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Les intérieurs en folie d'Anna et Berhard Blume au Centre Pompidou

La jeune galerie de photographies du Centre Pompidou expose les images délirantes et pleines d'humour d'Anna et Bernhard Blume, un couple de photographes allemands qui se sont mis en scène dans un univers petit-bourgeois où tout se met à dérailler (jusqu'au 21 septembre 2015).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Anna et Bernhard Blume, "Im Wahnzimmer", 1984, ensemble des 18 épreuves
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/G. Meguerditchian et Ph. Migeat / Dist. RMN-GP)

En 2012, le Centre Pompidou a acquis une œuvre monumentale d'Anna (1937) et Bernhard Blume (1937-2011), "Im Wahnzimmer", 18 tirages grand format (2 mètres sur 1,26 m) sur 25 mètres de long. "Une pièce majeure de la collection du Centre Pompidou", commente Clément Chéroux, le chef du cabinet de la photographie du Musée national d'art moderne. "On n'avait pas encore eu l'occasion de la montrer", précise-t-il.
 
"Im Wahnzimmer", réalisé en 1984, transforme l'espace de la maison en espace de délire : le titre est un jeu de mots sur la "salle à manger" ("Wohnzimmer" en allemand) et la folie ("Wahn"). Il s'agit d'un intérieur petit-bourgeois typique des logements allemands des années 1950-1960, avec ses meubles en bois plaqué et ses tapis à fleurs. Le couple s'y met en scène, dans un accoutrement accordé au décor, un costume et une robe que leurs parents auraient pu porter à l'époque.

Anna et Bernhard Blume, "Im Wahnzimmer", 1984 (détail)
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/G. Meguerditchian et Ph. Migeat / Dist. RMN-GP © ADAGP, 2015)


L'univers quotidien en proie à des phénomènes paranormaux

Mais cet univers déraille complètement, comme s'il était en proie à des phénomènes paranormaux. Le sol bascule, l'espace se met à tourbillonner, les tables et les fauteuils se renversent et les objets sont propulsés dans les airs. Notre couple essaie de sauver ce qu'il peut, monsieur, en déséquilibre, attrape un vase et se retrouve lui-même en lévitation tandis que madame menace de s'envoler en tentant de retenir les meubles.
 
Les Blume se sont beaucoup intéressés à l'art "spirite", la photographie dite "transcendantale". A la fin du XIXe, un courant de la photographie a affirmé que certains phénomènes ne produisaient aucune action sur notre rétine mais impressionnaient la plaque sensible. Ils ont montré ce qu'ils affirmaient être des matérialisations d'esprits ou autres ectoplasmes, et des phénomènes de lévitation d'objets.
Anna et Bernhard Blume, "Im Wahnzimmer", 1984 (détail)
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/G. Meguerditchian et Ph. Migeat / Dist. RMN-GP © ADAGP, 2015)


L'influence de la photographie spirite

En Allemagne, a Fribourg-en-Brisgau, l'Institut für Grenzgebiete der Psychologie und der Psychohygiene (IGPP) possède une des plus importantes collections de photographies de ce genre, que les Blume sont venus voir plusieurs fois, raconte le directeur de l'institut et co-commissaire de l'exposition, Andreas Fischer.
 
A côté des œuvres des Blume sont exposées des photos de l'IGPP : un homme en lévitation, des tables ou des chaises qui s'élèvent dans une pièce, un vol de petits pains, un tapis qui se tortille. Des images qui ont manifestement inspiré le couple d'artistes.
Anna et Bernhard Blume, "Im Wahnzimmer", 1984 (détail).
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/G. Meguerditchian et Ph. Migeat / Dist. RMN-GP © ADAGP, 2015)


Une critique de l'univers petit-bourgeois

Il ne s'agit pas de prendre au sérieux les photographies sprirites : pour les Blume, ce sont bien des mises en scène de charlatans. Mais ces images les intéressent parce qu'elles viennent perturber la rationalité, "le paranormal vient faire exploser le normal", résume Clément Chéroux.
 
Et elles vont leur servir pour critiquer avec humour le matérialisme de l'univers petit-bourgeois de l'après-guerre, à un moment où la photographie allemande défend plutôt une conception documentaire et objective.
 
Quelques autres photos d'Anna et Bernhard Blume complètent l'ensemble et font écho à celles de l'IGPP, comme celles, hilarantes, de la série "Küchenkoller" (Cuisine en furie, 1985), où une passoire virevolte et des patates s'envolent pour bombarder la pauvre ménagère qui part à la renverse.
Anna et Bernhard Blume, "Im Wahnzimmer" (détail), 1984
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/G. Meguerditchian et Ph. Migeat / Dist. RMN-GP © ADAGP, 2015)
 
Anna & Bernhard Blume, La photographie transcendantale, Centre Pompidou, Galerie de photographies (Forum -1), Paris 4e
Tous les jours sauf le mardi, 11h-21h
Entrée libre
Jusqu'au 21 septembre 2015

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