Une momie de crocodile restaurée sous les yeux du public du Louvre-Lens
"Elle a bien toutes ses dents, on les a comptées!", explique Yveline Huguet en montrant l'imposante mâchoire de la momie de crocodile égyptienne, sous le regard ébahi de spectateurs venus au Louvre-Lens découvrir le travail des restauratrices. "On lui refait une beauté, elle était dans un état très empoussiéré et encrassé", confie l'experte de 48 ans dans les entrailles du musée ouvert en 2012, qui a décidé de faire découvrir ses coulisses aux visiteurs, dans un voeu de "démocratisation culturelle". "Dès la conception du Louvre-Lens, on a voulu montrer au public le fonctionnement du musée et faire découvrir l'ensemble des métiers qui sont à l'oeuvre", souligne Jeanne-Thérèse Bontinck, médiatrice de la visite.
Reportage : C. Lépine, J-P. Crinon, B. Deleporte
"Il est mort de vieillesse s'il a 2000 ans, non ?" interroge la petite Estelle, venue de Lyon et en vacances dans le Pas-de-Calais, à la restauratrice interloquée. "Il avait cette couleur bizarre depuis le début ? Comment est-ce qu'il a fait pour perdre ses bandages ?", demande-t-elle encore, suscitant des sourires amusés. Pendant une semaine, des groupes d'une quinzaine de personnes ont pu deux fois par jour contempler gratuitement le travail des deux expertes mais aussi leur poser des questions sur la manière de restaurer les oeuvres culturelles. Une grande baie vitrée, située en haut de l'atelier de restauration, permet également aux visiteurs de voir le travail minutieux des deux femmes au contact de l'animal reposant sur une grande civière.
En cinq jours, nettoyant l'animal avec des outils chirurgicaux (scalpel, pinces à cran...), les deux restauratrices ont dépoussiéré le crocodile, avec un aspirateur spécial muni d'un petit filtre permettant de contrôler tout ce qui est aspiré. Puis s'est ouverte une seconde phase consacrée au nettoyage à l'aide d'une éponge sèche, de cotons tiges humidifiés et de dissolvants, de manière à redonner du lustre au cuir du spécimen antique. Selon Mme Huguet, moins de 10 personnes en France ont les compétences pour mener à bien ce travail de fourmi. "La principale qualité requise est la patience", note-t-elle.
Au bout d'une semaine de travail, le crocodile, acquis en 1817 par le musée parisien et exposé habituellement au département des antiquités égyptiennes, sortira transformé de sa cure de jouvence. "Il a changé d'aspect mais je le reconnais, c'est bien mon crocodile", sourit Hélène Guichard, la conservatrice en chef de ce département et commissaire de l'exposition, alors que l'exercice n'en est encore qu'à mi-parcours. "Cette opération d'ouverture de la restauration est très importante car le public ignore ces métiers, avec des formations extrêmement exigeantes", se félicite-t-elle. Ainsi pour l'exposition "Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l'Egypte ancienne", les deux tiers des 430 oeuvres exposées auront bénéficié d'une restauration. Emeline Druelle, étudiante en licence d'histoire de l'art, est, elle aussi, ravie de sa visite. "C'est une chance de pouvoir voir ce travail et d'être à côté d'une momie vieille de 2.000 ans", dit-elle.
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