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Les couleurs de la Russie de 1910 au musée Zadkine de Paris

Une belle découverte au musée Zadkine de Paris : les images en couleur de l’ancienne Russie surgies du début du XXe siècle, grâce à un procédé en trichromie imaginé par Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky, un russe noble qui a parcouru les quatre coins de l’empire avec son appareil pour en recenser toutes les richesses.
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky : à gauche, Vue de Vitebsk et des rives de la Dvina occidentale (été 1912) - à droite, Karagach - orme sacré - près de Samarkand (automne 1911) 
 (Bibliothèque du Congrès Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)

Le début du XXe siècle voit les balbutiements de la photographie couleur. A côté de l’autochrome, inventé par les frères Lumière en 1903 avec de la fécule de pomme de terre, un autre procédé, la trichromie de l’Allemand Adolph Miethe, sépare trois couleurs sur trois négatifs grâce à trois filtres. Puis on réalise trois positifs sur plaques de verre qu’on projette  pour restituer l’image.
 
Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky (1863-1944), issu de la vieille noblesse russe, passionné de science, améliore le procédé qui peinait à restituer uniformément les couleurs.

Sergueï Mikhaïlovitch Procoudine-Gorsky, La cathédrale de l’Assomption de Smolensk, vue depuis le mont Kazan (été 1911)
 (Bibliothèque du Congrès, Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)
 
3500 images en couleur entre 1909 et 1906
Quand le frère du tsar assiste en 1908 à une projection de ses images en couleur incroyablement fidèles, il est épaté et demande à Nicolas II de recevoir Procoudine Gorsky. Egalement subjugué, le tsar soutient le photographe dans son projet d’immortaliser paysages grandioses et patrimoine de l’ancienne Russie. On lui aménage un studio dans un wagon et il part, avec un programme de dix ans pour fixer les splendeurs qu’il rencontre.
 
Le photographe avait prévu de faire 10.000 images, il sera pris de court par la Première guerre mondiale et la Révolution de 1917. Entre 1909 et 1916, il en a quand même réalisé 3500, dont 1900 seulement ont été sauvées. Elles sont conservées par la Bibliothèque du Congrès à Washington, sous forme de négatifs.
Serguei Mikhailovitch Procoudine-Gorsky, Sur le chemin des forges de Satka (été 19010)
 (Bibliothèque du Congrès, Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)
 
Des couleurs éclatantes de la campagne russe
Le musée Zadkine à Paris présente une centaine de ces images, disséminées dans les salles, entre les œuvres du sculpteur russe. Pour qu’on les voie comme il y a un siècle, elles n’ont pas été imprimées mais scannées et présentées dans des caissons lumineux.
 
Ces vues de la campagne russe, de ses églises, de ses maisons en bois sont d’une beauté saisissante. Les couleurs sont éclatantes, bien plus que celles des autochromes, également séduisantes mais plus irréelles, plus oniriques. Il est toujours étonnant de voir en couleur des scènes aussi anciennes, qu’on imagine plutôt en monochromie.
Serguei Mikhailovitch Procoudine-Gorsky, Aiguilleur bachkir (été 1910)
 (Bibliothèque du Congrès, Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)
 
Des vues hors du temps
Pendant sept ans, par rail et par bateau à vapeur, Procoudine-Gorsky parcourt les confins de l’Oural et de la Sibérie ou les plaines autour de Borodino, où a eu lieu la bataille de la Moscova, il remonte la Volga et s’aventure jusqu’aux montagnes du Daghestan, à Tachkent et à Samarkand.
 
Dans l’Oural, au bord d’une voie de chemin de fer, il photographie un aiguilleur bachkir en bottes de peau et manteau sombre, outils à la main. A côté des paysages verts, il documente aussi les mines et les ateliers. Dans le nord-ouest de l’empire russe, il se promène en bateau sur les canaux, les lacs et les rivières, fixant les petites chapelles en bois, une meule de foin qui ressemble à un monument, des paysans qui se reposent assis dans l’herbe.
SergueI Mikhailovitch Procoudine-Gorsky, Meule de foin (juillet-août 1909)
 (Bibliothèque du Congrès, Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)
 
Les couleurs de l’Asie Centrale
Ces vues de la Russie avant la révolution semblent complètement hors du temps. Les plus belles sont peut-être celles que Procoudine-Gorsky a rapportées d’Asie centrale et dont les couleurs grandioses montrent toutes les possibilités du nouveau procédé. Les montagnes boisées du Daghestan sont magnifiques. Il en immortalise aussi les habitants, comme ce couple assis sur des chaises au milieu de nulle part, lui avec ses épées et coiffé d’une toque, elle d’un grand foulard, dans les poses figées qu’imposait la triple prise de vue.
 
Près de Samarkand, un orme sacré énorme impose sa silhouette majestueuse en vert profond, une maison blanche ses décorations en forme de bouquets. Des cavaliers se rassemblent en foule. Dans la ville les belles couleurs des monuments en céramique turquoise côtoient les étals des marchands enturbannés. Une jeune turkmène à la robe bariolée se tient sur un grand tapis rouge devant sa yourte en paille.
 
Exilé en France en 1917, Procoudine-Gorsky monte un studio à Paris avec ses enfants. Il y mourra en 1944, un mois après la libération de la ville.
Sergueï Mikhailovitch Procoudine Gorsky, Bureaucrate devant le palais d'été de l'émir, Boukhara (février 1911)
 (Bibliothèque du Congrès, Washington - collection Procoudine-Gorsky/Famille Procoudine-Gorsky)
 
Voyage dans l’ancienne Russie, Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris
Tous les jours sauf lundi et jours fériés, 10h-18h
Tarifs : 7€ / 5€ / 3,5€
Du 9 octobre 2013 au 13 avril 2014
 

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