Baisse drastique du budget culturel des Pays de la Loire : "Un désengagement politique à tous les niveaux", dénonce le Syndeac
Nicolas Dubourg, président sortant du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, pointe mardi 26 novembre sur franceinfo "un désengagement politique à tous les niveaux" vis-à-vis de la culture. 3 000 personnes se sont rassemblées la veille devant l'hôtel de région à Nantes pour dénoncer les coupes budgétaires décidées par Christelle Morançais, la présidente du conseil régional des Pays de la Loire.
L'élue Horizons a déclaré vouloir diminuer le budget culturel de plus de 70% et faire 100 millions d'économies. La brutalité et la soudaineté de la décision a surpris l'ensemble du monde de la culture local. Selon Nicolas Dubourg, "il va falloir que les pouvoirs publics prennent vraiment conscience des dégâts" que ces coupes budgétaires vont engendrer.
franceinfo : Quel est l'état de la culture aujourd'hui en France ?
Nicolas Dubourg : On a subi une lente dégradation de la situation du secteur depuis cinq ans. Ça avait commencé avec le Covid en 2020, avec bien sûr des mesures d'aide qui ont été apportées, mais je dirais, comme à tous les autres secteurs de l'économie. On voit que la fermeture [des lieux culturels, liée à la pandémie] était bien plus que symbolique, elle a annoncé ce qui est en train de se produire, c'est-à-dire un désengagement politique à tous les niveaux. J'ai l'impression que ça a ouvert une brèche. On voit qu'aujourd'hui il y a des élus comme Christelle Morançais, présidente du conseil régional des Pays de la Loire, qui attaque une forme de pacte républicain autour de cet espace que propose la culture.
Christelle Morançais appelle le modèle culturel français à se réinventer et interroge la pérennité d'un système qui dépend de l'argent public. Que lui répondez-vous ?
Les membres du parti Horizons ont voté les baisses de cotisations du CICE, [crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi], des crédits impôt recherche. On s'aperçoit aujourd'hui que les entreprises à but lucratif dans ce pays sont largement soutenues par la puissance publique.
"Aujourd'hui, il n'y a pas une entreprise qui ne bénéficie pas de grands marchés publics, qui ne bénéficient pas de baisses de cotisations, qui ne bénéficient pas du crédit impôt recherche, etc. C'est une mascarade de dire que le secteur culturel serait un secteur subventionné."
Nicolas Dubourg, président sortant du Syndicat national des entreprises artistiques et culturellesà franceinfo
Non, nous sommes un service public. C'est un service qui, au-delà des biens de consommation que les citoyens achètent, est un supplément à leur revenu, c'est un supplément commun. C'est ce qui permet d'envoyer des enfants à l'école, de se faire soigner à l'hôpital, d'accéder à des théâtres sans avoir à débourser de l'argent parce que, précisément, on a décidé de le payer de manière collective par la redistribution de l'impôt.
C'est un combat idéologique ?
Non, c'est un combat culturel. Aujourd'hui, on a un combat qui est le libéralisme que porte une personne comme Christelle Morançais. Elle postule que chacun doit se débrouiller, que, finalement le marché va résoudre tous les problèmes et qu'il n'y a pas de raison de créer, via la redistribution, des espaces qui permettent à ceux qui sont défavorisés, ceux qui n'auront pas les moyens d'avoir accès aux mêmes biens qui leur permettent de s'émanciper. Voilà le vrai combat. Il y avait eu une concorde à la sortie de la guerre entre des gens qui étaient gaullistes et des gens qui étaient communistes. Je pense que ni les uns ni les autres ne se faisaient un procès idéologique. Ils se disaient : "Il faut reconstruire la France et ça passera par les services publics". Aujourd'hui, on voit qu'ils veulent détruire ces services publics.
Quelles sont les conséquences concrètes pour le monde culturel dans les Pays de la Loire ?
L'annonce a été tellement brutale. Il faut savoir que le débat au conseil régional n'a pas encore eu lieu. Ils commencent par faire des annonces et après ils disent qu'ils vont en débattre en conseil régional. Déjà, dans le procédé démocratique, c'est assez étonnant. Quand les acteurs ont reçu ces coups de téléphone ou ces SMS, ils ne sont pas dits dans la minute qui a suivi : "On licencie des gens". D'abord, ils vont se battre pour essayer de faire comprendre la situation. Ils n'en sont pas à mettre en œuvre les mesures d'économies que leur impose la région. On en est au moment de la mobilisation. Il va falloir que vraiment les pouvoirs publics prennent conscience des dégâts. Une fois que vous avez une personne qui est mise au chômage, elle continue quelque part à coûter quelque chose. Il va falloir lui payer des indemnités. Il va falloir la reformer parce que, si elle ne peut plus travailler dans son secteur de prédilection, il va falloir la former. Ça va aussi coûter de l'argent.
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