Plantu se vend pour la Paix : interview
Culturebox : Pourquoi cette vente ?
Jean Plantu : Ça fait suite à une exposition qui a eu lieu pendant deux mois à la galerie Agnès B. Elle voulait montrer mon travail sur les élections présidentielles. Chaque jour un coursier apportait un nouveau dessin pour l’accrocher dans la galerie.
Tous ces originaux ont fait réagir. Du coup j’ai pensé à l’association que j’ai créée avec kofi Annan, « Cartooning For peace-dessin pour la paix ». Cette association mélange des dessinateurs juifs, chrétiens, musulmans, de tous les continents. Là où les hommes politiques n’arrivent pas à dialoguer, nous dessinateurs, nous arrivons à jeter des ponts avec les autres cultures, avec les quatre religions. Sans humilier inutilement les croyants, on veut être dérangeants, impertinents. On nous demande tous les jours des expositions à Istanbul, Atlanta, Tunis, Rabat, Lima. C’est un travail considérable, je ne peux pas tout suivre.
On a une équipe avec des permanents qui aident les dessinateurs. Par exemple à Lima, on va retrouver une dessinatrice vénézuélienne qui s’appelle Raîma, qui va nous faire partager les difficultés qu’elle rencontre à Caracas quand elle essaye de se moquer d’Ugo Chavez. On a fait venir en France le dessinateur Ali Ferzat, pour qu’il puisse témoigner, savoir pourquoi on lui a brisé les doigts à coup de marteau.Tout ça demande des moyens, c’est la raison pour laquelle on n’a pas hésité à demander à la maison d’enchères Piasa d’organiser la vente de 150 dessins. Il faut tendre la main à ces dessinateurs courageux et les aider dans l’urgence.
Comment s’est faite la sélection des dessins ?
En 40 ans au journal le monde j’ai accumulé 19 000 dessins. Dans tous ces originaux on en a ressorti de très vieux ; l’époque Giscard, un dessin qui représente la première campagne de 74 des écologistes, avec René Dumont, la campagne Balladur de 95, la trahison de Sarkozy, la campagne de 2002 avec l’arrivée de Le Pen. Ces moments historiques ne m’appartiennent pas vraiment, ils appartiennent aux lecteurs du monde. Le Commissaire priseur a mis des prix très bas, 150 euros pour certains dessins. Je trouve ça vraiment sympathique de voir des gens repartir heureux avec mes dessins.
Quel était l’objectif premier de « Cartooning for Peace » ?
L’association a été créée quand il y a eu une Fatwa contre les dessinateurs Danois qui avaient osé faire une caricature du prophète. Il fallait qu’on puisse les défendre, quelque soit leur religion. S’il y a un connard en haut de son minaret qui fait l’apologie de l’excision des femmes, c’est mon boulot, c’est du terrestre. C’est un gros connard qui pourrit la vie des femmes. A partir de là on s’est dit qu’il fallait faire vivre la liberté de penser. Sinon ce qui arrive aux dessinateurs, arrive ensuite aux journalistes, et à tous les citoyens du monde.
Vous même, faite l’objet d’une plainte d'une organisation proche de traditionalistes catholiques, scandalisée par un dessin ( datant de 2010), qui mettait en scène le pape Benoît XVI sodomisant un enfant ?
C’est un dessin où je me moque du Vatican sur un sujet qui a été tu pendant des dizaines d’années. Le boulot des dessinateurs c’est un peu de venger tous ces enfants qui ont été violentés. C’était une blague au départ. Mais aujourd’hui les religieux extrémistes des différentes religions savent très bien utiliser le Web. Ils ont manipulé les gens pour dire que j’avais voulu faire passer le pape pour un pédophile. Alors que si je pensais vraiment qu’il l’était j’aurais fait 300 dessins, jusqu’à ce qu’il quitte le Vatican. Il ne faut pas tomber dans le piège de ces gens qui manipulent l’opinion, c’est pour ça qu’on a créé "Cartooning for Peace".
Expositions publiques au Monde:
Lundi 4 juin de 14H à 18H
Mardi 5 juin de 10H à 18H
Mercredi 6 juin de 10H à 18H
Au siège du journal Le Monde, 80 Bd Auguste Blanqui - 75013 Paris
Vente Mercredi 6 juin 2012 à 19H par la maison d’enchères Piasa
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