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Les visages de l'amiante sortent de l'ombre grâce aux photos de Nanda Gonzague

Il y a 20 ans, les autorités sanitaires françaises interdisaient l'usage de l'amiante. Considérée comme hautement cancérogène cette matière largement utilisée dans l'industrie est la cause de nombreux décès. C'est par le port de Dunkerque que transitaient des tonnes d'amiante. Jusqu'au 13 mai 2017, les photos de Nanda Gonzague à la Halle aux Sucres de Dunkerque rendent hommage aux victimes.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1min
Exposition Nanda Gonzague "Une histoire française de l'amiante" à la Halle aux Sucres de Dunkerque 
 (Nanda Gonzague)

Des visages inquiets, des regards dans l'attente, des corps qui souffrent, des hommes et des femmes qui se réunissent autour d'un cercueil, les photos de Nanda Gonzague racontent  les ravages de l'amiante. Véritable témoignage d'une réalité encore prégnante, l'exposition "Une Histoire Française de l'Amiante" est présentée à la Halle aux Sucres de Dunkerque jusqu'au 13 mai 2017.

A l'occasion du vernissage de l'exposition, Pierre Pluta, président de l'association régionale des victimes de l'amiante raconte son histoire personnelle et explique l'ampleur du sinistre.


L'amiante en France aujourd'hui c'est 10 morts par jour


Reportage : M. Chauvin / G. Hayaert / F. Defrance

Dunkerque : un lieu porteur de sens 

L'exposition présentée à Dunkerque résonne fortement dans cette ville du Nord où les dockers et personnels portuaires de manutention déchargeaient sans protection les sacs de minerai importés de Russie, du Canada, du Brésil.

70% de l'amiante utilisée en France passait le port de Dunkerque

Port de Dunkerque
 (Nanda Gonzague)

Le photographe Nanda Gonzague a capté les visages de ces milliers de victimes pour raconter une tragédie sanitaire et sociale car ce sont, en majorité, les ouvriers qui ont trinqué. "Le fait de pouvoir mettre des visages, des noms des quartiers ou des sociétés qui peuvent être responsables ça permet de comprendre et surtout de ne pas oublier", souligne un jeune visiteur. 

"Une histoire française de l'amiante" exposition à la Halle aux sucres de Dunkerque
 (Nanda Gonzague)

Face au silence assourdissant des autorités, des medias, des politiques, j'ai souhaité, à travers ce projet, mettre ne lumière les territoires, ainsi que ceux et celles, jusque-là invisibles,  qui ont payé 

Nanda Gonzague - Photographe

Funèbre portrait  

Les photos de Nanda Gonzague portent en elles le drame que rencontrent les familles du bassin minier. Ces hommes et ces femmes ont accepté d'être photographiés pour témoigner et donner un visage aux victimes anonymes. Il y a Jean-Pierre Ignace, ancien des chantiers de France, assis au bord d’un lit respirant à l'aide d'un masque à oxygène, puis Roger Monteyne, ex-docker, qui pose sur le quai où il déchargeait l’amiante du Borodine en provenance de Russie ou encore un groupe de personnes autour d'une tombe.
  (Nanda Gonzague)

A Dunkerque, les jeunes comme les moins jeunes vivent avec cette réalité mais cherchent surtout à diffuser la mémoire. "Je me sens comme porteuse d'informations, c'est très important de transmettre aux plus jeunes", raconte une étudiante lors de la visite.
  (Nanda Gonzague)

Un compagnon de route bien meurtrier

Réalisé dans le cadre de la mission photographique "La France Vue d'Ici", ce projet tente de mettre en lumière une part de l'histoire industrielle française qui aura coûté bien plus qu'elle n'a rapporté. Selon le rapport de la mission d’enquête du Sénat rendu public en 2005 "L'amiante est devenu le compagnon de route du développement industriel, de la France de l'avant-guerre jusqu'à la fin des Trente Glorieuses."
  (Nanda Gonzague)

Les anciens ouvriers ou dockers qui manipulaient l'amiante dans leur travail sont morts ou meurent de mésothéliome, le cancer de la plèvre caractéristique de l’amiante. Leurs proches, femmes et enfants sont eux aussi victimes de l’amiante, juste pour avoir respiré la poussière blanche ramenée de l’usine à la maison sur les vêtements, les cheveux ou les chaussures des ouvriers. 

Une tueuse silencieuse 

Si l'année 2016 marque le vingtième anniversaire de l'interdiction de l'amiante en France, il n'en reste pas moins que le désastre sanitaire laissé par la fibre tueuse est effarant.  Aujourd'hui, le travail documentaire du photographe Nanda Gonzague cherche à dénoncer ce scandale quelque peu étouffé par d'autres affaires. "J’avais travaillé sur l’amiante dans la vallée de la Vère, à la limite du Calvados et de l’Orne. Et il y a deux, trois ans, le projet La France vue d’ici s’est mis en place. On m’a proposé d’y collaborer. C’était l’occasion pour moi de reprendre le travail commencé dix ans plus tôt, et vingt ans après l’interdiction de l’amiante en France.", raconte le photographe à la Voix du Nord.
 

  (Nanda Gonzague)
 L'Institut national de Veille Sanitaire indique que l'amiante a déjà fait entre 61 000 et 118 000 morts entre 1995 et 2009. D'ici 2030, on annonce pas moins de 100 000 décès des conséquences de l'amiante en France. Aujourd'hui encore, des victimes ou les familles des personnes décédées à cause de l'amiante manifestent leur souffrance. Des marches sont régulièrement organisées à Dunkerque pour demander un procès au pénal.
Manifestation des victimes de l'amiante
 (PHOTOPQR/VOIX DU NORD)

Les dégats de l'amiante

Fibre cancérogène interdite en France depuis le 1er janvier 1997, l’amiante est responsable, selon les autorités sanitaires, de 10 à 20 % des cancers du poumon et de 85 % des mésothéliomes (cancers de la plèvre). Dans l’Hexagone, depuis décembre 2004, 40 500 personnes sont mortes de cancers liés à une contamination par l’amiante. Selon l’Ardeva, 3 000 personnes succombent chaque année aux suites de cette contamination qui ne se déclarent que des années après être survenue. Et l’amiante pourrait provoquer jusqu’à 100 000 décès d’ici 2025.

Les photos de Nanda Gonzague sont également présentées au public  du 23 mars au 15 avril  2017 à la Maison des Métallos, Paris (extrait de la série amiante) et  du 24 mai au 11 juin 2017dans le cadre du Festival ImageSingulières à Sète. 

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