Les dernières images fortes d'Alberto García-Alix à la MEP
Alberto García-Alix, un des plus grands photographes espagnols d'aujourd'hui, sinon un des plus grands tout court, est né en 1956 et a commencé son travail photographique en 1976, l'année après la mort de Franco. Il fait partie de la génération qui a vécu à fond la movida, le grand mouvement culturel et festif déjanté qui a libéré la société espagnole de quarante ans de franquisme. Il a fait le portrait de ses amis de l'underground, mêlant sexe, drogue, moto.
L'ambiguïté de la photographie
En 2007, à Arles, où ses photos exposées dans une ancienne chapelle, en ont choqué quelques-uns, il confiait au Monde que la photographie avait croisé sa route après un mauvais trip à l'héroïne : "J'ai fait un rêve, j'ai vu mon futur, ça m'a fait peur. J'ai décidé de contrôler ma vie. Et j'ai trouvé une discipline dans le travail au labo", disait-il alors.
Les images exposées à la MEP, en noir et blanc argentique, récentes, sont plus sages, mais certainement pas moins fortes. D'ailleurs leur auteur aussi s'est assagi, après 25 ans passés avec l'héroïne, parce qu'il aime vivre dit-il. Son travail veut parler de l'ambiguïté de la photographie, de la fiction et de la réalité, d'où le titre de l'exposition, "Faux horizons", car pour Alberto García-Alix la photographie ce n'est pas la vérité.
Des autoportraits pour parler de la peur
Avec ses images, il nous parle de la vie et de la mort, des choses essentielles. Il se confronte avec lui-même, à travers de nombreux autoportraits : en blanc, debout devant un mur, en surimpression sur un mur blanc, à contrejour, nu derrière un store, en ombre, des autoportraits qui veulent exprimer la "peur", le "naufrage".
Des villes modernes, floues (car Alberto García-Alix cultive le flou), sont saisies dans la pénombre, comme une vision de cauchemar. Un corbeau, énorme, posé sur un édifice semble nous menacer. Des arbres aussi, dépouillés et flous, là encore, barrent l'horizon et projettent sur nous leurs branches menaçantes.
Un survivant
Les images les plus nettes, qui pourraient paraître plus réelles, sont souvent celles qui expriment clairement une réalité affreuse, un petit oiseau mort en "crucifixion", un cadavre horrible, une salamandre au pied d'un Christ en croix.
Alberto García-Alix a photographié ses vieux amis, survivants comme lui, qui portent les marques des années vécues à cent à l'heure.
La moto, une "Rossinante moderne"
Certaines images évoquent la moto, dont il est fou. Lui donnant le nom de "Rossinante moderne", il en fait un objet poétique, qui lui sert pour un autoportrait en ombre et dont il célèbre la vitesse.
Les photos de l'exposition sont reprises dans une vidéo réalisée par leur auteur, sorte de long poème parlé sur ses images. Il faut prendre le temps de la regarder, se laisser porter par la mélancolie qui en émane.
Alberto García-Alix, Horizonte Falso, De faux horizons, Maison européenne de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
Du mercredi au dimanche, 11h-20h
Tarifs : 8€ / 4,5€, gratuit le mercredi de 17 à 20h
(fermé lundi, mardi et jours fériés)
Du 22 octobre 2014 au 25 janvier 2015
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