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Sophie Calle à la Galerie Perrotin avec des tableaux "Dérobés"

Sophie Calle raconte depuis 20 ans des histoires en mots et en photographies. La galerie Perrotin à Paris présente "Dérobés", une exposition sur des oeuvres disparues des musées. Actes Sud publie simultanément "Voir la mer", catalogue d'une exposition du même nom : les photographies d'une quinzaine d'habitants d'Istanbul découvrant la mer pour la première fois.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Dérobés" Sophie Calle à la Galerie Perrotin
 (Laurence Houot / Culturebox)

Que reste-t-il des tableaux dans les musées quand ils ont étés dérobés ou prêtés? L'artiste Sophie Calle est allée voir. Elle a photographié les espaces laissés vavants et a demandé à ceux qui avaient cotoyé ces oeuvres d'en parler afin de s'en faire une idée. L'exposition "Dérobés", à la galerie Perrotin jusqu'au 11 janvier 2014, réunit deux séries : "Tableaux dérobés" et "Que Voyez-vous?", ainsi que "Le Major Davel".

« Que voyez-vous ? Le Concert. Vermeer. » 2013
	 
 (Sophie Calle / Adagp, Paris  Courtesy Galerie Perrotin, Paris )
"Le 18 mars 1990, six tableaux de Rembrandt, Manet, Flinck et Vermeer, cinq dessins de Degas, un vase et un aigle napoléonien furent dérobés au musée Isabella Stewart Gardner de Boston. Les cadres des peintures de Vermeer, de Flinck et de Rembrandt avaient été abandonnés sur place. En 1994, après restauration, ils furent à nouveau accrochés à l’emplacement qui leur revenait, délimitant ainsi l’absence. J’ai demandé aux conservateurs, aux gardiens et autres permanents du musée, ainsi qu’aux visiteurs, de me dire ce qu’ils voyaient à l’intérieur de ces cadres." Sophie Calle.

"Ce vide occupe mes cauchemars", explique cette femme devant le cadre vide du "Concert", ajoutant qu'elle espère toujours un coup de fil une nuit, qui lui annoncera le retour du tableau de Vermeer dérobé.

Calle donne une nouvelle vie aux tableaux

Certains ont vu ces tableaux parce qu'ils étaient leurs gardiens, d'autres sont conservateurs, d'autres de simples visiteurs. Ils en gardent un souvenir particulier. "C'était un Picasso très calme", dit l'un d'eux. (Tête, Picasso, 1928, dérobé le 3 janvier 1994 à la galerie Richard Gray à Chicago).

A travers leurs mots, c'est un nouveau tableau qui nait, transfiguré par leur regard et par l'empreinte qu'il a laissée dans leur mémoire. "Quand j'étais jeune, à Noël, un ami proche de la famille m'a offert des caramels dans une boîte en métal. Et, sur le couvercle, il y avait La tempête sur la mer de Galilée. C'est la première fois que je l'ai vu. C'était pour moi un objet précieux. Je l'aimais, vraiment, je l'aimais."

Sophie Calle, écrivain visuelle

Elle leur a demandé de regarder la mer. Souvent originaires de l'intérieur du pays, ces habitants d'Istanbul ne l'avaient jamais vue. Sophie Calle les a filmés (Caroline Champetier, à la direction de la photographie). Quand la personne se retourne, la caméra capte les émotions suscitées par cette première expérience.
"Voir la Mer", 2011 (extrait )  vidéo couleur sans son, durée 5’00
 (Adagp, Paris Courtesy Galerie Perrotin, Paris )
"Voir la Mer", 2011 (extrait ) vidéo couleur sans son, durée 5’00
 (Courtesy Galerie Perrotin, Paris)
Dans le livre, deux photos pour raconter chaque expérience : sur la première, la personne de dos contemplant la mer. Sur la deuxième, son émotion, de face. Pas de mots sinon cette phrase au début de l'ouvrage: "Je les ai emmenés sur les sur le rivage de la mer Noire. Ils sont arrivés sur la grève séparément, les yeux baissés, fermés ou masqués. J'étais derrière eux. Je leur avais demandé de contempler le large puis de se retourner vers moi afin de me renvoyer ce regard qui venait de voir la mer pour la première fois." Et à la fin du livre, la liste des personnes photographiées le temps exact de leur contemplation.
Voir la mer, Sophie Calle
 (Actes Sud)
Le livre est en petit format horizontal. Entre les photos, des feuilles de papier cristal bleues, ce papier translucide qui quand on tourne la page fait ce bruit si particulier des albums de famille. 

Actes Sud réédite également des versions enrichies de plusieurs ouvrages : "Retour de Berlin Est", où Sophie Calle part sur les traces du régime communisme disparu , "Histoires vraies", une série de textes et de photos en forme d'autobiographie et "Fantômes", dans lequel on peut retrouver les oeuvres visibles à la galerie Perrotin.  
 
Sophie Calle est autant écrivain que photographe. C'est pour cela que les livres sur son œuvre, édités avec soin par Actes Sud, sont des objets précieux. On peut s'attarder sur les images. Lire et relire ses textes. Bref, déguster les histoires de cette grande artiste singulière.
 
EXPOSITION
Sophie Calle, "Dérobés" 
Galerie Perottin, 76 rue de Turenne, Paris 3e
Jusqu'au 11 janvier 2014

LIVRES
Voir la mer Sophie Calle (Acte Sud/Beaux Arts/Hors Collection – 26 Euros)
Des histoires vraies Sophie Calle  (Acte Sud/Beaux Arts/Hors Collection –18 Euros)
Souvenirs de Berlin-Est Sophie Calle  (Acte Sud/Beaux Arts/Hors Collection –19 Euros)
Tous les livres de Sophie Calle chez Actes Sud


L'Atelier de Sophie Calle, Vincent Josse, France Inter

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