Covid-19 : sur les murs de Nicosie, le graffeur Fikos s'inspire des mythes grecs pour dépeindre la pandémie
De Bangkok à Rabat en passant par Zurich, Fikos a parsemé les villes de figures aux visages doux, souvent vêtues de toge et parfois couronnées de rames d'oliviers.
Sur les murs de Nicosie, un graffeur grec reprend les codes de l'iconographie byzantine et de la mythologie grecque, égayant la capitale chypriote, pour parler du "monde d'après", la pandémie ayant obligé selon lui les hommes à "s'enraciner".
Au total, cinq peintures ornent les rues de Nicosie. Pour le plus grand plaisir des habitants qui font la différence entre elles et de simples graffitis, assure Fikos.
Les hommes forcés de "s'enraciner" en raison de la pandémie
Âgé de 33 ans, le "néo-muraliste" athénien, comme il aime se définir, a posé depuis un an ses valises à Nicosie, dernière capitale divisée au monde. Il en parcourt depuis les étroites ruelles, à la recherche de lieux où peindre sa nouvelle oeuvre. "Ici à Chypre, il n'y a pas encore beaucoup de peintures murales", dit-il. "Le street-art commence tout juste" à éclore.
En équilibre sur un échafaud qu'il a monté lui-même, Fikos commence à peindre la silhouette d'Amaracus, qui élaborait des parfums pour la déesse Aphrodite, dont le corps devient progressivement tronc et branches. Selon la mythologie chypriote, "il a été puni par les dieux et transformé en une plante ou fleur", explique Fikos. Une histoire qui évoque pour lui les hommes forcés de "s'enraciner" dans un même lieu en raison de la pandémie qui a fermé les frontières et cloué les avions au sol.
Au total, cinq peintures ornent les rues de Nicosie. Pour le plus grand plaisir des habitants qui font la différence entre elles et de simples graffitis, assure Fikos.
"Beaux-arts"
"J'étudie à Athènes la peinture byzantine depuis que j'ai 13 ans et j'étudie le street-art dans les rues", rappelle le graffeur. "Mon point de vue est totalement différent. J'essaie d'adapter mes esquisses à leur environnement et de m'inspirer des couleurs du quartier." "Mon approche relève davantage des beaux-arts", estime-t-il, disant puiser son inspiration dans l'art ancien grec mais aussi égyptien ou japonais.
L'une de ses oeuvres représente Onesilus, un roi qui a mené la révolte de Chypre contre les Persans en 499 avant J.-C. Perforé de flèches, le roi observe son propre crâne rempli d'abeilles et se demande si combattre valait la peine. Un questionnement qui résonne avec la présence non loin de la ligne verte divisant la capitale chypriote depuis 1963-1964, souligne-t-il sur Instagram en citant un poète chypriote.
Fresque gigantesque
A Athènes, Fikos a parfois dû batailler, en vain, pour convaincre les habitants de le laisser peindre sur leurs murs déjà couverts de graffitis. Aujourd'hui, il est désormais payé pour réaliser ses oeuvres, que ce soit en France, Ukraine, Irlande, Russie ou au Mexique.
A Kiev, l'une de ces commandes lui a permis de dessiner une immense fresque sur la façade d'un immeuble de 17 étages. "Ils me donnent un thème", raconte-t-il, "je fais mes recherches en histoire, mythologie (...) puis je commence à peindre".
La mythologie grecque garde sa préférence. "Parce que je crois que si ces mythes sont parvenus jusqu'à nous, c'est qu'ils ont quelque chose à dire", affirme-t-il.
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