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Une vivante rétrospective de l'œuvre de Georges Wolinski aux Beaux-Arts de Paris

Les Beaux-Arts de Paris viennent d'ouvrir une rétrospective en 41 dessins de l’œuvre de Georges Wolinski, tué lors des attentats de janvier 2015 : de ses débuts chez Hara-Kiri dans les années 1960, à ses dernières publications dans Charlie Hebdo.

Article rédigé par franceinfo Culture - Camille Bigot
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 6min
Georges Wolinksi devant ses dessins publiés en Une de l'Hebdo Hara-Kiri, lors de l'exposition du 17ème anniversaire de l'attaque de la caserne de Moncada, en 1970.  (KEYSTONE-FRANCE / GAMMA-KEYSTONE)

"Je ne veux pas que l’œuvre de mon mari finisse dans la cave d’un collectionneur", a déclaré Maryse Wolinski, lors de l’ouverture de l’exposition sur le travail de son époux, Georges, aux Beaux-arts de Paris. L’ancienne journaliste souhaite, au contraire, que sa production soit vue, exposée, "vivante". "Elle doit continuer de se balader ", bien après le décès de l'artiste survenu lors de l'attaque terroriste à Charlie Hebdo en janvier 2015. Avec les trois filles de Georges Wolinski, elle a fait don de 41 feuilles à l’établissement, un lieu choisi avec minutie.

Le dessinateur connaissait bien l’école, pour y avoir suivi des cours d’architecture durant l’année 1955-1956. Pour preuve, cette photo à l’entrée du cabinet de dessins Jean Bonna où sont exposés les croquis : on aperçoit le jeune étudiant, l’air concentré, compas à la main, en train de plancher sur ce qui ressemble à une estampe géométrique… Que nenni ! En s’approchant davantage, on distingue sur la feuille de papier, le corps d’une femme à la poitrine généreuse : avec humour, toujours, le ton est donné.

Un spectateur observant les 14 saynètes tirées de l'ouvrage "Le droit de la femme (et de l'homme)" de Georges Wolinski. (Camille Bigot)

"Moins c'est profus, plus c'est profond"

Le spectateur s’engage ensuite dans un couloir à la lumière tamisée. Sous un faible spot lumineux, le dessin Allons enfants est accroché : c’est l’un des premiers de Georges Wolinski pour le journal Hara-Kiri. Inspiré de la sculpture du Départ des volontaires, réalisé en 1792 par François Rude, le dessinateur a transposé la scène dans un contexte de révolte populaire. "C’est une œuvre complexe, grouillante. Chaque centimètre carré est prétexte à la blague", commente Anne-Cécile Moheng, commissaire de l’exposition. Ce foisonnement lui a vite été reproché par François Cavanna, fondateur du journal. Il lui intime de faire plus simple. Après tout, "pourquoi tu te fais chier ?", lui demande-t-il.

Georges Wolinski, "Allons enfants...", Hara-Kiri, n°48, février 1965, p44-45. (Beaux-Arts de Paris et succession Wolinski)

Le jeune dessinateur suit son conseil, et se tourne vers un tracé plus épuré, et d’autant plus poétique. "Moins c’est profus, plus c’est profond", résume Anne-Cécile Moheng. C’est à ce moment-là que les thèmes phares de Wolinski vont faire surface : la falaise ou encore le crépuscule. "Ce sont mes dessins préférés, murmure Maryse Wolinski. Ceux où je n’étais pas encore dans sa vie." Elle cite en particulier, Salut Dieu, publié en 1967. "En revoyant ce dessin, j’ai cru qu’il était beaucoup plus récent", confie-t-elle, mélancolique.

Les coulisses du dessin de presse

Sur plusieurs croquis, des annotations, inscrites dans la marge, ont été précieusement conservées. L’objectif ? Montrer les coulisses du dessin de presse. Les commissaires de l’exposition ont également eu la brillante idée d’accoler aux estampes originales les exemplaires de journaux où elles ont été publiées. "Pour ce faire, nous avons scruté pendant des heures des microfilms stockés à la BPI (Bibliothèque publique de l’information au Centre Pompidou) et à la BnF (Bibliothèque nationale de France)", explique la commissaire, Emmanuelle Brugerolles. Une fois retrouvés, les journaux ont été achetés sur eBay. Le contraste entre les lignes, si fines, du dessinateur, et les autres publications, souvent colorées, est saisissant.

Tout comme le degré de détails de l’exposition, des petits trous à gauche de certaines feuilles prouvent qu’elles ont été arrachées d’un carnet à spirales. Wolinski ne lâchait jamais son calepin. Pour lui, la pratique du dessin avait quelque chose de "l’entraînement sportif". Sous des traits que l’on imagine spontanés, rapides voire désinvoltes, il y avait en réalité un travail acharné. Sur les quatorze saynètes données aux Beaux-Arts, et tirées de l’ouvrage Les droits de la femme (et de l’homme), les couleurs ont été longuement réfléchies : "Il a utilisé des feutres qui ne se mélangent pas, difficile à manier, tout particulièrement pour la réalisation des ombres par exemple", indique Anna-Cécile Moheng. Parfois, des petits coups de correcteur tipp-ex ont été ajoutés pour rectifier la courbe d’un sein.

Car ce sont bien les corps féminins, que Wolinski a toujours aimé dessiner. "Pour lui, il n’y avait rien de plus beau que les femmes", glisse Maryse Wolinski. Les Beaux-Arts s’y attendent : cette partie de l’exposition sera source de débat. "C’est aussi ce qui est intéressant, s’amuse Anne-Cécile Moheng. Ces dessins lui ont valu la réputation de phallocrate ou machiste. Il faut se rappeler qu’il est né en 1934 ! Il livre ici un témoignage, gai et libre, d’une autre époque."

L'une des 14 scènes tirées de l'ouvrage "Le droit de la femme (et de l'homme)". (Beaux-Arts de Paris et succession Wolinski)

Wolinski fustigeait l'art contemporain

Les mœurs évoluent, l’art également. Dans les dernières œuvres de l’exposition, Wolinski fustige dans ses dessins comme dans ses textes les artistes contemporains tels Jeff Koons. Il remet en question les enjeux financiers liés à ces nouvelles productions, et reproche aux créateurs de ne pas réaliser leurs œuvres dans la totalité. Il ne manque pas de se remettre lui-même en question, avouant parfois qu’il est peut-être lui aussi devenu un "vieux con".

Art contemporain, c.2013 (Beaux-Arts de Paris et succession Wolinski)

Quant à sa propre création, elle est extrêmement rodée : il réutilise certains motifs qu’il découpe et recolle sur ses planches, de quoi lui faire gagner du temps, nécessaire dans le domaine des médias. Sur chacune de ses propositions, le texte prend de plus en plus de place. Comme dans ces lignes, sur un croquis publié en 2010 à Charlie Hebdo, sorte d'hommage à ses amis d’Angoulême, dessinateurs de presse : ils sont "beaux, intelligents et plein d’humour", indéniablement, "les grands artistes de l’époque".

Exposition des dessins de Georges Wolinski, jusqu'au dimanche 3 octobre 2021, aux Beaux-Arts, 14, rue Bonaparte, 75006 Paris. L'établissement est ouvert du mercredi au dimanche, de 13 à 19h. Tarif : 20 €. Un catalogue, réalisé par Emmanuelle Brugerolles, accompagne l'exposition. 

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