Le métro new-yorkais de Bruce Davidson exposé à Washington
Photographe de l'agence Magnum depuis plus de 50 ans, Bruce Davidson, 78 ans, se définit comme un "photographe du noir et blanc" mais c'est la couleur qu’il a utilisée, pour la première fois, pour capturer au printemps 1980 les images violentes du métro de New-York.
Une trentaine de clichés de la série, récemment rééditée, sont exposés à la National Gallery of Arts de Washington (22 avril-5 août) pour l'exposition "J'espionne" (I Spy : Photography and the Theater of the Street), au côté de photos prises à la volée à Chicago ou New York par Walker Evans, Harry Callahan et Robert Frank.
"J'ai commencé à photographier dans le métro avec mon Leica en blanc et noir, j'étais déprimé après avoir perdu les droits d'un film sur lequel je travaillais", raconte le photographe lors d'une visite avec la presse, "mais quelque chose venait en couleur, un message, un sens que je sentais en couleur", dit-il.
Quelquefois je m’enfuyais en courant
Le photographe arpente les rames d'un métro "sale et dangereux" pendant un an, appareil photo sur la poitrine, avec dans la poche un recueil de ses oeuvres à montrer en exemple, et un formulaire d'autorisation de l'utilisation de l'image.
"Quelquefois je prenais la photo puis je demandais la permission, quelquefois je ne demandais rien du tout, quelquefois je m'enfuyais en courant comme un dératé", raconte-t-il, mais "je n'ai jamais caché l'appareil photo, c'est important qu'on le voie", dit-il.
L'image d'un voyou pointant son arme sur la tempe d'un jeune homme n'est pas aussi terrible qu'on peut le penser, "c'était un policier", raconte le photographe qui a suivi pendant des nuits une patrouille "déguisée et se comportant de telle façon qu'ils devaient être agressés".
La silhouette d'une jeune fille en robe légère, sur un quai, inspire une photo. "Je suis allé vers elle et elle m'a dit ‘je vous ai senti approcher, j'étais sur le point de vous balancer un coup de pied’." Bruce Davidson a revu son modèle trente ans plus tard à l'occasion de la parution d'un livre, "elle était dans la banque, dans la finance, elle pouvait se payer le livre", dit-il.
Bruce Davidson envisage de passer à la photo numérique
A cette époque, "j'ai trouvé quelque chose d’humain dans le métro, et je me suis trouvé moi-même, cela m'a enrichi", précise-t-il. "Ce que je photographie dépend de mon humeur", poursuit le photographe qui se concentre aujourd'hui sur Los Angeles, la relation entre la nature, les montagnes et la ville, avec des photos qui viennent d'être publiées dans le magazine The New Yorker.
"Je ne sais pas ce que je vais faire ensuite", dit-il. Il envisage de se mettre au numérique, "car dans cinq ans, peut-être que plus personne ne fera de pellicules. Je dois repartir à l'école", s'amuse le photographe qui quitte rarement son appareil, "partie prenante de mon âme".
Bruce Davidson est né à Chicago en 1933. Il a travaillé sur le combat des Noirs pour l'égalité des droits civiques dans les années 1960. Il a beaucoup photographié New York, en noir et blanc, notamment Harlem et Central Park. Il a réalisé pour la Maison européenne de la photographie un travail sur les jardins de Paris.
L’exposition de la National Gallery of Art de Washington couvre plus de 70 ans de photographie de rue, depuis les « Subway Portraits » de Walker Evans (1938). Elle rassemble des images de Harry Callahan, Beat Streuli ou Robert Frank.
Contrairement à Bruce Davidson, Walker Evans cachait son appareil photo qu’il actionnait avec un câble. La conscience ou l’ignorance des sujets pris en photo est une des problématiques de l’exposition.
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