Rouen : le musée des Beaux-Arts recherche toujours les propriétaires de neuf tableaux volés sous l'Occupation, "un acte de justice nécessaire"
En attendant de retrouver leurs propriétaires, le musée des Beaux-Arts de Rouen expose neuf tableaux spoliés ou achetés frauduleusement pendant l'Occupation.
2000, c'est le nombre (approximatif) d'oeuvres d'art spoliées pendant l'occupation allemande et qui n'ont toujours pas retrouvé leurs propriétaires. C'est finalement peu quand on sait qu'au départ, ce sont près de 100 000 d'œuvres qui ont été confisquées à des familles juives visées par les lois raciales instaurées par l'Allemagne nazie.
Ces 2000 oeuvres ont été mises en dépôt dans les musées français, musées nationaux ou musées de région. Ils n'en sont pas propriétaires, disons plutôt qu'ils en ont la garde. Une loi les "oblige" à les exposer pour donner un accès maximal à d'éventuels héritiers.
Le musée des Beaux-Arts de Rouen garde ainsi neuf de ces 2000 oeuvres "orphelines" tout en poursuivant des recherches actives pour retrouver les propriétaires. Des tableaux exposés et signés de grands artistes : Claude Monet (4), Othon Friesz, (1), Armand Guillaumin (1), Stanislas Lépine (1), Jean-Baptiste Camille Corot (1) et Théodore Géricault (1).
Chaque tableau est accompagné d'un récit qui raconte une trajectoire souvent chaotique. Achetés par des particuliers, les tableaux sont parfois légués, prêtés pour des expos, rachetés par des marchands qui les ont ensuite revendus aux Allemands...
Pillage organisé
Durant la Seconde guerre mondiale, c'est un véritable pillage du patrimoine artistique qui a été organisé par l'occupant allemand et le gouvernement de Vichy. Une entreprise qui servait un des projets phare d'Hitler : créer un grand musée de l'art européen, à Linz, en Autriche.
Ce pillage touchait principalement les Juifs et concernait aussi bien les oeuvres d'art que les manuscrits, les meubles, les droits d'auteur... Dès 1940, les galeries et les collections privées détenues par des Juifs sont visées. Puis c'est au tour des appartements, laissés vacants par des occupants déportés ou en fuite, d'être pillés.
Sur les 100 000 oeuvres d'art spoliées, 60 000 ont pu être récupérées à la fin de la guerre, en l'Allemagne. C'est Rose Valland, conservatrice de musée et résistante française (dont George Clooney a raconté le combat dans son film Monuments Men) qui a supervisé cette collecte à travers toute l'Allemagne avant de les faire rapatrier à Paris.
"Dans les années qui vont suivre, on va restituer 45 000 oeuvres aux propriétaires ou aux familles des propriétaires quand celles-ci ont disparu, ce qui fut malheureusement souvent le cas" confie Diederik Bakhuÿs, le conservateur au musée des Beaux-Arts de Rouen.
Un "acte de justice nécessaire"
Retrouver les propriétaires de ces tableaux est un travail de fourmi. Il faut fouiller les archives publiques, allemandes, américaines ou françaises, les archives des galeries privées, les procès verbaux des ventes aux enchères, faire appel à des généalogistes et des notaires...
Pour Diederik Bakhuÿs, "on poursuit l'objectif d'identifier les propriétaires ou les descendants ou les héritiers légitimes. C'est une espèce d'acte de justice nécessaire."
On ne désespère pas de retrouver les légitimes propriétaires même si les chances d'y arriver s'amenuisent d'année en année.
Diederik BakhuÿsConservateur musée des Beaux-Arts de Rouen
Pour faciliter l’identification des œuvres et leur restitution aux ayants droit qui en font la demande, la base de données Rose-Valland répertorie toutes les oeuvres siglées MNR.
Six des neuf tableaux (détails) exposés à Rouen
Les trois dernières :
Jean-Baptiste Camille Corot, Les Quais marchands de Rouen ou l’Avant-port de Rouen, 1834 (voir plus haut dans l'article)
Théodore Géricault, Le Retour de la course ou Char antique, premier quart du XIXe siècle
Armand Guillaumin Madame Guillaumin cousant, 1888
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