en photo dans son camion-photomaton qui a stationné pour l'occasion devant neuf monuments nationaux.
Le Centre des monuments nationaux voulait, à l'occasion des travaux de rénovation du Panthéon, donner envie aux Français de se le réapproprier. Et il a jugé que les interventions participatives de JR incarnaient bien la dimension humaniste et universelle du monument.
Une joyeuse réunion
Plus de 4000 portraits serrés les uns contre les autres couvrent la bâche de chantier du dôme, à l'extérieur. Et, à l'intérieur, on est accueilli par une multitude de visages de tous âges et de toutes origines, étalés au sol, qui sourient, rient, font des grimaces. Ils couvrent une surface de 800 m2 : JR tenait à ce qu'on puisse marcher dessus. Si on lève la tête, d'autres personnages forment une joyeuse ronde dans la coupole.
"Peut-être que dans ces visages se cachent les grands hommes de demain. En tout cas, on a tous la capacité d'en être", s'amuse l'artiste.
JR défend son indépendance
"C'est une formidable impression d'allégresse et de force" qui se dégage de l'installation, se réjouit Philippe Bélaval, le président du Centre des monuments nationaux (CMN). Il ne souhaitait pas qu'il y ait de la publicité sur la bâche de chantier qui recouvre le dôme car, si le CMN n'exclut pas d'avoir de la pub ailleurs, il estime qu'ici, "il y a une dimension républicaine qui s'impose. De la même manière que vous ne mettriez pas de la publicité sur la tombe de vos parents dans un cimetière, on n'allait pas en mettre sur le monument qui accueille celles des grands hommes et femmes".
Ca tombe bien car le refus des sponsors est un des principes de JR. "Je veux travailler de façon indépendante. Ces visages ne sont pas présentés par une marque de poisson ou une marque de chaussettes", dit-il.
Dans le cadre de son projet Inside Out
L'artiste explique comment "Au Panthéon" s'est inséré dans son grand projet en cours, Inside Out, initié il y a quatre ans. "Je n'ai fait aucune de ces photos, c'est une œuvre participative qui touche 10.000 villes de 140 pays." Il souligne que c'est vraiment eux (les participants) qui ont décidé d'être là. "Ce qui m'intéresse, c'est de voir que le projet les fédère."
Le principe d'Inside Out, c'est qu'on se rassemble, à cinq au moins, on envoie ses portraits au studio Inside Out qui les imprime en format poster et les renvoie à leurs auteurs pour qu'ils puissent les coller dans leur quartier. C'est ce que JR appelle une "action de groupe".
Et l'aspect fédérateur va parfois plus loin que prévu, puisque, au Pakistan, des gens se sont complètement approprié le projet en imprimant leurs posters eux-mêmes. Ce qui réjouit JR : "Les gens peuvent utiliser Inside Out à condition de ne pas se servir de marques."
Les réseaux sociaux pour se reconnecter avec des inconnus
Pour le Panthéon, "on leur demandait juste d'envoyer leur photo. Il y a des photos qui viennent d'endroits que je ne connais pas", se réjouit-il. "Et même moi, je ne les ai pas rencontrés, ces gens." D'où l'importance des réseaux sociaux : "Je m'en sers souvent pour me reconnecter avec les gens dans le monde. C'est fantastique."
Il n'y a pas eu vraiment de sélection, à partir du moment où les règles étaient respectées (fond blanc, pas de logo…). Toutes les photos ont été découpées une par une, "un travail gigantesque", et montées ensemble.
Légalité ou illégalité ?
Ce projet est une sacrée reconnaissance officielle pour un artiste qui a commencé à travailler dans la rue, dans l'illégalité. Une illégalité qu'il ne recherche pas forcément, mais qui est parfois indispensable, selon lui. En 2007, avec Marco, il a réalisé Face 2 Face, qui se voulait la plus grande expo photo illégale jamais créée : celle d'immenses portraits de Palestiniens et d'Israéliens de chaque côté. "Là, je ne pouvais pas demander une autorisation pour coller sur le mur", fait-il remarquer.
A l'inverse, JR évoque son exposition sur les Arches de Lapa, à Rio de Janeiro, en 2009, qui était tout à fait légale et a fait scandale. Les Brésiliens n'étaient pas prêts à voir les visages des favelas sur leurs monuments, dit-il.
Là, JR a fait entrer quelques milliers d'illustres inconnus au Panthéon. Mais pas pour l'éternité : l'installation intérieure restera là jusqu'au lendemain de la prochaine Nuit blanche, le 5 octobre 2014. Et la bâche extérieur un peu plus longtemps : on pourra la voir pendant toute la durée des travaux.
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