"S'habiller pour l'école" : l'histoire fascinante du vêtement des élèves racontée au Musée national de l'Éducation à Rouen
Au coeur de Rouen, dans la jolie rue Eau de Robec, au 185, se trouve une belle bâtisse à colombages typiquement normande qui abrite le Musée national de l'Education sur trois étages. Conservant près de 950 000 oeuvres et objets en lien avec l'éducation et l'enfance depuis la Renaissance, le musée possède la plus grande collection de patrimoine éducatif en Europe.
Pendant de longues années, les équipes du musée ont travaillé d'arrache pied en sélectionnant 250 objets et documents patrimoniaux et contemporains pour présenter une exposition riche et passionnante sur l'histoire et la place du vêtement scolaire à travers les époques. Les blouses des élèves et des professeurs, les quelques uniformes portés sous la IIIème République, la mode marine ou "british", mais encore la place du vêtement à l'école républicaine et laïque et au sein même de la société. Tout y passe. Ponctuée par des citations de l'écrivaine et prix Nobel de littérature Annie Ernaux et de l'écrivain et journaliste Jules Vallès qui au 19e siècle a beaucoup décrit son expérience d'écolier, cette exposition est à la fois un bond dans le passé et un pas vers l'avenir. Elle est au coeur des questionnements sociétaux actuels : le genre, l'uniforme, la laïcité ou encore l'apprentissage par le vêtement.
Etre écolier
L'élève évolue dans son groupe d'amis et dans sa classe, l'apparence s'avère donc cruciale surtout lors de l'adolescence. L'établissement scolaire devient alors un lieu idéal pour exprimer son style, se distinguer ou au contraire, pour intégrer un groupe. Pourtant, l'institution intègre très peu ces questions dans ses contenus pédagogiques.
L'écrivain Alphonse Daudet témoignait dès 1868 dans Le Petit Chose : "Ce qui me frappa d'abord, à mon arrivée au collège, c'est que j'étais le seul avec une blouse. A Lyon, les fils de riches ne portent pas de blouses, il n'y a que les enfants de la rue, les gones comme on dit". A la fin du 19e et au début du 20e siècle, les habits des grands magasins étaient destinés aux familles les plus aisées à cause de leur coût. Dans les familles plus populaires, les vêtements se prêtaient et avaient plusieurs vies. C'est à partir des années 1960 que le prêt-à-porter se développe et devient plus accesible. Dans cette même décennie, la mixité arrive dans les écoles et influence les looks des écoliers. Le pantalon fait son apparition dans la garde-robe des filles, jusqu'alors interdit, sauf en cas de grand froid sous une jupe. Le style des professeurs, autrefois habillés de costumes et vêtements très soignés, se rapproche de plus en plus de celui des élèves avec des tenues plus décontractées.
Le calendrier scolaire est scruté par l'industrie de la mode, notamment la rentrée des classes, pour proposer des nouveaux modèles qui seront les looks en vogue par la suite. L'arrivée de matières plus synthétiques facilitent l'entretien des habits et met de côté les blouses des écoliers pour laisser la place à des tenues plus personnalisées. Lors du confinement au printemps 2020, les élèves ont été chamboulés : loin du regard des camarades, des professeurs et des règles de vie commune, les habitudes vestimentaires ont changé. Le confort a primé.
L'école s'en mêle
Dans l'inconscient collectif, le vêtement de l'écolier est souvent associé à l'uniforme. Rarement porté dans les établissements scolaires français, à l'exception des lycéens internes sous la IIIe République, l'uniforme n'est pas imposé dans les "lois Ferry" de 1881 et 1882. Cependant, dans certaines écoles d'outre-mer et dans l'école des demoiselles de la Légion d'honneur, les élèves portent l'uniforme à l'anglaise.
L'école reste un lieu de vie collectif où l'hygiène est primordiale. Le port de la blouse tout au long de la journée était alors essentielle à partir des années 1880 pour participer aux différentes activités. La crise du Covid-19 en 2020 a remis les questions d'hygiène au centre des préoccupations, notamment avec le port du masque, obligatoire pendant des mois.
Depuis 1882, la laïcité fait partie des grands principes de l'école publique mais un siècle plus tard, en 1989, l'affaire de Creil ouvre le débat sur le port des signes religieux au sein de l'établissement scolaire. En 2004, la question est tranchée avec le vote d'une loi interdisant les signes et les tenues religieuses à l'école. L'école est au coeur des problématiques de notre temps comme le genre. Ces dernières années, la prise en compte des LGBTIphobies questionne de nouveau le rapport de l'institution avec la dimension genrée du vêtement.
Regards sur l'école
Le vêtement est surtout un vecteur d'apprentissage dès le plus jeune âge : enfiler un tee-shirt ou un pantalon, boutonner une chemise ou faire ses lacets de chaussures par exemple. Cela permet la mise en oeuvre de motricités fines à l'école où les élèves doivent s'habiller, souvent, sans l'aide des adultes. Les habits peuvent être aussi un support pédagogique. De nombreuses marques de vêtements comme Okaïdi et Petit Bateau proposent des vêtements avec des motifs en lien avec l'environnement, la nature ou les espèces ménacées.
L'exposition n'évoque pas seulement le vêtement des écoliers mais aussi celui des professeurs. Ils n'ont pas d'obligations particulières mais juste le devoir de neutralité. Ce que porte un professeur doit contribuer à imposer son autorité sans pour autant lui donner une image trop stricte et austère.
L'exposition S'habiller pour l'école est la preuve que le vêtement est définitivement politique, polémique et sujet de nombreux débats.
Exposition "S'habiller pour l'école" au Musée national de l'Education à Rouen, jusqu'au 31 mars 2024.
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