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Visa pour l'image : les femmes réfugiées dans l'objectif de Marie Dorigny

Pour les femmes réfugiées, les routes de l'exil constituent une double peine. Elles vivent les mêmes difficultés que les hommes, mais sont en outre exposées aux violences sexuelles, à la prostitution. La photographe Marie Dorigny les a suivies et présente son travail, tout en sensibilité, au festival Visa pour l'image de Perpignan (du 27 août au 11 septembre 2016).
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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A Visa pour l'image (Perpignan), Marie Dorigny présente ses photo de femmes réfugiées
 (Raymond Roig / AFP)

"J'ai voulu montrer la difficulté d'être femme et mère. Il y a les risques de viol, les trafics pour les réseaux de prostitution. Et elles sont souvent enceintes, font des fausses couches ou accouchent prématurément. Comment  ensuite allaiter, s'occuper d'un bébé au milieu d'un camp de 1.500 personnes ?",  s'emporte la photoreporter française.
 
Sa série en noir et blanc, intitulée "Displaced - Femmes en exil", est issue d'une commande du parlement européen pour illustrer la crise actuelle des migrants à travers les difficultés rencontrées par les femmes réfugiées et notamment celles en provenance de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan. Les femmes et les enfants constituent plus de la moitié des populations  migrantes, un record.

Lesbos. Une jeune volontaire grecque réconforte une réfugiée irakienne. Enceinte et en état de choc après la traversée en bateau depuis la Turquie, elle a fait un malaise à son arrivée sur la plage.
 (Marie Dorigny / MYOP pour le Parlement européen 2016)


A Lesbos et en Allemagne

Marie Dorigny s'est rendue en décembre 2015 sur l'île grecque de Lesbos, puis à la frontière macédonienne et enfin dans des foyers en Allemagne. "Elles sont hébétées, elles ne savent pas où elles sont. Elles ont bien  conscience qu'elles ne sont pas les bienvenues en Europe. On leur dit : 'On ne  veut pas de vous'. Elles sont dans un état de sidération."
 
"Les flux (de migrants) sont différents, les réponses sont différentes",  explique de son côté Françoise Sivignon, présidente de l'ONG Médecins du Monde  (MDM) lors d'une table ronde sur les femmes migrantes dans le cadre de la 28e édition du festival international de photojournalisme, qui se tient jusqu'au 11  septembre. Par exemple, dans l'immense camp de migrants de Calais, où survivent entre  7.000 et 9.000 personnes, "on a mis en place un dispositif qui est normalement  réservé à des zones de conflit".
 
Quand elles arrivent au bout du voyage, les femmes migrantes ont une "santé mentale dégradée", poursuit-elle. "Elles ont besoin de décrire les violences, les tortures. Et en même temps, c'est très intime, très compliqué."
Hotspot de Moria, Lesbos, Grèce. C'est là que se trouve le premier point d'enregistrement des réfugiés à leur arrivée en Europe. C'est là également que s'opère le premier tri entre les différentes nationalités. L'attente pour les formalités d'enregistrement est longue. Les familles doivent faire la queue durant des heures.
 (Marie Dorigny / MYOP pour le Parlement européen 2016)


Visages fermés, regards inquiets

Marie Dorigny montre ensuite une de ses photos : "Cette femme est enceinte, elle s'est évanouie sur la plage", juste après son arrivée, au terme d'une éprouvante et dangereuse traversée de la mer Egée à bord d'un canot  pneumatique. Elle est réconfortée par une jeune volontaire grecque qui la tient  dans ses bras.
 
Puis la photoreporter se tourne vers le cliché d'une vieille femme, le visage très marqué, son frêle corps enroulé dans une couverture de survie.  "Elle n'était jamais sortie de son village de montagne, elle a 83 ans. Vous  imaginez votre grand-mère dans cette situation ?".
 
Sur une autre photo, des femmes derrière le grillage d'un centre d'enregistrement de Lesbos. Les visages sont fermés, les regards inquiets.  Elles attendent de savoir si elles seront acceptées sur le sol européen.
 
Inévitablement, ces images poignantes en appellent d'autres, le passé refait surface. "Ma mère est partie en exode devant les Allemands en 1940, j'ai pensé à cela pendant tout le reportage. Ma mère en a été traumatisée toute sa  vie", se souvient Marie Dorigny. "Je me demande comment vont être ces femmes et ces enfants". Quand l'Europe  ferme ses frontières, "on rajoute à la maltraitance, j'ai honte. C'est terrible  de voir l'Histoire se répéter et de se dire qu'on n'est pas à la hauteur".

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