: Reportage "J'ai pu toucher ces œuvres" : à Paris, une exposition photo pour malvoyants et non-voyants
Une exposition inclusive. Douze œuvres de photographes renommés sont présentées à Paris, à la Grande Halle de la Villette, du jeudi 14 novembre au mardi 19 novembre, à un public malvoyant et non-voyant, mais aussi voyant. Pour l'occasion, les photos sont imprimées en relief, pour être touchées, et sont accompagnées d'un texte en braille ainsi que d'une description audio. Chaque image fait aussi l'objet d'un tirage classique partiellement altéré pour illustrer différentes formes de déficiences visuelles. "World Unseen", le nom de cette exposition imaginée par Canon France, avec la Fédération des aveugles de France et Tactile studio, se veut accessible à tous.
"Je pense que j'aurai un souvenir très précis de cette exposition du fait d'avoir pu toucher ces œuvres", assure Lise Wagner, non-voyante, après avoir fait le tour des pupitres qui présentent les images. "Pour moi, le côté tactile de l'œuvre et le commentaire audio sont vraiment complémentaires, ajoute-t-elle. La représentation tactile, avec différentes textures et différents niveaux de relief, est essentielle puisque ça permet de distinguer vraiment les éléments prépondérants de la photo. Mais l'image tactile seule est très difficile à lire, puisqu'il nous manque évidemment la couleur, la lumière... Donc le commentaire audio est également vraiment essentiel."
"Ce n'est pas du tout le public habituel."
Stéphane Granzotto, photographeà franceinfo
Douze œuvres à toucher, imaginer, comprendre, "ça demande beaucoup d'attention, beaucoup de concentration", explique Lise. Si bien que la photo qui lui reste en tête est la dernière qu'elle ait touchée, celle d'une baleine qui émerge de l'eau. "Cette photo est facile à lire, avance Stéphane Granzotto, à l'origine du cliché. Le sujet est centré, il y a peu d'éléments qui composent l'image, donc elle est déjà facile à lire pour les voyants. Mais elle l'est aussi, en relief, pour les publics malvoyant et non-voyant."
Le photographe, connu pour ses images sous-marines, est très curieux du retour de Lise Wagner : "C'est émouvant parce que c'est donner la possibilité, à travers cette impression en relief, à des malvoyants non-voyants d'avoir une image mentale, de voir en quelque sorte ma photo. Et d'échanger sur ce que l'image fait chez ces personnes, c'est très fort."
"Une parfaite inclusion"
Cette expérience immersive est rendue possible grâce à Tactile studio, "une agence de design inclusif, qui rend accessible des objets au plus grand nombre", explique son fondateur Philippe Moreau. Pour lui, l'art de la photographie est particulièrement complexe à retranscrire, car "les effets de perspective sont des éléments les plus difficiles à comprendre pour un non-voyant." C'est pourquoi chaque pupitre comporte de l'audio, du braille et du relief. "Le tactile a l'avantage de présenter l'objet dans ses proportions, dans sa dimension", analyse Philippe Moreau, qui se félicite que la France est en avance en matière d'inclusivité.
"On essaye de composer avec une somme de petites touches tactiles, de sensations très fugaces et limitées à quelques centimètres carrés. Mais comprendre une photo, ce n'est pas seulement comprendre sa composition, c'est aussi comprendre l'âme qui en sort et c'est plutôt l'audio qui va donner cet aspect-là."
Philippe Moreau, fondateur de l'agence Tactile Studioà franceinfo
"On est dans la parfaite inclusion dans cette exposition", se réjouit Bruno Gendron, président de la Fédération des aveugles et des amblyopes de France. "Le grand public peut toucher les photos, ce qui lui arrive rarement, souligne-t-il, il y a aussi des photos reproduites avec des formes de déficiences visuelles, ce qui permet de montrer au grand public que la malvoyance n'est pas quelque chose d'uniforme, mais que c'est quelque chose de pluriel." La Fédération des aveugles et des amblyopes de France plaide, par la voix de son président, pour rendre la culture, et en particulier les arts visuels, encore plus accessibles.
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