Paris Photo 2024 : la photographie se raconte en trois livres à découvrir absolument

De l'autofiction en image au catalogue d'une grande collection, en passant par le choix de Laure Adler et ses femmes photographes, visite du rayon librairie de Paris Photo.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Photographie de Gianni Berengo-Gardin issue de « Regards. Un siècle de photographie, de Brassaï à Martin Parr. Chefs-d‘œuvre de la collection Fnac. » (GIANNI BERENGO-GARDIN)

Paris Photo va accueillir au Grand Palais à Paris du 7 au 10 novembre, des milliers de photographies, tous styles et genres confondus, avec plus de 200 exposants dont 147 galeries. Comme à chaque édition, et ce sera cette année la 27e, le livre photographique prend une part importante dans les galeries et les travées. Voici trois ouvrages à découvrir à cette occasion. 

1 "Les femmes photographes sont dangereuses" de Laure Adler

Elles sont 69 femmes photographes que Laure Adler présente et raconte dans cet ouvrage. Et comme une leçon d'histoire, dans son introduction, elle cite Louis Daguerre, l'un des précurseurs de la photographie. Nous sommes en 1838. Il déclare : "Quoique le résultat s'obtienne à l'aide de moyens chimiques, ce petit travail pourrait peut-être plaire beaucoup aux dames". Laure Adler poursuit : "le problème, c’est qu'au grand dam de certains de ces messieurs (...) les femmes n'ont jamais fait joujou avec la photographie, elles l'ont prise au sérieux dès ses débuts.".

Couverture de "Les femmes photographes sont dangereuses" de Laure Adler et Clara Bouveresse. (FLAMMARION)

Dans Les femmes photographes sont dangereuses, on croise Agnès Varda, Lee Miller, Tina Modotti ou Sarah Moon, parmi les connues. Mais nous pouvons aussi découvrir Letizia Battaglia, qui dès les années 70, documente courageusement les meurtres de la mafia, elle "portraitise" les veuves de cette guerre et témoigne en image de la souffrance, jusqu'à afficher ses photos dans les rues du fief mafieux de Corleone. "Courageuse", dit Laure Adler.

Autre exemple, Ouka Leele, qui revendique le brouillage des genres. L'artiste espagnole est à la photographie ce que Pedro Almodovar est au cinéma. Avec ses photographies rehaussées par l'aquarelle, elle crée une galerie d'images criardes, saturées et kitsch qui racontent l'Espagne d'après Franco.

Photographie d'Helen Levitt en 1980 à New York issue de "Les femmes photographes sont dangeureuses" (HELEN LEVITT)

Des femmes photographiées par Helen Levitt dans les années 80, Laure Adler écrit : "Dans les rues délabrées, accroupies ou sautillantes, leurs silhouettes gracieuses esquissent une danse improvisée."

En 69 portraits, ainsi se dessine une belle équipe de femmes artistes, pas tout à fait invisibilisées mais que Laure Adler présente comme des combattantes.

"Les femmes photographes sont dangereuses", Laure Adler et Clara Bouveresse aux éditions Flammarion, 158 pages 29,90 euros. 

2"Regards. Un siècle de photographie, de Brassaï à Martin Parr. Chefs-d’œuvre de la collection Fnac"

Le titre est long et l'ouvrage pèse son poids. Mais c’est une véritable encyclopédie de la photographie. La Fnac possède une grande collection de clichés. 1775 œuvres de 525 photographes. Ils et elles sont presque tous là, de ce XXe siècle, qui fut celui de la maturité de la photographie. De Brassaï à Martin Parr en passant par Koudelka, Cartier-Bresson, Marc Riboud, Tina Modotti, Berenice Abbott, Gisèle Freund, Raymond Depardon, Robert Doisneau, Jacques Henri Lartigue, Robert Capa. Du documentaire en noir et blanc ou en couleurs, une imagerie qui raconte le monde agité du siècle dernier.

Photographie de Brassaï issue de la Collection photo Fnac (BRASSAÏ)

Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume et commissaire de cet ouvrage, définit la collection ainsi : "Elle réunit des photographies d’auteurs qui se définiraient eux-mêmes, spontanément, comme photographes et non comme artistes : une collection de 'photographies de photographes' qui se situe dans le domaine de 'l’instantané' et non du 'conceptuel'".

Photographie de Josef Koudelka issue de la Collection photo Fnac (JOSEF KOUDELKA MAGNUM)

Les photographies s'accompagnent d'écriture. Des écrivains ont choisi une image et s'en sont inspirés pour un court texte qui pourrait être une nouvelle. Yasmina Reza dit de la photographie d’un couple dansant de Jerry Berndt en 1974 : "Je peux sentir l’étoffe épaisse de la robe, sans doute le léger relief". Monica Sabolo imagine les pensées de l’élégante si parfaite d’Henry Clarke en 1956, "Elle est seule, elle attend…". Yannick Haenel se promène dans les paysages de Toscane de Gianni Berengo Gardin, Carole Martinez suit la danse des regards et des corps de Janine Niépce. À voir aussi à l'occasion de Paris Photo.

"Regards. Un siècle de photographie, de Brassaï à Martin Parr. Chefs-d’œuvre de la collection Fnac", sous la direction de Quentin Bajac, éditions Gallimard.  45 euros, 304 pages, 250 illustrations.

3 Une autofiction en image : "Chambre 207" de Jean-Michel André

Il existe pour les photographes comme pour les romanciers, un genre : l'autofiction. Hervé Guibert en fut l'un des magnifiques auteurs. Nous pouvons aussi citer le plasticien Christian Boltanski ou Sophie Calle, sûrement la plus mystérieuse jouant avec les codes du genre. Jean-Michel André, photographe basé à Barcelone, au croisement du documentaire et des arts plastiques, avec Chambre 207, nous raconte son histoire, une histoire tragique.

Cet été-là, Jean-Michel André, enfant, part en vacances avec son père, sa nouvelle compagne et sa fille. Le 5 août 1983, ils font halte au Sofitel d'Avignon. Le père de Jean-Michel André est assassiné avec six autres personnes. Cela deviendra l'affaire du Sofitel. Le crime fera les gros titres de la presse en cet été-là. Il ne sera jamais complètement élucidé. 40 ans plus tard, Jean-Michel André compose un récit entre enquête journalistique, roman familial et travail de reconstruction, comme l'écrit Clement Cheroux dans un texte qui accompagne ce voyage intérieur en image. "Pourquoi ici et ce jour-là son père est-il mort ? Le mystère reste entier. Son père était-il visé ?".

Couverture de "Chambre 207" de Jean-Michel André aux Editions Acte Sud (ACTES SUD)

L'ouvrage rassemble des photographies de l'AFP à l'époque des faits, de planches contacts et fac similé des journaux. Ainsi l'enquête prend une teinte années 80. À ces images sépia du passé, Jean-Michel André adjoint ses propres photos d'enfance et celles qu'il a réalisées en revenant sur les lieux du crime.

 

Il parcourt les alentours et ses clichés passent du documentaire à la poésie, racontant l'enfant qui a perdu son père et ne saura jamais vraiment pourquoi. À côté d'un trousseau de clés de l'époque, un paysage de Camargue d'aujourd’hui disent cette quête de vérité. Et le photographe écrit : "Aujourd'hui, je retourne dans l’hôtel, transforme le tourment et réinvente la fin de l'histoire". 

Le livre photographique de Jean-Michel André a reçu, le 31 octobre 2024, le prix Nadar-Gens d'image 2024 avant l'ouverture du salon Paris photo 2024.

Les images de cet ouvrage sont actuellement exposées au Musée de l'Hospice Comtesse à Lille jusqu'au 2 février dans le cadre de l'exposition hors-les-murs de l'Institut de la Photographie

"Chambre 207" de Jean-Michel André, Actes Sud, 152 pages 39 euros

Paris Photo au Grand Palais à Paris du 7 au 10 Novembre.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.