Tunisie : la ville d'Erriadh revit grâce au street-art
En quelques semaines, une centaine d'artistes venus d'une trentaine de pays se sont succédés dans la médina et ses environs pour donner naissance à quelque 250 fresques, collages et autres ouvrages. De rues en allées, de maisons chics en bâtisses en ruine, ces oeuvres forment désormais "Djerbahood", le premier musée des arts de la rue en plein air.
Située sur l'île de Djerba mais loin des vastes complexes hôteliers de la côte, Erriadh n'était qu'un point de passage sans grand intérêt sur la route de la Ghriba, la plus vieille synagogue d'Afrique.
Mais depuis qu'elle se recouvre de fenêtres en trompe-l'oeil, de rosaces de lettres assorties aux couleurs des bougainvilliers, d'animaux réels ou mythiques et de peintures monumentales, des vacanciers tunisiens et étrangers défilent par dizaines chaque jour.
L'épicier du quartier est laudateur: "la saison cette année est vraiment bonne. Les peintures ça a ramené du commerce, des touristes et des visages nouveaux, des gens qu'on ne voyaient pas avant".
Si le vernissage est prévu le 20 septembre, le projet est déjà porté par un important "buzz" sur les réseaux sociaux, ayant amené par exemple deux Tunisois "fans de street-art", à prendre "le premier bus pour venir voir ça!". "On ne serait jamais venus ici s'il n'y avait pas eu Djerbahood, parce que finalement c'est un quartier délaissé", souligne la jeune femme du couple.
Un "musée" en constant devenir
Logan Hicks, artiste new-yorkais, se dit abasourdi par l'ampleur de Djerbahood, une initiative du galeriste parisien Mehdi Ben Cheikh, déjà organisateur de l'exposition à succès dans "la Tour Paris 13", un immeuble recouvert d'oeuvres de street-art, devenu exposition éphémère et ouverte gratuitement au public avant d'être démoli.
"J'ai travaillé sur plusieurs projets de ce type, mais c'est la première fois que je vois cela fonctionner immédiatement", raconte l'initiateur du projet, âgé de 43 ans. Pour lui, une raison du succès est la présence "d'artistes qui comprennent la culture (locale), ou du moins qui apprécient ses principes esthétiques". "On a des gens qui bâtissent un dialogue (...) au lieu de simplement apposer leur marque sans qu'elle n'ait de rapport avec la communauté" locale, s'enthousiasme-t-il.
Hicks, armé de pochoirs, a ainsi recouvert d'ornements orientaux la devanture d'une école abandonnée "pour l'immortaliser et lui rendre une façade noble même si elle s'écroule".
Pour certains habitants d'Erriadh, le principal défi est dès lors d'inscrire cette exposition collective dans la durée. "Ils peignent directement sur les murs défraîchis. La peinture va s'effriter, ça ne va pas durer", regrette un vendeur de volailles dont l'échoppe a été décorée d'un "cartoon" représentant une poule étonnée dressée sur un coucou.
Mehdi Ben Cheikh se veut rassurant, décrivant un musée à ciel ouvert qui sera en perpétuelle évolution. "On essaye de trouver ou d'expérimenter comment devrait être le musée idéal du street-art (...) sans dénaturer le mouvement. C'est-à-dire qu'il faut que ça reste dans la rue, que ça reste gratuit et vu que ce mouvement bouillonne, il ne faut pas que ce soit un musée statique", explique-t-il.
"Certaines choses vont automatiquement s'effacer, d'autres se dégrader (...) un autre artiste reviendra repeindre par-dessus et d'autres fresques vont apparaître", poursuit le galeriste.
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