Paris il y a un siècle : la Cité de l'architecture expose les magnifiques autochromes d'Albert Kahn
La Cité de l'Architecture propose une promenade dans Paris il y a un siècle, une ville toute en couleurs telle qu'on ne la voit jamais, grâce aux photos et aux films des Archives de la Planète d'Albert Kahn.
La Tour Eiffel, la Seine et ses péniches, les quartiers populaires, les transports chaotiques, c'est un formidable panorama de Paris au début du XXe siècle, en couleur, que présente la Cité de l'Architecture, avec une large sélection de films et d'autochromes, ces très belles photos aux couleurs douces et au grain si particulier, issus des Archives de la Planète d'Albert Kahn (jusqu'au 11 janvier 2021).
En 1909, Albert Kahn (1860-1940), banquier humaniste français, lance son programme d'Archives de la Planète : il envoye dix opérateurs à l'assaut du monde pour produire une œuvre documentaire qui se veut totale et universelle. En plus de vingt ans, sous la direction du géographe Jean Brunhes, ils réalisent aux quatre coins du monde un ensemble formidable de 72 000 images fixes en couleur, 4 000 plaques stéréoscopiques et une centaine d'heures de films noir et blanc. Pour la couleur, ils choisissent l'autochrome, le premier procédé photographique couleur produit industriellement, à base de fécule de pomme de terre.
Paris est un de leurs grands sujets, avec 5 000 autochromes, 90 000 mètres de films et 200 plaques stéréoscopiques. Et pourtant, ces images ont peu été montrées (un tiers des plaques seulement ont été traitées pour pouvoir être vues). La Cité de l'architecture et du patrimoine offre enfin l'occasion de voir un formidable panorama de la ville, à la fois intemporelle et en pleine mutation, que les Archives de la planète ont fixée au début du XXe siècle.
Monuments
Le fonds Albert Kahn comprend de nombreuses images de monuments comme la Tour Eiffel ou l'Opéra. Elles étaient souvent prises tôt le matin, quand il n'y avait personne dans le paysage, en raison des temps de pose importants. Des vues frontales qui paraissent intemporelles mais on remarquera ici, au fond, derrière les pieds de la Tour Eiffel, l'ancien palais du Trocadéro avec ses deux tours, construit pour l'exposition universelle de 1878 et détruit en 1935 pour laisser la place à l'actuel palais de Chaillot.
La Seine, un personnage central
La Seine est un personnage central de Paris, abondamment photographié par les opérateurs d'Albert Kahn qui en livrent souvent des images poétiques. Avec ses lumières, les reflets dans l'eau, elle leur donne l'occasion d'un regard autant artistique que documentaire, même si les centaines de péniches qui viennent alimenter la capitale lui confèrent un rôle économique de première importance. Ses crues spectaculaires attirent par ailleurs les badauds qui viennent se masser sur les quais pour voir les arbres sous l'eau et les ponts à moitié engloutis.
Paris dans la guerre
Un certain nombre d'images des Archives de la Planète rendent compte du contexte de la Première Guerre mondiale : des empilements de sacs de sable et des structures de bois protègent les portails de Notre-Dame, des compositions de papier gommé posé sur des vitres pour éviter les projections en cas d'explosion font penser à des décorations. Et cette image insolite de la place de la Nation où le Triomphe de la République enseveli sous des sacs transforme la sculpture de Jules Dalou en œuvre contemporaine ou en tombeau antique.
Paris est une fête
Les Archives de la Planète s'intéressent aussi à la vie des Parisiens. Sur certaines vues, Paris peut paraître déserte. C'est que les longs temps de pose font disparaître les passants, ou ne les laissent subsister qu'à l'état d'étranges fantômes. Les films corrigent cette impression et nous révèlent une ville trépidante, qui vit au rythme des fêtes foraines, des bals du 14 juillet, des courses de porteurs de journaux. On se bouscule au défilé de la mi-carême à une époque où la tradition populaire du carnaval existe encore.
Des transports chaotiques
Les films montrent aussi une ville où les moyens de transports anciens, charrettes à bras, calèches et omnibus tirés par des chevaux cohabitent avec des véhicules modernes, tramways, autobus et automobiles, en l'absence de toute signalisation. La circulation est tellement chaotique et dangereuse que le croisement de la rue du faubourg Montmartre et du boulevard a été baptisé le "carrefour des écrasés". Cette image est extraite d'un film de 1929 tourné par Camille Sauvageot, un des premiers films en couleur.
Une ville colorée
On a tendance à imaginer Paris au début du Xxe siècle en noir et blanc. C'est une ville extrêmement colorée que nous révèlent les autochromes des Archives de la Planète. Les publicités, placardées ou peintes, couvrent des murs entiers. Les façades de cafés, d'ateliers, de commerces sont souvent vertes, rouges.
Un vieux Paris qui disparaît
De nombreux quartiers du "Vieux Paris" sont menacés. Les opérateurs d'Albert Kahn ont mené un travail de mémoire et jeté un regard nostalgique sur les ruelles étroites et sombres, les cours et les échoppes de ce Paris populaire amené à disparaître. Alors que la tuberculose fait des ravages, des enquêtes sanitaires sont menées par la préfecture qui répertorie le nombre de morts par immeuble et déclare des ilôts insalubres. Ici, les photographes font poser un groupe d'enfants dans la cour du Dragon (6e arrondissement), également immortalisée par Eugène Atget.
Maisons closes
Autre sujet de préoccupation sanitaire, la syphilis suscite des débats sur la prostitution et sur la fermeture des maisons closes, qui sera ordonnée finalement en 1946 par la loi Marthe-Richard. Les opérateurs d'Albert Kahn ont mené en 1920 un reportage exceptionnel sur les "maisons borgnes", saisissant 70 façades reconnaissables à leurs lanternes ou à leurs numéros et filmant les filles qui racolent depuis leur fenêtre.
Paris et ses limites
La question du Grand Paris ne date pas d'aujourd'hui. La ville n'a cessé de s'étendre et de s'interroger sur ses limites et l'amélioration de la circulation vers la périphérie. Les fortifications de Thiers n'ont pas suffi à protéger la capitale lors de la guerre de 1870 et vont commencer à être démolies en 1919. Les Archives de la Planète s'y sont intéressées, immortalisant les jardins ouvriers installés au pied des "fortifs", la zone des chiffonniers et enfin les travaux de démolition de l'enceinte et la construction des "habitations à bon marché" (HBM), les immeubles en brique édifiés sur les terrains ainsi libérés.
Paris 1910-1937, promenades dans les collections Albert-Kahn
Cité de l'architecture et du patrimoine
Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16e
Tous les jours sauf le mardi, 11h-19h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h
Tarifs : 9 euros / 6 euros
Du 16 septembre 2020 au 11 janvier 2021
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