Au festival d'Angoulême, une femme en BD en vaut deux : portraits
Site internet de Lisa Mandel
Comment elle est tombée dedans
"La BD pour moi, c'est plus qu'un métier, c'est ma vie. Ça parait vertigineux mais je peux dire que j'ai 35 ans de carrière tellement la BD fait partie de ma vie depuis toujours", explique la dessinatrice. "Je suis tombée dedans quand j'avais 4 ans. Je crois que j'ai commencé à lire des BD avant même de savoir lire. Je me faisais ma petite histoire. Et j'ajoutais aussi des choses dans le dessin, comme des bouches par exemple, dans les cases de Mafalda, là où il n'y en avait pas", raconte Lisa Mandel. "J'ai fait un transfert affectif ! Pour moi la BD c'était comme un doudou", raconte-t-elle. Chez elle il y avait de la BD adulte, Métal hurlant, Comes, Bretécher, "je les lisais en cachette", confie-t-elle. "La première chose que je me suis achetée avec mon argent de poche, c'était un album de BD, "Umpapa". Et pour ça j'avais économisé pendant deux mois", raconte-t-elle. Enfant elle dessine tout le temps et s'oriente naturellement vers des études d'art appliqués, "mais on essayait de me décourager de faire de la BD, on essayait de m'orienter vers l'illustration jeunesse, parce que je n'étais pas très forte en perspective, en dessin pur", se souvient Lisa Mandel. Puis elle découvre les BD publiées par la maison d'édition L'Association, et ce qu'elle découvre lui ouvre pour le coup des perspectives qu'elle s'interdisait jusque là. "J'ai vu que mon graphisme pouvait complètement s'insérer dans la BD".
Sur la polémique à Angoulême
Lisa Mandel a lancé avec d'autre autrices (c'est comme ça qu'il faut dire paraît-il) le collectif des créatrices de BD contre le sexisme, les premières à réagir à l'absence de femmes dans la listes des nominés pour le Grand Prix 2016. "On ne demande pas des quotas. Ce que l'on dit simplement, c'est qu'il n'y a pas "zéro" femme susceptibles de recevoir le Grand Prix. Ce zéro, c'est la honte", s'insurge-t-elle. "Ils ont fait une bourde, et ensuite ils ont mis trop de temps à réagir", poursuit-elle. Sur le machisme du milieu, elle ne dirait pas ça. "Ce sont plutôt les festivals, ou les médias, qui ont tendance à catégoriser les femmes". Elle se réjouit que les choses évoluent et souligne qu'elle essaie de respecter la parité pour Sociorama, la nouvelle collection lancée chez Casterman qui associe auteurs de BD et sociologues, qu'elle dirige et dont elle signe un premier album consacré à la pornographie. "Je pense que c'est comme ça que les choses peuvent évoluer, en agissant, et sans forcément en faire la publicité. Comme les hommes qui font la vaisselle et qui ont besoin qu'on les félicite, pour un truc qui est normal, finalement".
Son conseil de lecture : "Arsène Schrauwen", d'Olivier Schrauwen (L'Association)
HÉLÈNE WERLÉ: ATTACHÉE DE PRESSE
Hélène Werlé est née en 1959. Jeune journaliste elle entre comme stagiaire à la revue Autrement, qui l'embauche. Elle a 20 ans. Elle y organise des événements, des ateliers avec les auteurs, des colloques, puis passe au service de presse. La revue Autrement lance une collection de reportages dessinés. C'est comme ça qu'elle rencontre Bilal, Mézière et Pierre Christin, qui l'encouragent à travailler pour la BD. Georges Dargaud l'embauche. Aujourd'hui elle travaille toujours pour Dargaud, mais elle est indépendante et s'occupe aussi de nombreux auteurs.
Comment elle est tombée dedans
"A l'origine ce n'était pas une passion. Mais j'ai rencontré des auteurs comme Bilal, Mézière et Pierre Christin et ce sont eux, les auteurs, qui m'ont donné envie de les défendre. J'adore l'idée d'être un relais, mettre les autres en avant, et j'aime qu'on aime ce que j'aime, et partager. C'est comme quand vous avez des amis que vous aimez bien, et que vous avez envie de les présenter", explique Hélène Werlé, qu'il a fallu convaincre de parler d'elle-même, pour une fois. "Et la BD c'est un milieu qui se renouvelle tout le temps. Par exemple chez Dargaud, on a un socle d'auteurs, mais il y en a sans arrêt des nouveaux qui arrivent, et c'est comme ça depuis 30 ans", raconte ce pilier du milieu. "Et puis chez Dargaud on a un catalogue généraliste, on marche aux coups de cœur et on a tous les genres et pour toutes les tranches d'âges, enfants, ados adultes. On peut tout faire. On est très libres", poursuit-elle, enthousiaste. "Et puis le métier de dessinateur de BD, c'est dur, c'est un métier solitaire, donc pour eux les articles, une exposition dans la presse c'est très important, c'est un retour sur leur travail", dit-elle. Et défendre ses auteurs, elle sait faire. Ils le disent tous. Et quand ils la tiennent, ils ne la lâchent plus. "J'adore Hélène", raconte Riad Sattouf, "Elle est à la fois très bienveillante et en même temps elle dit ce qu'elle pense. Elle ne supporte pas qu'on se la joue, donc avec elle on ne risque pas de prendre le melon", dit il. "J'aime bien les auteurs, et je n'ai pas envie qu'on juge mal les gens que j'aime", explique-t-elle, alors oui je leur dis ce que je pense. Et puis parfois les éditeurs sont dans une position plus délicate. Ils peuvent tomber dans la flatterie, parce qu'ils ne veulent pas que les auteurs aillent voir d'autres éditeurs. Moi je peux me permettre de leur dire ce que je pense", conclut-elle.
Sur la polémique à Angoulême
"En tous cas le monde de la BD n'est pas un milieu macho. Je n'ai jamais eu à me plaindre, au contraire les auteurs ont toujours été adorables avec les femmes. Sur le Grand Prix, je dirais que le festival a été maladroit de ne mettre aucune femme dans la liste des 30 nominés", souligne Hélène Werlé. "Mais d'un autre côté, il faut bien reconnaître que le Grand Prix récompense une œuvre, et qu'à part Bretécher, aucune d'entre elles n'a une carrière suffisante pour recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre" poursuit l'attachée de presse. "Même s'il y a de plus en plus de femmes très talentueuses, Sandrine Revel, Aude Picault, Anne Simon, Marion Montaigne, Lisa Mandel, Pénélope Bagieu, elles ont entre 35 et 40 ans, c'est un peu jeune pour être récompensé pour une œuvre!", poursuit l'attachée de presse. "Il y a peu de patronnes dans l"édition BD, voire pas du tout", ajoute-t-elle. Il n'y en a qu'une seule, c'est Céline Merrien, de L'association. Cela progresse, mais il faut du temps, la parité on ne peut pas fabriquer", conclut-elle.
Son conseil de lecture : "L'été diabolik", Smolderen & Clerisse (Dargaud)
CHARLOTTE MOUNDLIC, ÉDITRICE
Charlotte Moundlic est née en 1970. Après des études d'arts appliqués, elle entre chez Bayard Jeunesse comme maquettiste. Dans cette maison elle devient directrice artistique. Elle travaille pour "Je bouquine" et c'est là qu'elle rencontre Joann Sfar, Mathieu Sapin, Emile Bravo, Emmanuel Guibert, et toute la bande. En 2003 elle rejoint Flammarion Jeunesse où elle publie "Les colombes du roi soleil" en BD. Depuis 2013, elle est éditrice chez Rue de Sèvres, la maison d'édition BD lancée par Louis Delas à l'Ecole des Loisirs. Charlotte Moundlic est aussi auteur. Elle a publié de nombreux ouvrages pour la jeunesse, comme la série "Chamalo" (Père Castor – Flammarion), ou des romans ("Je suis le fruit de leur amour" (Thierry Magnier -2015).
Comment elle est tombée dedans
"J'avais 10 ans, et une amie de mes parents a offert à mon père pour ses 40 ans "Le démon de la Tour Eiffel", de Tardi" se souvient-elle. "Une révélation. A ce moment là j'ai eu une attirance immédiate pour la double narration texte images", raconte-t-elle. 'Et puis j'ai toujours dessiné, depuis toute petite, j'ai fait des études d'arts graphiques. C'était clair pour moi que j'allais me diriger vers l'image. Et aussi je me sentais plus légitime de ce côté-là. Le texte c'est venu plus tard", explique l'éditrice. Ce qui me plaît dans la BD c'est l'infini ds possibilités. C'est un genre qui ne se refuse aucun genre. On passe du documentaire, à la fiction, en passant par la sciences fiction sans jamais aucune contrainte de budget. On peut faire Bollywood, des effets spéciaux, sans limites. La BD c'est 'open bar'", s'enthousiasme Charlotte Moundlic. "Et depuis que les cases ont sauté, les phylactères explosé, c'est un lieu de bouillonnement créatif incroyable. Je pense aussi que c'est un conglomérat incroyable de gens à qui on a dit quand ils étaient petits tu n'arriveras à rien, que c'est un vivier créatif fou. Et donc ce n'est pas surprenant que beaucoup d'auteurs de BD se dirigent ensuite vers le cinéma, ou qu'ils fassent aussi de la musique. C'est un mode d'expression très riche.", ajoute-t-elle.
Sur la polémique à Angoulême
"Ils ont fait une bourde. Et c'est surtout la réaction, après, ça a été de mal en pis et c'est devenu risible. Ils auraient peut-être mieux fait de reconnaître la bourde, d'annuler le grand Prix et dire 'on fera mieux l'année prochaine'. Ca aurait été une meilleure porte de sortie", pense Charlotte Moundlic. "Ce qui m'a choqué aussi c'est que ce sont des femmes, le collectif des créatrices de BD contre le sexisme, qui ont soulevé le problème, et que les médias ont mis en avant la parole des hommes sur le sujet. Ce n'est pas anodin. C'est même symptomatique. Et cela m'a choquée", remarque-t-elle. "La BD est un milieu je ne dirais pas macho, mais c'est un milieu de mecs. On ne peut pas dire le contraire" souligne l'éditrice. A Rue de Sèvres, par exemple, cela m'irrite un peu que l'on mette toujours en avant comme une identité le fait que toute l'équipe soit féminine (4 éditeurs, 4 femmes), presque comme si c'était un argument marketing", explique-t-elle. "On nous appelle 'l'équipe la plus charmante', ou 'les filles'. En plus on est quatre femmes avec un patron homme, ça fait un peu 'Louis et les drôles de dames'. Ce genre de remarques, ça m'agace, oui. Cela ne viendrait à l'idée de personne de relever une équipe 100% masculine ! ", ajoute-t-elle. "C'est un milieu dur", poursuit-elle. "Et oui je pense que pour les femmes dans ce milieu (mais comme d'autres, comme la politique par exemple), je pense que c'est une lutte. On leur pardonne beaucoup moins, elles se font tacler. Il faut qu'elles fassent leurs preuves, plus que les hommes. Mais c'est à l'image de la société", souligne Charlotte Moundlic, qui dans son travail ne tient pas compte du sexe de l'auteur "A Rue De Sèvres, on accueille des projets, le genre n'est pas un critère de sélection", tient à souligner l'éditrice. Mais elle note que dans le catalogue de la maison, il y a beaucoup d'héroïnes. "Je ne saurais pas dire pourquoi, mais là le fait d'être des femmes oui, peut-être que l'on est plus sensibles à véhiculer des images de la femme positive, et pas des archétypes du style gros seins à califourchon sur une moto", sourit-elle.
Son conseil de lecture : "Cet été-là", Julian et Mariko Tamaki (Rue de Sèvres)
LAURENCE LE SAUX, JOURNALISTE
Laurence Le Saux est née en 1978. Après son école de journalisme (Celsa), Elle commence comme pigiste pour différentes publications, avant d'être embauchée à Télérama où elle est responsable de la rubrique radio. Elle travaille aussi pour la rubrique BD où elle mène des enquêtes et contribue à la chronique "Planches commentées". Parallèlement, elle collabore régulièrement au web magazine spécialisé Bodoï.
Comment elle est tombée dedans
"Pour la première fois quand j'étais petite, avec Tintin, Astérix. Mais je n'y étais pas franchement encouragée par mes parents. Ce n'était pas interdit. J'avais le droit d'en emprunter à la médiathèque, mais avec des romans. J'aimais beaucoup lire et ça m'allait bien comme ça", se souvient Laurence Le Saux. "Et puis un jour, j'avais 12 ans et une de mes copines m'a offert "Thorgal" et je ne la remercierai jamais assez. Cela m'a ouvert un imaginaire extraordinaire, que je ne soupçonnais pas et à partir de là j'ai commencé à lire les classiques de la BD franco-belge. J'ai lu "Largo Winch", "XIII", "Alpha"", raconte la jeune femme."Et puis ensuite il y a eu une deuxième découverte avec L'Association, Satrapi, Sfar. Et là j'ai vu la BD comme un vrai art, qui peut prendre toutes les formes, littéraire, essais, reportages. On était loin du cliché de mes parents" pouruit-elle. La jeune femme devient journaliste culture, mais "touche à tout". Elle adore la BD mais ne se sent pas légitime pour en parler. Alors elle décide de postuler à Bodoï, encore magazine papier à l'époque."Je me suis dit que j'allais apprendre des choses sur le sujet et que je pourrais ensuite parler de BD dans des journaux généralistes. Je trouvais qu'il n'y avait pas assez de BD dans les pages culture des journaux. J'étais frustrée", raconte la journaliste.
Sur la polémique à Angoulême
"J'étais choquée. 30 auteurs et pas une femme… J'ai trouvé qu'il y avait un problème, que c'était malhabile. Je suis allée aux états généraux de la BD ici à Angoulême vendredi et j'ai appris des choses sur les salaires, les avances sur les droits, et il y a vraiment une disparité entre les hommes et les femmes. On se rend bien compte qu'il y a des combats à mener", poursuit-elle. Dans son travail, Laurence Le Saux essaie d'être vigilante sur cette question. "Pas du militantisme, mais si je fais une enquête j'essaie toujours de donner la parole à des femmes aussi, de faire en sorte de glisser un verbatim de femme, que cela reflète la diversité. Mais je n'y arrive pas toujours. J'ai fait une enquête sur les héros increvables, sur les reprises de Corto, Lucky Luke, et il se trouve que là-dessus il faut bien le dire, il n'y a aucune femme. Donc je ne vais pas en faire un cheval de bataille mais j'y fais attention", conclut-elle.
Son conseil de lecture : "Cruelle" de Florence Dupré La Tour (Dargaud)
THI NGUYEN, LIBRAIRE
Thi Nguyen est née en 1977 à Saïgon. Elle est passée par les métiers du livre et fait des stages dans différentes maisons d'édition avant d'occuper son premier poste chez Delcourt, où elle chargée de production. Elle organise les événements, dédicaces, salons. Puis elle passe chez Dupuis pour faire la même chose jusqu'à l'arrivée d'un bébé. Changement de vie. Elle s'installe à Angers avec sa famille. Elle repère un local et en un mois et demi, monte une librairie BD avec son compagnon Au repaire des héros, librairie du réseau Canal BD. Depuis, la librairie a déménagé dans le centre et marche très bien.
Comment elle est tombée dedans
Un peu par hasard. En travaillant pour Delcourt, puis Dupuis. "Mais maintenant c'est la BD et ça ne pourrait plus être autre chose", confie Thi Nguyen. "J'adore la diversité de la BD. Toutes ces identités d'auteurs. Ce quelque chose qui fédère et qui en même temps est très diversifié", explique-t-elle. Ce que Thi Nguyen aime dans son métier, c'est mettre en relation des auteurs et des lecteurs. "Ce que l'on a réussi à faire à la libriairie, c'est développer un lectorat qui avait abandonné la BD, à cause de la profusion de la production. On a instauré un climat de convivialité, de confiance avec les lecteurs. Ils savent que si on leur parle d'un livre, on l'a lu. On est 5 libraires et on se répartit les lectures, en fonction des goûts de chacun. Moi par exemple j'adore l'humour un peu trash", sourit-elle.
Sur la polémique à Angoulême
"Ca n'a pas fait une très bonne pub au festival. Mais cela a quand même permis une chose : décloisonner le vote et moi ça faisait longtemps que je le souhaitais. Mais j'aimerais qu'il y ait vraiment une transparence dans le vote, je ne me reconnais pas dans ces choix. Et ce qui est dommage, c'est que la polémique a évincé les autres prix, le prix Cultura et le Prix Fauve. Il y avait de très bons albums dans la sélection", souligne la libraire. "Et finalement ce qui compte, c'est de mettre en relation des auteurs et des lecteurs, de faire découvrir des auteurs". A la librairie je suis la seule femme, et je vois que le lectorat se féminise, et les femmes lisent des BD, "Les vieux fourneaux", ou Walking dead", soit disant pour leur mari mais elles les bouquinent d'abord", raconte Thi Nguen en souriant."Moi j'adore les bouquins qui fédèrent, qui ne s'adressent pas à une catégorie ou à un genre, mais qui plaisent à un large public, parce que c'est un récit d'auteur", conclut la libraire.
Son conseil de lecture : "Le pire ouvrier de France", Felder et Besseron (Fluide Glacial)
SERVANE ET MARGOT MASUREL, LECTRICES
Elles sont jumelles, nées en 1986.
Comment elles sont tombées dedans
"C'est elle la passionnée", déclare Margot en désignant sa sœur jumelle. "Elle était déjà venue et cette année, elle m'a convaincue de venir avec elle. C'est à elle qu'il faut poser les questions", ajoute-t-elle. "Je suis tombée dans la BD en lisant Blacksad". On me l'avait offerte et j'ai adoré", raconte Servane. Et justement, elles sont toutes les deux dans la file d'attente de Dargaud pour se faire dédicacer un album par le dessinateur de "Blacksad", Juanjo Guardino. "On est là depuis 10 heures ce matin (il est 17h30). On espérait qu'il vienne mais on n'était pas sûres", quand le moment de la dédicace arrive, Servane déguste l'instant. "Je ne suis une novice. J'aime beaucoup lire depuis toujours de la littérature, mais la BD j'en lis seulement depuis trois quatre ans. J'ai des goûts très arrêtés. J'ai mes auteurs. J'adore Mathieu Lauffray ou Ralph Meyer, par exemple", poursuit-elle. "Ce que j'aime dans la BD, c'est le rapport entre le scénario et les dessins, la couleur. C'est un support que j'aime vraiment beaucoup", ajoute la jeune femme.
Sur la polémique à Angoulême
"On en a entendu parler oui. Mais bon, je n'ai pas un avis tranché sur la question. Quand j'achète une BD, le sexe de l'auteur, ce n'est pas du tout ce que je regarde. Cela n'entre pas du tout en compte dans notre choix. Et on regarde plutôt les albums de la sélection officielle, ça permet de découvrir des auteurs, des vrais petits bijoux", souligne-t-elle. "Et moi je ne lis pas de la BD pour filles. J'adore les histoires de cowboys, ou de pirates", conclut-elle avant de poursuivre, ravie, ses déambulations dans les allées du festival.
Leur conseil de lecture : "Blacksad", de Canales Juan Diaz, dessins Juanjo Guardino (Dargaud)
Polémique du Grand Prix d'Angoulême, le résumé
La colère a grondé lorsque le festival a affiché une liste du Grand Prix : 30 auteurs et pas une femme. Réaction des auteures, rapidement suivies par des hommes, comme Riad Sattouf ou Joann Sfar, qui annoncent vouloir se retirer de cette liste. Face à la fronde, le festival se justifie : " Le Festival ne peut pas refaire l’histoire de la bande dessinée", explique-t-on dans un communiqué, qui précise : "lorsque l’on remonte dans ce laps de temps pour regarder quelle était la place des hommes et des femmes, dans le champ de la création, en matière de bande dessinée, force est de constater qu’il y très peu d’auteures reconnues". Cela étant dit, le festival annonce qu'il va ajouter des femmes au listing. Re : colère des auteures, qui estiment que ce repêchage fait de l'élue (si élue il y a), un prix de consolation. Du coup, le festival décide illico de supprimer la funeste liste et d'ouvrir le Grand Prix à tous les auteurs, sans restriction. Résultat, trois finalistes, dont une femme, et c'est finalement Hermann, déjà en lice en 2015, qui reçoit mercredi le Grand Prix, saluant ainsi l'ensemble de son œuvre. L'affaire d'Angoulême a donné lieu à moult commentaires et questionnements : la femme qui mérite le Grand Prix existe-t-elle ? Le festival d'Angoulême est-il sexiste ? Le monde de la bulle est-il machiste ? Des chiffres ressortent : 12,4% des auteurs de BD sont des femmes, 173 femmes sur 1399 auteurs de bande dessinée recensés en 2015.En 2013, un rapport du Sénat sur la place des femmes dans l'art et la culture relevait déjà la quasi absence des femmes dans la liste des Grands Prix d'Angoulême (une seule, Florence Cestac l'a reçu pour de vrai (2000), Claire Bretécher, en 1983, ayant hérité d'un prix anniversaire, qui lui interdit depuis l'accès au Grand Prix. Bonne nouvelle quand même, les assises de la BD à Angoulême ont révélé qu'en fait, il n'y a pas 12 % d'auteurs femmes en BD, mais 25 % !
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