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Avec "Le Juif arabe" l'auteur et dessinateur israélien Asaf Hanuka part d'une énigme familiale pour raconter un pan de de l'histoire de son pays

Dans son nouvel album, l'auteur et dessinateur israélien mène en parallèle enquête familiale, quête identitaire personnelle et récit historico-politique. Une réussite.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'auteur et dessinateur israélien Asaf Hanuka et la couverture de son album "Le Juif Arabe" (2023). (CECILE GABRIEL - EDITIONS STEINKIS)

Comme il l’avait fait dans le remarqué K.O. à Tel Aviv, le dessinateur israélien Asaf Hanuka se met une nouvelle fois en scène dans Le Juif Arabe. Mais il plonge aussi en parallèle cette fois dans son passé familial, celui de son arrière-grand-père Abraham Eliyahou.

Juif de culture arabe, ce dernier était marchand de tissus à Tibériade au début du XXe siècle et il avait adopté un jeune orphelin palestinien, rebaptisé Ben-Tsion (fils de Sion ou fils de Jérusalem). Abraham est mort assassiné lors des révoltes arabes des années 30. Dans la famille, il se murmure que c’est l’ingrat Ben-Tsion qui a commis le meurtre.

Une planche de la BD "Le Juif Arabe" de Asaf Hanuka. (EDITIONS STEINKIS)

Une énigme familiale pour raconter la grande histoire

En creusant un peu, en interrogeant différents membres de sa lignée, Asaf Hanuka met au jour des contradictions dans les versions. Se pourrait-il vraiment que Ben-Tsion, considéré comme son fils par Abraham, ait assassiné son protecteur de sang-froid ? Au motif que cela ferait une bonne histoire à raconter en BD, l’auteur décide d’en avoir le cœur net et mène l’enquête. Son dessin nous plonge à la fois dans la vie d’Abraham il y a cent ans et dans son quotidien à lui, au début des années 2000, lorsqu’il est rentré vivre chez ses parents en Israël après plusieurs années d’études à l'école de dessin Emile Cohl de Lyon.

En fouillant le passé pour dénouer cette énigme familiale, Asaf Hanuka en profite habilement pour raconter la grande histoire et son versant méconnu, et c’est passionnant. Tout au long de son enquête, qui est aussi une quête d’identité ("une identité conflictuelle en tant que juif arabe"), l’auteur nous invite à bord de son cheminement intérieur, livrant ses doutes et ses questionnements, y compris sur les circonstances de la naissance de son pays.

Une planche du roman graphique "Le Juif Arabe" de l'Israélien Asaf Hanuka. (EDITIONS STEINKIS)

Une narration inventive et un trait précis

Auteur et dessinateur, Asaf Hanuka est ici au sommet de son art. Sa narration est inventive : son récit avance sur deux temporalités, à presque un siècle de distance. A droite, l’histoire d’Abraham et de son fils adoptif Ben-Tsion, à gauche celle de son propre retour au bercail et de son enquête familiale. A rebours de ce qui se fait lorsqu’on évoque le passé, il offre à l’histoire de son aïeul sa palette de couleurs chaudes, réservant à la sienne le noir et blanc et ses nuances de gris. Le trait est comme toujours limpide et précis, dans le détail comme dans l’épure. Un régal.

Alors que la situation de la région est explosive, que beaucoup désespèrent de ne jamais parvenir à une réconciliation, ce roman graphique est un appel vibrant à l’apaisement. Auparavant, rappelle-t-il, avant l’avènement du sionisme au tournant du XXe siècle, et avant la création de l'Etat d'Israël en 1948, Juifs arabes et Arabes musulmans coexistaient en harmonie sur cette terre, liés par une culture commune. En éclairant le passé, Asaf Hanuka illumine le présent d’une lueur d’espoir.

"Le Juif Arabe" de Asaf Hanuka aux éditions Steinkis (96 pages, 20 €) vient de paraître

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