Les photographies de Flore, voyage dans l'éternelle Italie à la galerie Clémentine de la Féronnière
Il faut pousser une grande grille, puis s'enfoncer dans la cour de ce vieil immeuble de l'île Saint-Louis, à Paris, pour découvrir le travail de Flore. La délicatesse de ses œuvres mérite cette discrétion, celle de la galerie Clémentine de la Féronnière.
À voir jusqu'au 21 décembre 2024, trente œuvres comme une correspondance envoyée à des amis depuis l'Italie par la photographe qui sillonne ce pays depuis dix ans.
Une plongée dans la sensualité et la poésie
Il y a quelques années, Flore parcourait le Maroc en souvenir de son enfance et de sa mère, c'était lumineux à en éblouir. Puis, elle était partie sur les traces de Marguerite Duras dans ce qui fut l'Indochine. C'était moite et nostalgique. Ses livres photographiques s'intitulent Le Temps suspendu ou Lointains souvenirs. Le ton est donné, une parole est sépia et brumeuse comme le temps passé. La douceur exquise de ces photographies, Flore en confie les raisons à Franceinfo Culture en disant : "C'est sûrement ma mélancolie qu'on retrouve d'un travail sur l'autre, cette mélancolie n'est pas dénuée intérieurement d'une certaine forme de sensualité. Peut-être que ça me constitue. Mais pour l'Italie, c'est assez facile d'un certain côté, parce que la langue, la musique, toute la statuaire, la peinture, il y a vraiment des siècles de sensualité dans ce pays quand même."
Sa galeriste, Clémentine de la Féronnière renchérit : "Quand j'ai rencontré Flore, la première fois, elle m'a dit une chose que j'ai trouvée très touchante, une petite phrase à laquelle je pense souvent... Elle dit qu'elle essaie de tout simplement rendre le monde qui nous entoure un petit peu plus agréable, un petit peu plus facile à accepter. Et c'est vrai que dans le travail de Flore, il y a quelque chose de l'accompagnement, de la douceur qui est nourri par tous ces univers de la littérature, de la musique qui sont propres à elle-même."
Entrer dans la galerie, c'est pénétrer dans un palais italien, vénitien ou florentin, d'un autre temps.
"Pour moi, l'Italie, c'est toute la beauté du monde"
Sur les murs blancs de la galerie, les tirages expriment effectivement cette douce mélancolie. Un détail de statue, des fesses arrondies d'homme côtoient des draps froissés, sûrement le souvenir d'une nuit d'amour.
Une vue d'un jardin à l'escalier abîmé par les siècles mène au panorama de ce que serait une balustrade sur un lac immobile. Une attente solitaire. "L'Italie me nourrit, il suffit de marcher pour être émerveillée, et mes amis m'amènent dans des endroits secrets."
Son Italie vue mille fois dans les livres d'histoire renaît comme si nous ne l'avions jamais vue, c'est le miracle de son travail. Son explication est simple : "C'est comme une histoire d'amour. Peut-être on peut avoir une histoire d'amour avec quelqu'un. Quelqu'un aura une autre histoire d'amour avec cette même personne et ça sera différent."
Son histoire d'amour avec l'Italie permet donc que ses paysages et villes tellement photographiés soient redécouverts : "Venise par exemple, c'est certainement la ville la plus difficile à photographier, mais elle ne demande qu'à être revisitée. J'aimerais continuer sans doute."
Flore, une photographe littéraire
Flore appelle à l'aide la littérature pour éclairer son voyage et ses carnets de route photographique. "Je n'aime plus que les voyages, la rêverie, la solitude, le bruit du monde, pour le traverser et en rire, puis la poésie pour supporter le passé", écrivait George Sand. Flore fut en résidence dans la maison de l'écrivaine à Nohant et aime à la citer.
Sa galeriste insiste aussi sur ce penchant : "La littérature est sans aucun doute un univers qui l'a nourrie énormément." La photographe résume elle-même ces intentions artistiques : "Je suis inspirée de la poésie que j'ai lue, des découvertes littéraires que j'ai faites, ça raconte un peu tout cela et en même temps un peu de moi quand même."
Et ce passé qui ressurgit à la vue de ses images, elle le résume ainsi : "C'est un rêve d'Italie, celle où nous serions avec des gens qu'on aime, c'est se projeter dans les paysages comme si on allait vivre là de toute éternité. Comme si on était amis avec certains peintres. Peut-être est-ce la vie, la vie rêvée, la vie souhaitée."
La photographie, machine à remonter le temps
Flore avait écrit il y a quelques années : "Le monde est aujourd'hui très petit, on peut voyager dans le monde facilement. Par contre, voyager dans le temps, c'est mystérieux. La photographie permet de voyager dans le temps et de faire des images qui auraient pu être prises dans un temps antérieur."
Sa nouvelle exposition Les Rêveries de Lavinia prouve que la photographie peut avoir ce don, être même une machine à remonter dans le passé et avec ses visions d'Italie, le visiteur parcourt un pays à travers le temps.
Exposition de Flore "Les Rêveries de Lavinia". Jusqu'au 21 décembre 2024 à la Galerie Clémentine de la Féronnière, 51 rue Saint-Louis-en-l'Île, 75004 Paris.
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