Une pétition pour sauver la "Ferme aux avions", monument d'Art Brut
Vision furtive et onirique le long de l'autoroute A25 reliant Lille à Dunkerque, la ferme de briques rouges est bien connue des Nordistes pour les dizaines d'avions, canons, girouettes, masques et personnages dont elle est ornée, tous fabriqués avec des matériaux de récupération et peints dans les tons rouge et vert.
Mais ces oeuvres se dégradent inexorablement : leur créateur Arthur Vanabelle et son frère César, propriétaires de la ferme où ils vivaient en paysans célibataires, l'ont quittée en 2012 pour une maison de retraite. Les nonagénaires sont aujourd'hui très affaiblis et la "Base Ménegatte", comme l'appelait Arthur, est laissée aux broussailles, au vent, à la pluie et au gel.
Art éphémère "à protéger"
L'endroit fut pourtant rutilant pendant un demi-siècle. En 1940, le crash d'un avion militaire dans un champ voisin marque durablement Arthur, alors âgé de 18 ans. Vingt ans plus tard, dans les années 1960, il installe un premier avion-girouette sur son toit et n'arrêtera plus jusqu'à la fin des années 1980. Il repeignait encore ses créations en 2010.
18 000 signatures pour sauver l'oeuvre "in situ"
Le maire, une "Association pour la sauvegarde de la maison aux avions" et le musée d'art moderne de Villeneuve d'Ascq sont d'accord sur une chose: l'idéal serait préserver la ferme "in situ". Pour Savine Faupin, conservatrice en chef en charge de l'art brut au musée, "il faudrait intervenir cette année, impérativement", en commençant par le plus urgent, défricher les mauvaises herbes et restaurer les objets les plus abîmés, pour pouvoir espérer sauver le site.
Gricha Rosov, 38 ans, fondateur de l'association de sauvegarde, espère que le salut viendra de l'élan de solidarité qu'il a initié en lançant sur internet une pétition pour sauver ce "chef d'oeuvre de l'art brut". Elle compte plus de 18.000 signatures. L'association pourrait, explique-t-il, lever des fonds via une plateforme de financement participatif, puis les reverser à une collectivité qui prendrait le lieu sous son aile pour le transformer en résidence d'artistes.
"Le projet a un sens", abonde Mme Faupin. Le bourg de Steenwerck n'a pas les moyens de sauver la ferme. En revanche, "conscient du patrimoine culturel que représente la Maison aux Avions", le département du Nord "étudie actuellement la possibilité d'intervenir".
"Un passe-temps" pour Arthur
En l'absence de solution pérenne pour la maison, il faudrait se résoudre à la démanteler et abriter certaines des oeuvres dans un musée. "Trop élitiste", tranche M. Rosov, qui rappelle qu'Arthur Vanabelle considérait davantage ses créations comme du bricolage que comme de l'art, et qu'en bordure de l'autoroute, la ferme constitue "de l'art pour tous publics, gratuit". Les frères Vanabelle "n'ont aucune idée des raisons pour lesquelles les gens se passionnent ! C'était un passe-temps pour Arthur", renchérit le maire de Steenwerck. En bas de la pétition mise en ligne par l'association s'accumulent les témoignages émus d'adultes qui, enfants, se sont pris à rêver en apercevant cette maison biscornue sur la route de Dunkerque, celle de la mer et des vacances.
"Une madeleine de Proust... Impossible de ne pas signer alors que c'est un souvenir vieux de plus de 30 ans", écrit ainsi Sylvie. D'autres signataires, nombreux, comparent la Ferme au Palais idéal du facteur Cheval, symbole de l'art brut, dans la Drôme. Parmi eux, Agnès: "C'est l'oeuvre de toute une vie, un peu comme celle du facteur Cheval: j'adore ce côté foldingue".
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