Mort du Malien Malick Sidibé, l'un des grands photographes africains
Malick Sidibé "luttait contre la maladie" qui l'a emporté jeudi soir, a indiqué à l'AFP son neveu Oumar Sidibé, sans autre précision. "C'est une grande perte pour le Mali. Il faisait partie de notre patrimoine culturel. C'est un deuil qui nous frappe", a déclaré à l'AFP la ministre malienne de la Culture N'Diaye Ramatoulaye Diallo, qualifiant le photographe de "grand homme de talent". "En collaboration avec la famille, nous organiserons les funérailles. Le président de la République, le Premier ministre, le gouvernement, tout le Mali est véritablement en deuil", a-t-elle ajouté.
L'un des plus grands portraitistes
Malick Sidibé est un des photographes maliens les plus connus à l'étranger, avec Seydou Keïta, considéré comme un des plus grands portraitistes de la seconde moitié du XXe siècle, premier artiste africain exposé seul au Grand Palais, à Paris, pour une rétrospective jusqu'en juillet."Malick Sidibé est un grand. Il a documenté la vie bamakoise, avec des photos qui ont une valeur incontournable", a rappelé Samuel Sidibé, directeur du musée national de Bamako et délégué général de la Biennale africaine de la photographie, où l'artiste avait été mis en l'honneur dès la première édition de l'événement, en 1994."
Il aidait les gens de sa communauté, il était très sociable. Nous perdons vraiment une boussole", a ajouté Samuel Sidibé."
"C'est le doyen Sidibé qui m'a acheté mon premier appareil photo. Il m'a beaucoup aidé", a raconté à l'AFP Boubacar Diallo, photographe à Bamako. "Avec la mort du doyen, le monde de la photo a perdu un baobab."
"Témoin de l'effervescence de l'indépendance de son pays, parmi les jeunes gens épris de musique, Malick Sidibé a photographié les fêtes et les joies à Bamako", a souligné la ministre française de la Culture Audrey Azoulay.
L'oeuvre de Malick Sidibé avait été récompensée par le Lion d'Or à la Biennale de Venise, les prix Hasselblad (Suède) et de l'ICP (Centre International de la Photographie, New York), entre autres.
Né en 1936, Sidibé fréquente au cours de ces années 1960 tous les clubs et les soirées de danse. Il accompagne les jeunes le week-end au bord du fleuve Niger. "De ses photos se dégage une insouciance et une spontanéité, une ambiance de fête, de jeux, de rire… de vie", explique André Magnin, son agent parisien. Et de poursuivre : "Les jeunes découvrent les danses venues d’Europe et de Cuba, s’habillent à la mode occidentale et rivalisent d’élégance. Ses images pleines de vérité, instantanés du quotidien, du familial, des loisirs, mettent en évidence une grande complicité entre le photographe et ses sujets qui achèteront ensuite ces photos souvenirs."
Pour Olivier Sultan, fondateur du musée des Arts derniers, "le grand Malick Sidibé a refermé sa boîte noire". "Un angle, le choix d'une position, un clin d'oeil complice, le sourire aussi, et, en une seconde, le portrait d'une vie était dans la boîte", résume Olivier Sultan sur Facebook. "Tous avaient leur place dans son Studio, du musicien au paysan, des soeurs jumelles aux 'apprentis fumeurs', venus de loin pour se faire tirer le portrait avec leur première cigarette, étonnés de leur propre audace", poursuit-il.
A travers les photos prises dans son studio (Studio Malick) au cours des années 1950 et 1960, il a livré un travail remarquable sur "une période importante de l'histoire africaine, qui fut une étape d'émancipation, de bouleversements culturels, de fierté et d'espoir pour l'avenir", avait souligné le jury PhotoEspaña en lui attribuant son prix en 2009. "Tu n'imagines pas pouvoir parvenir jusque-là quand tu viens d'un petit village et sans être jamais allé à l'école", avait réagi à Madrid Malick Sidibé à l'annonce de ce prix.
"Il reste un modèle pour nous. C'était un homme pieux, qui est resté malgré son succès très modeste", a déclaré son neveu à l'AFP.
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