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Colombie : le street art contre la guerre et pour la paix

Alors que les Colombiens ont rejeté le traité de paix entre les autorités et les Farcs par référendum dimanche, le street art, qui a explosé ces dernières années en Colombie, multiplie les messages pacifiques et contre une guerre qui dure depuis plus d'un demi-siècle dans le pays.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Street art pacifiste à Bogota (2016)
 (LUIS ROBAYO / AFP)

Serviteur de paix

"Je préfère une paix tordue qu'une guerre parfaite", lance DjLu. Muni de ses pochoirs et de peinture noire, il répand de-ci, de-là dans Bogota de petits pictogrammes en série : soldats aux mitraillettes crachant des fleurs; guêpes aux antennes en forme de carabine; épis de maïs ressemblant à des grenades explosives, etc.  

Pour lui, il n'y a pas de meilleure vitrine que la rue pour exprimer son ras-le-bol de la confrontation armée. "En tant qu'être humain, je pense que tout conflit est absurde, tant celui qu'il y a dans mon pays qu'ailleurs dans le monde", déclare à l'AFP ce professeur d'arts plastiques qui enseigne, sous un autre nom, à l'Université catholique de Colombie.
Se voulant "serviteur de la paix", il entend "transmettre un message qui  ouvre les esprits" et a commencé à centrer ses œuvres sur des thèmes politiques dès 2006, en pleine période à la fois de désarmement des milices paramilitaires d'extrême droite et d'enlèvements en masse par les guérillas d'extrême gauche.

Le street art connaît un boom depuis déjà plusieurs années en Colombie. Il a même été promu dans certains lieux dédiés de la capitale par Gustavo Petro, ancien maire de gauche (2012-2015) et ex-guérillero du M-19, dissout en 1990.  Des circuits thématiques permettent aussi aux touristes de découvrir les gigantesques fresques qui colorent certaines de ses avenues.

Paix à la mode

L'esprit de DjLu reflète l'espoir de la majorité des Colombiens de voir enfin leur pays sortir de cette guerre complexe, qui a fait plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Tous les artistes urbains ne sont pas pour autant centrés sur le thème de  la paix. "Le but est (...) de revendiquer la rue comme un lieu d'action libre",  pense Stinkfish, auteur d'immenses portraits qui illustrent la diversité  sociale et ethnique de la population colombienne. Il ironise un peu, estimant que "la paix est à la mode (...) sur la scène touristique qu'est en train de devenir la Colombie".
Street art pacifiste à Bogota (2016)
 (RAUL ARBOLEDA / -- / AFP)
"Le seul fait de peindre dans la rue est un acte politique", argue Toxicomano, connu pour ses visages aux lignes torturées, dont plusieurs de l'écrivain Gabriel Garcia Marquez. Persuadé que la société a besoin que "l'on aborde les thèmes importants", il bombe aussi des slogans engagés, tels "No somos falsos, somos positivos" en référence aux "falsos positivos" (faux  positifs), victimes civiles déclarées par des militaires comme guérilleros tués au combat, afin de bénéficier de primes ou de permissions.

Début septembre, peu après l'annonce de l'accord de paix avec les Farc, rejeté cependant dimanche par référendum, Toxicomano avait peint plusieurs mètres d'une barricade de chantier, sur l'un des principaux axes du nord de Bogota. "Oui à la paix", avait-il inscrit en jaune sur fond bleu, près des visages de deux enfants rieurs prenant des photos.

Deux Français à Bogota

Certains artistes viennent même de l'étranger pour bomber sur les murs de briques de Bogota. Ainsi dans le quartier pauvre de Mariscal Sucre, deux jeunes  Français ont peint un gigantesque "Paz" (Paix) qui surplombe désormais la  capitale depuis la Circunvalar, avenue qui sinue dans la montagne.

"Nous avons terminé juste quelques jours avant que la paix soit conclue !", se réjouissait alors Spag, membre du collectif de street art Outsiders Krew à  l'origine de cette fresque multicolore, achevée en août alors que le gouvernement et la guérilla terminaient près de quatre ans de pourparlers.
Street art pacifiste à Bogota (2016)
 (RAUL ARBOLEDA / -- / AFP)
Elle a été réalisée en 40 jours, à l'aide de 800 litres de peinture, précise ce jeune homme à barbe rousse, en montrant l'œuvre qui s'étale sur les murs de 16 maisons, depuis une passerelle proche, point de vue idéal pour en capter l'amplitude.

Dans le cadre de leur projet "Share The Word" (Partager le mot), Spag et Seb Toussaint, son compagnon d'aventures né comme lui dans le nord-ouest de la  France, sillonnent le monde pour colorer les bidonvilles de mots choisis par  ceux qui y vivent.

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